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Florence Noël – d’écorce


on avait dit au revoir aux arbres
à chaque feuille
et de tomber avec elles
nos mains s’enflammaient
puis murmuraient des choses lentes
apprises dans l’humus
le manteau de leur torse
était trop vaste
pour contenir le souffle des oiseaux
et tous ces souvenirs
délestés de bruissements
ces troncs buvaient nos bouches
adoubement de sèves
de part et d’autre
d’un baiser de tanin
on avait confié à leur chair
le soin de graver
l’étendue d’une vie
et dans l’ombre inconnue des cimes
nos dents entaillaient
le fragile désir de croître.

extrait de « Au hasard de la lumière »


Florence Noël – branche d’acacia brassée par le vent ( 1 )


Premier mouvement : Presto

branches  floues bougé.jpg

et si nous revenions, tu sais, le cuivre des saisons, le parfum blanc l’égarement, si nous revenions à cette source où le jour coule sans discontinuer
et si tu me prenais la main, le premier seuil à dépasser comme un jardin qu’on nomme,
et qu’ainsi on habille et qui s’étonne d’un pied – nous foulons la houle herbeuse
et si nous disions ce mot, éparpillé dans nos silences, rassemblé de ma lèvre, ange, de la mienne pure parce que la tienne, ce souffle encore y œuvrerait
et si nous nous laissions aux berges, main ballante dans l’air levé, si nous nous lisions aux rives, battant l’eau échappée des vapeurs

suffoqués sous les vœux givrés des aubes
encore venir tout de désir
lourds dans la lèvre unique
d’un matin retenir le pelage et sa texture stridulée par le souffle
prodigue et tant penche mon visage qu’il lape

je sais l’enjambée dessus ce pont – profilent ces arbres mères ceinturés de secret – là choit l’enfance et ses sommeils – tu sais ma volte dans leur branches
je sais le précipité de ta silhouette, sa course projetée sur les tessons de pierres, leur vibration de petites ombres, ton corps en avant et tu reçois la première brassée – hoquet brut, poitrine hachurée
je sais le feutre des murmures – ininterrompre laisser fuir – et mon oreille pour les récoltes, tapisserie de lourds dais, nous nous voyions par paravent – vole une feuille colle à ta joue

hurlé au tendre des côtes
la plainte plus tôt forera l’air
en son milieu
par mes poumons orgues à pétrir
cent fois sur le métier pétrir
et de nos blessures
fourrager l’évidence


Florence Noël -Donnez-nous des pierres…


statue menhir du Rouergue     ( visible au Musée Fenaille, Rodez)

Donnez-nous des pierres…

donnez-nous des pierres pour le repos,
leur bogue de granit ocre
connivente au cœur,
en projection
l’enlisement des silhouettes jetées, cassées dessus ces marches
et toute l’aumône des
mouvements d’hommes
bordant nos peines comme fleuves équarris
à grandes enjambées de désirs

qu’on puisse mourir de la longueur d’un arbre
ou de son vêt d’ombre
jetés bas par le midi trop plein
par la touffeur trop dense
et quoi ?

une main, simple,
ses lignes en miroir des vôtres
passerelle dessus
cette cascade pierreuse
une main simple
lisse de vouloir
escale d’un vivre encore
est-ce trop pauvre monde
est-ce trop ?

Florence Noël