Venise en hiver – ( RC )

As-tu encore des souvenirs
du film de Visconti ,
de Venise en hiver,
de la neige sur les gondoles
alignées sur les pontons de bois ?
Plutôt que des photographies,
tu en fis un carnet de voyage,
avec des traits subtils
les traces versatiles
de lavis poursuivant les nuages.
La ville est silencieuse
dans ses habits d’ocre rouge,
et des palais aux colonnes de marbre
penchés sur la lagune
comme à regret.
La Salute est en équilibre,
un peu effacée par la brume.
Elle a abandonné ses reflets
à la matité d’un hiver
couronnant les rives de gel.
Tout est immobile,
le silence est dans le cœur
de la terre et du ciel,
les pieds dans la vase et les flots
sans qu’on en voie les limites.
C’est un instant prélevé sur l’éternel,
où tout ce qui scintille
s’évanouit dès qu’on approche la main.
Tu nous décriras San Michele,
le cimetière en dehors de la ville
où les poètes
dans leur profond sommeil
ne sont pas dérangés par les touristes
venus pour le Carnaval ,
les vaporetti du Grand Canal.
Les peintres n’ont pas de mots
pour dire la beauté des lieux
traversés par les siècles
et la ville qui doucement sombre
dans le miroir les eaux.
RC
( texte en rapport avec l’ouvrage de dessins de Jean-Gilles Badaire » Venise » )
Renée Vivien – Ondine
Ton rire est clair, ta caresse est profonde,
Tes froids baisers aiment le mal qu’ils font ;
Tes yeux sont bleus comme un lotus sur l’onde,
Et les lys d’eau sont moins purs que ton front.
Ta forme fuit, ta démarche est fluide,
Et tes cheveux sont de légers roseaux ;
Ta voix ruisselle ainsi qu’un flot perfide ;
Tes souples bras sont pareils aux roseaux,
Aux longs roseaux des fleuves, dont l’étreinte
Enlace, étouffe, étrangle savamment,
Au fond des flots, une agonie éteint
Dans un nocturne évanouissement.
(Études et préludes, 1901)
Si Talmont devient une île – ( RC )

Talmont église- cf laboutiquede Royan
–
C’était un soir frisant,
Sur ses eaux calmes …
Et le sanctuaire se dresse,
Juste au bord de l’estuaire,
Presque en équilibre sur un fil..
La lumière bondit sur l’eau .
Ses vieilles pierres amassées, comme
Une sentinelle attentive
Qui patiente, toutes voiles dehors,
De ses arcades romanes.
Le temps est ralenti,
Poussé entre deux rives,
Mémoires d’or
Brins de fièvre sous la caresse,
Des derniers rayons du soleil.
Peut-être son vaisseau immobile,
Un jour , se décidera,
A traverser l’Atlantique,
Belle endormie,pour tenter l’aventure,
Comme un bouchon sur les flots.
Si Talmont devient une île .
–
RC- mars 2015
photo auteur non ident

montage et photos persos… panoramique des modillons de l’église de Talmont — ……. cliquer sur l’image pour l’agrandir…
ifié
Course recommencée de la rivière ( RC)
aquarelle- Shay Clanton
–
A l’abri des saules,
L’ombre légère se courbe,
Et effleure le courant,
Où passent furtifs,
Des éclairs d’argent.
Des feuilles jaunies
D’un calme après-midi,
Suivent à quelque distance,
Le défilé des heures
Qui les portent au loin.
Il n’ y a de bruits,
Que l’envol des oiseaux,
L’écho du bruissement des flots,
Contournant les branches,
Dépassant de l’onde.
A peu de distance de l’île,
Le pêcheur immobile,
Reste debout
Dans ses bottes de cahoutchouc,
Et laisse filer le temps.
Dans un autre univers,
D’ors et de verts
Les points de soleil ricochent,
Autour de quelques roches,
Que les truites contournent.
La lumière invente ses fins de jours,
Et se pose en détours,
< Sans se souvenir d’hier,
Ni des poissons, des hameçons,
La course recommencée de la rivière..
Les pieds dans les bottes, humides,
Le pêcheur , son panier vide,
Ne veut pas forcer la chance
Que la ligne se tende et mouille,
Qu’importe de rentrer bredouille…
RC – 17 juillet 2013
–
Claude Roy – Hommage à Jules Verne
Nos souvenirs ont parcouru
Vingt mille lieues sous les mers
Frôlant les vaisseaux disparus
Les noyés aux lèvres amères..
J’ai perdu la trace aujourd’hui
Des trois Anglais du Pôle Nord
Les jours s’en vont les ans ont fui
Les grands aventuriers sont morts
Les capitaines de quinze ans
En ont quatre-vingts bien sonnés
Les flots qui s’en vont moutonnant
Emportent épaves les années
Je cherche au centre de la terre
Les deux explorateurs errants
Comme eux je vais je viens et j’erre
Enfant du Capitaine Grant…
Les nuages glissent dans les nues
Le coeur attend le coeur espère
Nos souvenirs ont parcouru
Vingt mille lieues sous les mers.
–
Claude Roy « Clair comme le jour »
–
Arthémisia…… L’image

Tu marches lentement, poussant du pied le sable
En gerbes fleurissant des paillettes effaçables.
Je te revois encore, riant avec les mouettes,
En écartant les bras pour cueillir le vent,
Laissant sur ta peau nue courir imparfaite
La pensée d’un amour avec moi estivant.
Je te revois encore courbé vers la marre
Scrutant le coquillage, des marées, survivant,
Et cherchant à point d’heure, accroché sous le phare,
La lumière d’argent venue de mon levant.
Je te revois géant haranguant les dieux mêmes,
Tourné vers l’horizon, et vomissant tes flancs,
Hurlant au ciel, aux flots, les mots de ton poème,
Toujours lourd et tendu…époustouflant.
Je te revois ce soir, au seuil de mon rêve.
Où seras tu demain ? Peut être encore ici ?
Tu vis et tu dessines en mon ventre un lacis
Que la mer sans détours ramène sur ma grève.
Je te revois jamais et toujours et encore,
Construisant la demeure où j’habite à plein temps,
Je cours après les jours arrogants de la mort,
Et je cours après toi, l’image de mon néant.
Copyright © Arthémisia – Juin 2008
Avec : Nicolas de STAËL – Tempête