Une nouvelle Ophélie – ( RC )
photo :Gregory Crewdson
Tout est en place,
rien ne bouge,
c’est le calme plat
après la tempête,
– ainsi le dit-on,
et tout est paisible
dans le salon:
des vêtements suspendus
des objets divers sur la table basse,,
les livres dans la bibliothèque,
et la pendule égrenant les minutes,
le papier peint dont on voit les motifs
qui prolifèrent, répétitifs,
où sont accrochées des photos de famille.
Cet intérieur a cet aspect tranquille
que rien ne va perturber
et pourtant dans ce décor,
somme toute, banal,
les fauteuils se font la malle;
où est passée la maîtresse de maison
qui abandonne ses chaussons
sur les marches de l’escalier ?
Des fenêtres , une lumière feutrée
comme celle d’une chambre mortuaire,
basculeront les étagères
quand l’eau sera montée.
Cette scène, nous la verrions
comme si nous y étions rentrés
juste après l’inondation.
Ou bien l’observant derrière
une paroi de verre,
comme celle où l’on contemple les poissons
– sans submersion -.
C’est la journée ordinaire
de la maîtresse de maison
qui ne justifie ni mise en scène,
ni éclairage au néon.
Une aventure quotidienne
qui connait cependant
un certain flottement
dans l’occupation des lieux.
Le photographe se place au centre géographique
à hauteur d’homme
évoquant l’atmosphère aquatique
d’un aquarium.
Ophélie n’est pas au milieu de l’étang
émergeant des lentilles d’eau,
mais bien chez elle,
dans son appartement,
regardant fixement,
le plafond, immobile…
curieux vaudeville
De la comédie,
c’est cet après-midi
où tout semble s’arrêter :
Le temps est immobilisé
et la vie humaine
un élément de la scène
qui dérive en flottant
dans le décor indifférent .
Ne pas froisser l’air avec des certitudes – (Susanne Derève)

Imogen Cunningham – first magnolia
Ne pas froisser l’air avec des certitudes
Se garder immobile
Pour tenter de saisir la plus infime vibration de la lumière
le plus léger flottement dans l’air
le froissement imperceptible d’une aile de papillon
dont l’onde se répercute et fait vaciller un pétale
une corolle tremblante
poudrée d’un jaune cendre d’étamines
et pas de certitude qu’il s’agisse d’une rose
Je marche dans l’inconnu – ( RC )
peinture: Ellsworth Kelly
–
Là où le monde secret des inanimés perd de son mystère ,
en léchant ses plaies de lumière ,
on se tire difficilement du sommeil ,
dans le parcours des heures qu’interromp le réveil .
On a encore dans la tête , mille rêves .
Ils éclatent, comme une bulle crève ,
quand le jour s’élance
l’aube effaçant le silence
du coeur même de la nuit .
On doit reconquérir son esprit ,
ranger l’armoire à nuages ,
se préparer au voyage ,
- Aujourd’hui nous attend ;
il faut plonger dedans ,
endosser son costume ,
poser ses pieds sur le bitume .
Il n’est pas certain qu’il s’ajuste exactement :
ce matin , je ressens un flottement
entre hier et aujourd’hui :
> pas sûr que ma vie
me suive à la trace :
à mesure, elle s’efface
sans plus me correspondre :
les minutes et les secondes ,
les années anciennes
ne sont plus les miennes :
le temps est discontinu :
> je marche dans l’inconnu.
–
RC – juill 2017