Nicolas Jaen – l’ange frappera

Au teint de vieux noir et blanc.
( Oui j’ai de la chapelle de l’hôpital des poussières d’hosties encore dans la gorge.)
On lavera au sang. On ouvrira nos écorchures.
On se baignera en nous.
Et l’ange frappera. Par sa nervosité.
Son œil boira les couleurs.
À peine recommencées. Esquives.
Et coups bas. Oui, la folie reprisée.
D’avoir à consumer d’êtres l’urne, lente, fourragée, d’éternité.
(Oui j’étais la pierre la dune le sable le soleil)
Edi Shukriu – Au-delà de soi-même
peinture Marsen Hartley
Au-delà de soi-même
Je m’élève de mes ailes au-dessus de moi je plonge
dans les ténèbres de l’enfer
puisant au fond des temps
je me rafraîchis me rassasie de sagesse
tandis que pourrissent les racines
les ronces et buissons demeurent à l’état sauvage
je m’égosille à perdre le souffle, roule de gros yeux.
je m’élève de mes ailes au-dessus de moi
comme si me prenait la folie du temps
Poème du silence
Une vaine pluie tombe au dehors
qui n’augmente ni ne réduit
l’inanité des choses impossibles
de ce bruit monocorde
nulle voix n’émerge ne résonne
maudit silence
c’est à moi que tu en veux.
est-il bien vrai que tout autre univers me demeure interdit
la perte de ce rêve irréalisable
peut aller au diable
au gré de ses tourbillons
la pluie tombe au dehors
et semble noircir le poème du silence.
Edi Shukriu est une auteure de nationalité albanaise
Catherine Pozzi – Nova
Dillon Samuelson – everything Happens to Someone
Dans un monde au futur du temps où j’ai la vie
Qui ne s’est pas formé dans le ciel d’aujourd’hui,
Au plus nouvel espace où le vouloir dévie
Au plus nouveau moment de l’astre que je fuis
Tu vivras, ma splendeur, mon malheur, ma survie
Mon plus extrême cœur fait du sang que je suis,
Mon souffle, mon toucher, mon regard, mon envie,
Mon plus terrestre bien perdu pour l’infini.
Évite l’avenir, Image poursuivie !
Je suis morte de vous, ô mes actes chéris
Ne sois pas défais toi dissipe toi délie
Dénonce le désir que je n’ai pas choisi.
N’accomplis pas mon jour, âme de ma folie, —
Délaisse le destin que je n’ai pas fini .
Murièle Modely – ( En ) quête
![]() photo Mahafsoun ( deviantart )
Je suis petite fille Je tombe Je suis coupable d’enfance Je dégringole Car je cherche un passé,
– Un texte qui peut être retrouvé dans le site « écrits vains », parmi 8 autres de M Modely
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La couleur fluide, tout au long des pages du livre – ( RC )
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Il y a des lignes qui s’écrivent,
De la couleur fluide,
Qui l’accompagne et la guide,
Tout au long des pages des livres.
Ils s’ouvrent et se déplient,
Et les mots s’espacent ou se pressent,
Comme le temps d’une caresse,
– le temps évanescent d’une folie –
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RC – avril 2014
Patrick Berta-Forgas – Tournée mondiale n° 4
–
La guerre
comme un film en trois démissions
à l’écran sombre du mensonge
: ce pire, des forces …
Il arrivera
de nouveaux mots
pour refaire le calque
de la communion perdue
de la vérité.
Les illusions resserrent le rêve !
Il va pleuvoir
ici et là …
L’alarme du monde
dans la prière
d’une terre lissée
de discours …
La guerre, partout,
en sujet de vie !
Toute la mort
en bordures de fleurs …
Ce printemps
de souvenir,
de mémoire
quand s’aveuglent
les yeux et les coeurs
aux images arrêtées
de la folie.
–
P BF – mars 2011
Patrick Laupin – l’homme imprononçable – extr 01
photographe non identifié
–
Je voudrais que s’entende comment la violence historique rentre dans les corps, crée en chacun une parole non parlée, un soliloque muet.
D’ordinaire la poésie arrive à ça par des abréviations fabuleuses et des synthèses de foudre donnant à lire toute la structure du langage en abîme.
J’entends une poésie qui ne trahisse pas la réalité. J’imagine un théâtre, simple odyssée sous les arbres, solitaire, tacite ou social, où l’auditeur soit dans la position d’entendre ce qu’il écoute comme s’il ne l’avait jamais encore entendu prononcer, bien que vivant de tout temps de ce débordement concentré de sa propre énergie singulière.
Où soient des adresses, des voix, un lieu de la parole en soi pour qu’elle puisse exister. Sans quoi, le tragique de la folie le prouve, l’homme est un être donné pour le néant et la disparition. Que la voix retraduise ça, le lieu, le geste, le fuyant.
Que s’entendent ces voix, vulnérables de songe, sentences retorses qui évident le mensonge, une beauté statuaire dans le calme plat de l’invective.
Je voudrais que s’entende une langue qui par la répartie instantanée retourne le sens à son vide, à la cruauté rapace d’envol qui dort dans la guerre intestine des corps, à la douceur élue de la beauté.
Ennuis, soleils, traites impayées, corps courbaturé et l’oppression, le souffle de la révolte.
Je me dis qu’une page est tracée diaphane chaque jour au soupir de notre disparition.
Je voudrais lui rendre son invention de chair, de verbe et d’insurrection sacrée.
(extrait de L’Homme imprononçable, La rumeur libre éditions, 2007)
Cribas – Sur la colline du 24ème siècle
Sur la colline du 24ème siècle
Le soleil monte sur la colline encore un peu rouge
Je sais que tout à l’heure
Mon ombre y dessinera à nouveau son tombeau
J’étais parti sans partir
Je reviens sans revenir
Mais je dois rejoindre les rayons brûlants de son halo
Je dois retrouver mon chemin qui a rencontré le chaos
Je dois retourner au bord du précipice
Tout au bord de ma voie suspendue
Je reviens là où continue le vide
Où s’est arrêtée la folie
Inerte et vaincue.
On en fait des détours et des tours
Avec ou sans aide on refait le grand tour
Mais on revient toujours sur le lieu du crime
Un lac, un parking, un souvenir
L’amour en morse gueule depuis l’antenne de secours
On revient toujours, après mille lieues, mille heures du même parcours
On revient effondré
Haletant et déjà à nouveau assoiffé
On revient une fois encore
Comme toujours
Sur la ligne de départ de ses amours dopées
On revient comme un cheveu blanc, gavé du gras des années de grisailles, un écheveau sans projets sur le fil du rasoir
Avec des mots, et dans sa bouche ses propres yeux,
Et dans sa poche
Des oreilles pleines de guerres
Comme des prières secrètes qu’on ne peut plus taire
Des sourdines qui tombent comme un cheval mort sur la soupe
Avec un os rongé jusqu’à la moelle dans la gueule, et un reste de tord-boyau somnifère qui n’a pas servi
On fait mine
En posant un genou à terre dans les starting-blocks
D’être déjà prêt,
C’est reparti pour un tour, une course dans la nuit sous la lune étoilée
Avec en point de mire une vie de moins en moins murgée
Sobre et contemplant la grande ourse
Comme inerte et vaincue
Et de calme gorgée.
La colline vire au bleu
Je sais que tout à l’heure
Je l’aurai entièrement remontée
Ma petite vie en retard
Mon existence d’esthète à remontrances automatiques
Cribas 07.07.2013
–
Alda Merini – folie
–
Folie, ma grande jeune ennemie,
il fut un temps où je te portais comme un voile
sur les yeux, me découvrant à peine.
je me suis vue dans le lointain ta cible,
et tu m’as prise pour ta muse ;
lorsqu’est venue cette chute de dents
qui m’endolorit encore parmi les dépouilles,
tu as acheté cette pomme de l’avenir
et m’as donné le fruit de ton parfum.
—
Follia, mia grande giovane nemica,
un tempo ti portavo come un velo
sopra i miei occhi e mi scoprivo appena.
Mi vide in lontananza il tuo bersaglio
e hai pensato che fossi la tua musa;
quando mi venne quel calar di denti
che ancora mi addolora tra le spoglie,
comprasti quella mela del futuro
per darmi il frutto della tua fragranza.
–
Vuoto d’amore, Einaudi, 1991
–
Les chemins de Séraphine ( RC )
Avec d’autres chemins
Pourquoi les suivre..;
effet du hasard ?
Tirer la bonne paille… ?
Le destin aux lignes de la main,
la barque qui dérive
qui peut-être s’égare
Où qu’elle aille ….
Il n’y a pas besoin d’être vieux
pour découvrir, à tous vents
la passion qui nous porte
sans qu’on l’imagine…
Elle nous porterait aux cieux
se transformant en talent…
Je pense à une femme forte,
la peintre Séraphine
qui invente son univers
en éclats de couleurs
Et rendit possible
d’autres lendemains
Détachée de la terre
en éclats de douleurs
elle fait voir l’invisible
qui est à portée de mains…
C’est tout un monde étrange
où le certain, n’a plus cours
où bascule notre regard
En abolissant nos repères;
C’est un monde qui dérange
une folie sans contours
où l’on comprend que l’art
Est solitaire, et salutaire…
–
RC- 8 octobre 2012
–
Tahar Ben Jelloun – Quel oiseau ivre naîtra de ton absence ? — l’interrogation du soleil ( RC )
Quel oiseau ivre naîtra de ton absence
toi la main du couchant mêlée à mon rire
et la larme devenue diamant
monte sur la paupière du jour
c’est ton front que je dessine
dans le vol de la lumière
et ton regard
s’en va
sur la vague retournée
sur un soir de sable
mon corps n’est plus ce miroir qui danse
alors je me souviens
tu te rappelles
toi l’enfant née d’une gazelle
le rêve balbutiait en nous
son chant éphémère
le vent et l’automne dans une petite solitude
je te disais
laisse tes pieds nus sur la terre mouillée
une rue blanche
et un arbre
seront ma mémoire
donne tes yeux à l’horizon qui chante
ma main
suspend la chevelure de la mer
et frôle ta nuque
mais tu trembles dans le miroir de mon corps
nuage
ma voix
te porte vers le jardin d’arbres argentés
c’était un printemps ouvert sur le ciel
il m’a donné une enfant
une enfant qui pleure
une étoile scindée
et mon désir se sépare du jour
je le ramasse dans une feuille de papier
et m’en vais cacher la folie
dans un roc de solitude
–
.
Tahar BEN JELLOUN
–
Auquel j’ajoute mon « interrogation du soleil » – qui a été composée sans que je connaisse le texte ci-dessus,
En lissant, du dos de la main,
Un sable blond, – l’interrogation du soleil
Qui s’étale, en grains
Par millions, ni semblables, ni pareils
Et si ceux ci, recouvrent
L’haleine de mon corps
Qui fait racine, puis s’ouvre
En profondeur, de toutes ses pores
C’est un flux de la mémoire
En fouillant dans son ombre
A chercher dans le noir
Qu’aucune lumière n’encombre
Quand tu te penches, elle ressurgit soudain
Aux rayons de tes cheveux dénoués
Et qu’ au dessus de moi, planent tes mains
Porteuses du soleil, d’un désir avoué.
C’est ton regard, que le ciel achemine
Qui réchauffe le mien
Je n’en sais pas l’origine
Mais j’en connais les liens.
Vivre est une aventure,
On s’écarte des chemins tracés
Vers des sentiers peu sûrs
Mais où tu me fais me lancer
Et c’est encore un peu ivre
Encore en titubant
Que je vais te suivre
Emporté vers l’avant
Mes lèvres ont le goût des tiennes
J »ai laissé derrière, l’hiver des pensées
Un nouveau jour m’entraîne
………….. Et je n’ai plus de passé.
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RC -21 octobre 2012
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Cribas – Brûlure indigeste
Brûlure indigeste ou Impitoyable farniente
– Cribas 2010 – Lien permanent
Il y a le temps qui s’arrête
La télévision
Les Monk et autres merveilles
Les histoires secrètes
Un peu de musique
Parfois un livre
Pas trop près des yeux.
Deux mois sans vivre à l’extérieur
Et mon fort intérieur
Agrandit ses remparts :
Ces petits riens nulle part
Avides de bonheur.
Il y a la mélancolie
Cette sournoise silencieuse
Se prêtant au jeu, rieuse,
De l’âme tout contre sa folie.
Il y a enfin la vie
L’invisible
Celle qui est toujours en fuite
Celle qui gicle.
Il y a le temps à terre
En noir
Et blanc vers les cieux
Entre les deux
Ça fait plutôt pissotières.
La fatigue use
Et la terre tourne
Encore et toujours autour des fusées
Séjourne le soleil sans ruse.
Il faut se battre
Comme la lumière au travers des volets,
En frappant fort
Sur son corps déjà violet.
Un peu de vin
De la musique
Beaucoup de musique
Autant de vin
Je bats l’enfer lorsqu’il est froid
Je prévoirai demain.
–
Cribas Par Cribas le samedi 17 juillet 2010.2010
Aimé Césaire – Cahier d’un retour au pays natal
Cahier d’un retour au pays natal,
—
(texte: Éd. Présence Africaine)
Trésor, comptons :
la folie qui se souvient
la folie qui hurle
la folie qui voit
la folie qui se déchaîne
Et vous savez le reste
Que 2 et 2 font 5
que la forêt miaule
que l’arbre tire les marrons du feu
que le ciel se lisse la barbe
et caetera et caetera…
Qui et quels nous sommes ? Admirable question !
À force de regarder les arbres je suis devenu arbre et mes longs pieds d’arbre
ont creusé dans le sol de larges sacs à venin de hautes villes d’ossements
à force de penser au Congo
je suis devenu un Congo bruissant de forêts et de fleuves
où le fouet claque comme un grand étendard
l’étendard du prophète
où l’eau fait
likouala-likouala
où l’éclair de la colère lance sa hache verdâtre et force les sangliers de la
putréfaction dans la belle orée violente des narines.
Au bout du petit matin le soleil qui toussote et crache ses poumons
Aimé Césaire,