
Sándor Petőfi – Nuages (extraits)

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J’aimerais laisser là…
J’aimerais laisser là ce monde lumineux,
Sur lequel j’aperçois tant de points ténébreux.
Je voudrais pénétrer dans la forêt sans borne,
Où jamais je ne trouverais personne, personne !
Là-bas, j’écouterais le murmure des feuillages,
Là-bas, j’écouterais le bruissement des flots
Et le chant des oiseaux,
En contemplant l’armée nomade des nuages,
En contemplant le soleil qui se lève et qui tombe…
Jusqu’à ce que moi-même enfin aussi succombe.
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La vie ne me touche pas…
La vie ne me touche pas davantage
Qu’une casserole brisée,
Jetée loin des cuisines, dont un mendiant sans âge
Pourlèche les restes desséchés.
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Derrière moi, la belle forêt bleue du passé…
Derrière moi, la belle forêt bleue du passé,
Devant moi, les beaux semis verts de l’avenir ;
Toujours loin, sans me distancer,
Toujours près, sans que je puisse y parvenir.
Ainsi, sur la grand-route, je vais errant,
Dans ce désert luxuriant,
Abattu et toujours errant
Au sein de l’éternel présent.
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.

Sándor Petőfi ( 1823-1849) , héros de la Révolution de 1848 , mort en combattant ,
est l’un des plus grands poètes de la littérature hongroise.
Nuages et autres poèmes
traduit par Guillaume Métayer
Editions Sillage
Corps de Ménéham – ( RC )

photo RC Ménéham juillet 22
Corps de granit en bord de mer,
au hasard , tu verras des maisons minuscules
par rapport à ces géants de pierre.
Comme elles le peuvent, elles se dissimulent
tout en espérant
se mettre à l’abri du vent
et des embruns, derrière les roches.
Pas question pour un Petit Poucet
de s’égarer dans la forêt.
Même si l’océan est proche,
( la futaie est lointaine:
les rochers se referment
sur la terre ferme ):
Possèdes tu le sésame
qui permet d’ouvrir les demeures secrètes
du village de Ménéham ?
si tu veux je te le prête,
mais ne penses pas y trouver
un trésor caché
par les flibustiers :
on ne compte plus les heures
avec le temps qui passe
sur les légendes
parmi les herbes de la lande.
Seuls ces grands corps demeurent:
corps de granite
qui restent sur place
aux grandes formes insolites.
Ils ne confieront rien de leur âge
à ceux qui viennent visiter le village.
Troncs d’arbres fossiles – ( RC )

Forêt pétrifiée de Varna
Vieilles âmes habillées de bois,
parcourir cette forêt morte,
cette terre inondée,
branches tombées, entremêlées
corps agonisants dans la litière
épaisse des mousses,
linceul de feuilles pourrissantes…
troués par le temps
debout encore , cependant.
Les oiseaux ont déserté les cieux
pour des pays plus accueillants.
Restent les rudiments de ces arbres,
fantômes, fuseaux d’écailles
témoins immobiles d’antan,
d’où a reflué la sève,
aubier poisseux de sédiments,
petit à petit asphyxiés,
imperceptiblement
transmutés en pierre,
désastre de colonnes éparses,
marbre gris évoquant
celles de temples écroulés,
aux rites enfouis profondément
dans une gangue épaisse
gardienne de leur mémoire pétrifiée .
RC
on renverra aussi vers un article évoquant la découverte, en Essonne, de forêts calcifiées)
Hannah Arendt – Heureux celui qui n’a pas de patrie

La tristesse est comme une lumière dans le coeur allumée,
L’obscurité est comme une lueur qui sonde notre nuit.
Nous n’avons qu’à allumer la petite lumière du deuil
Pour, traversant la longue et vaste nuit, comme des ombres nous retrouver chez nous.
La forêt est éclairée, la ville, la route et l’arbre.
Heureux celui qui n’a pas de patrie ; il la voit encore dans ses rêves.
Die Traurigkeit ist wie ein Licht im Herzen angezündet,
Die Dunkelheit ist wie ein Schein, der unsere Nacht ergründet.
Wir brauchen nur das kleine Licht der Trauer zu entzünden,
Um durch die lange weite Nacht wie Schatten heimzufinden.
Beleuchtet ist der Wald, die Stadt, die Strasse und der Baum.
Wohl dem, der keine Heimat hat; er sieht sie noch im Traum.
Sylvie-E. Saliceti – Je sais que le soleil tourne autour de la forêt

Montage RC
Je sais que le soleil tourne autour de la forêt
que la parole est nue
Je sais que la mort
brûle
Ni croix ni étoile sur le front des abeilles
Je sais les pieds déchaussés rythmant le sol
tendu en peau de scalp
et le totem des loups
et le feu des ancêtres dans le camp
immobile
Je sens la force
primitive des parfums boisés
Je sais qu’avant le rituel quand
le souffle s’éteint
les fumées se relèvent
pour se laver les mains
Qu’il faut un pas de danse en cercle
autour de l’arbre
Je connais les us de la lumière
Je sais que Dieu n’existe pas
La cérémonie
des vivants sous la terre Le bras
enterré de l’hommage
passe à travers la croûte de
boue pour attraper quoi ?
Des cerises juteuses
comme des nuages au-dessus
du linceul de ciel
Je sais la coutume
des morts Je sais que
Dieu existe
Sous les paupières
Dans le poing du charnier
les pierres de Lissinitchi sacrent
la lune sauvage
à la frontière de la chair
Laissez les corps du chagrin
et de la grandeur
là où les cailloux
tendent leurs lèvres
sous l’eau de pluie Le rythme
des gouttes vient
peu à peu J’attends
Que le vent couronne
le brasier au-dessous des branchages
Là où tournesols dans
leurs fleurs Là
où légendes et marchands
de Lublin
là où vieille langue dans
son chemin de ronde
Dieu a dû choisir entre
la bonté et la puissance
Je crois
que le soleil tourne autour
de la forêt
Là-bas le soleil roule sur
un chariot sans bouquet
où s’entassent les peaux
en parchemins
Les roues de la carriole tracent leurs
encres sur la neige
Deux lignes aussi droites que
les flèches du chamane
Je sais le rituel de la parole
le rituel de l’étoile
le rituel de l’écorce
trois tours de ciel
à Lissinitchi
extrait de « je compte l’écorce de mes mots » Rougerie 2013
Giuseppe Penone – Verde del bosco –

Capturer Le vert de la forêt.
Parcourir d’un geste le vert de la forêt.
Frotter le vert du bois.
Superposer le vert de la forêt à la forêt.
Imaginer l’épaisseur du vert de la forêt.
Travailler avec la splendeur, la consistance du vert de la forêt.
Consumer le vert de la forêt contre la forêt.
Refaire la forêt avec les verts de la forêt.
Giuseppe Penone, 1986 (Writings 1968-2008)
***
voir sur l’exposition Sève et pensée – BnF Oct 2021/Janv 2022 :
https://blog.kermorvan.fr/2021/11/04/__trashed/


L’oeuvre Sève et pensée ,déployée au centre de l’Exposition ( BnF Oct 2021/Janv 2022) , comprend un texte continu, sans ponctuation, que Giuseppe Penone a écrit en 2018 (suite de réflexions sur son art, la sculpture, la peinture, le dessin ... le cycle de la vie et de la mort).
et
Norge – En forêt
La fille au garçon
Parlait de façon
Si douce.
On dirait sous bois
Un petit patois
De source.
La main jeune d’elle
En celle de lui
Gîtant
Si frêle en son nid,
C’est une hirondelle-
Enfant.
Le meilleur de Dieu,
Des temps et des lieux,
C’est eux.
Ineffable, étrange
Façon loin des cieux
D’être anges.
Ne bougez plus, même
Pour baiser leur front,
Comètes.
Ça vaut bien la peine
Que les choses rondes
S’arrêtent !
J’exagère ? Ô doux,
Ce lit de fougères,
C’est tout !
Cet heureux cénacle
Est le seul miracle
Au monde.
L’amie et l’amant,
Tout le firmament
Autour !
Grondez-le, tambours :
On ne vit que pour
L’amour !
Le temple du jardin des rois – ( RC )

Des torches de lumière
papillonnent , légères,
poussées par les tilleuls.
Les bancs nous attendent ,
dans un havre préservé du soleil,
à l’orée de la forêt de pierre.
Vois-tu ces colonnes ?
elles ne portent qu’elles-mêmes,
ou une part d’histoire qui ne reste jamais sur place.
Des roses vivaces
cachent leurs épines, derrière leurs feuillages,
et se tournent vers le bassin, immobiles.
Courent derrière les grilles
proches du jardin du palais Royal,
pleins d’insouciance, des enfants .
Ils franchissent d’un bond
les troncs morts des colonnes,
coupées à ras.
L’ombre grignote petit à petit
l’ordonnance des bâtiments sévères :
elle s’agrandit sur la place;
On imagine qu’un temple grec attendait
émergeant à peine du sol,
bientôt envahis de sable, ce sont ses vestiges
où planent les oiseaux de proie
au-dessus de ce que fut jadis
le jardin des rois.
Jacques Dupin – une forêt nous précède
–
Une forêt nous précède
et nous tient lieu de corps
et modifie les figures et dresse
la grille
d’un supplice spacieux
où l’on se regarde mourir
avec des forces inépuisables
mourir revenir
à la pensée de son reflux compact
comme s’écrit l’effraction, le soleil
toujours au coeur et à l’orée
de grands arbres transparents
Comme dans tes vers – ( RC )
Comme une grande forêt,
les arbres se cachent les uns les autres.
Je n’en vois que quelques uns,
d’autres se développent
et ont des formes étranges,
des couleurs insolites, ,
et je me perds
dans ses obscurs sentiers.
Comme dans tes vers,
une forêt de mots
où je me fraie
dans les petits espaces
que tu laisses découverts,
et je savoure un univers
en m’y glissant doucement,
et peut-être en m’y perdant.
–
RC- avr 2019
Julian Tuwim – Simplement

Ad Reinhardt – Number 6
Tout était si simple : cet instant, la forêt,
Ce matin-là, il y a déjà douze ans.
Par-dessus les buissons le monde s’ouvrait
A celui que j’étais : jeune, gai, chantant.
Ce qu’il faisait frais ! Après le déjeuner,
Je partis dans la forêt tremblante de pleurs
Je m’assis avec les maths sous les genêts,
Car il y avait un examen dans deux jours.
Comme il faisait triste et gai sous ce ciel !
Un oiseau piaillait avec paresse ;
Je pensai : oiseau… forêt… école… elle…
Sans joie et sans tristesse.
Je me pris à rêver — juste un instant,
Comme ça, simplement, à tout, à tout…
Et voici que passent les choses et les ans
Et je ne suis toujours pas de retour.
Traduit du Polonais par Jacques Burko
Paroles en sang
Pour tous les hommes de la terre
Orphée La Différence
Claude Pélieu – Printemps rouge et noir

Mark Rothko
J’aime le silence de la forêt
et les paysages inachevés
(Il paraît que nous sommes assurés
de notre défaite et de notre désintégration)
nos peurs barbouillées du sang de la nuit
ruptures brisures transmissions
sur le mur d’écrans les fournaises du monde
tout devient visible et les fleurs du silence
incendient nos yeux de rumeurs
merles rouge-gorge mésanges sont revenus
l’herbe du printemps imite le vol des mouettes
flammes bleues à travers les branches des érables
c’est la fin de l’hiver et par temps de pluie
les couleurs pleurent sans mémoire
Indigo Express
Paris – le livre à venir- 1986
Robert Piccamiglio – C’est vraiment une grande forêt
Yves LeCoq
C’est vraiment
une grande forêt pour une fois
avec dedans des ours
et des hélicoptères miniatures
Je me couche sur le dos
au milieu des sapins
ils sont hauts
je regarde les fourmis courir
comme des folles
du lever du soleil
au coucher du même soleil
C’est vraiment
une grande forêt
une autoroute la traverse
elle part de l’Est
se faufile vers l’Ouest
les cons en voitures à pieds
la traversent aussi
s’arrêtent pour y manger
et pour y faire pisser
leurs gosses
Je me couche sur le ventre
cette fois
les hélicoptères miniatures
sont au-dessus de ma tête
silencieux et beaux
transparents et gracieux
comme des ombrelles de femme
Alors à ce moment là
de l’histoire
les ours bruns rappliquent
pas la peine d’ouvrir tout grands
vos yeux
d’être étonnés
– je vous ai déjà dit plus haut
qu’il y avait des ours
dans cette forêt
Ils viennent danser avec moi
et moi avec eux forcément
les hélicoptères miniatures
jouent serrés
un vieux truc de John Coltrane
on va essayer pour une fois
de ne pas trop se marcher
sur les pieds
les ours bruns et moi.
(poème affiche Annecy )
Une route perdue – ( RC )
Au bord du son déjà lointain
De la cloche fêlée
J’ai cheminé sous les brumes
Au bord des étangs remplis de nuages,
Essuyant leur camouflage.
Ce qui avait été une route
Traçait sa voie au milieu des sables
Fougères et terrains instables,
Se morphondait en plaies,
Les dents de cailloux sous la surface.
Cette voie je l’ai suivie
Aussi loin que le regard porte.
Elle se déroule toute droite,
Et absente des cartes…
Censée mener quelque part,
Maintenant plongée dans la forêt :
Une échancrure fine et rectiligne,
Qui pourtant s’essouffle,
Lorsque les îlots d’asphalte
Burinés de sable noir, se font rares,
Mangés par les flaques,
Aux bouches opaques.
Elle se rétrécit encore,
Serpente et se tord,
Et puis se perd,
Bue par la densité du vert,
Comme un vieux langage,
Dont on aurait perdu l’usage.
Transformée en chemin,
Celui-ci s’éteint
Au milieu des pins,
Cédant la place à une impasse,
Un rideau clos,
Un fouillis de végétaux
a reconquis la place,
fermant peu à peu l’espace.
Habitée par les ombres,
Des arbres sans nombre ;
une cabane abandonnée,
Où le chemin m’a mené :
cette petite cabane,
dont les couleurs se fanent
perdant peu à peu ses planches,
Masquée par les branches ,
c’est vers le sol qu’elle s’incline…
le temps lui fait courber l’échine .
.
–
juillet 2014 – fev 2018
L’aube est pour demain – ( RC )
peinture: Paul Nash – We Are Making a New World, 1918
Dans un paysage lunaire,
il se trouve encore,
dans le jour qui s’éteint,
des troncs solitaires :
c’est ce qu’il reste d’arbres,
dont le tronc a été brisé,
les branches calcinées,
noires sur un fond gris,
au milieu
du désastre de la terre .
Ces troncs sont des témoins,
brisés mais restant debout,
à la façon de temples dévastés ,
aux colonnes solitaires ,
ne portant rien qu’elles-mêmes ,
absurdement dressées vers le ciel.
C’est une forêt après la tempête,
empêtrée dans l’hiver.
Mais celui-ci répond
au cycle des saisons,
et on peut distinguer,
si on s’en donne la peine ,
quelques silhouettes d’animaux ,
qui dénichent déjà
des jeunes pousses
qui prendront bientôt leur essor :
l’aube est pour demain .
–
RC – dec 2017
Greffées contre le mur de la nuit – ( RC )
–
Tu pénètres dans une forêt particulière,
où les arbres sont des mains
fichées dans le sol,
remuant dans le crépuscule du quotidien.
Et le fil tendu des lignes blanches,
des tracés des avions,
que les doigts ne peuvent pas attraper .
Ils saignent d’une sève incolore,
ne pouvant se refermer que sur l’air,
dont l’atmosphère trompe sur son épaisseur,
habitée des ombres du soir.
Il reste le vol noir des oiseaux
qui ne renonce pas, à leur échappée,
et se joue du mouvement maladroit des mains .
Elles se referment de lassitude,
comme ces fleurs lorsque la lumière s’éteint ;
Plantes étranges rétrécies d’un coup par la terre ,
Le corps dissimulé.
Peut-être incarné dans un sol,
parcouru de longs filaments sanguins,
racines bien fragiles, prolongements d’un coeur lointain .
Il faut s’attendre à ne trouver demain,
que des manches , au tissu raidi par le froid,
et des gants vidés de substance,
mous et inertes ,
Comme si la greffe
n’avait pas réussi
à franchir le mur de la nuit.
–
RC – juill 2015
Tomas Tranströmer – Novembre aux reflets de nobles fourrures
C’est parce que le ciel est gris
que la terre s’est mise à briller :
les prairies et leur verdure timide,
le sol labouré et noir comme du sang caillé.
Il y a là les murs rouges d’une grange.
Et des terres submergées
comme les rizières lustrées d’une certaine Asie —
où les mouettes s’arrêtent et se souviennent.
Des creux de brume au milieu de la forêt
qui doucement s’entrechoquent.
L’inspiration qui vit cachée
et s’enfuit dans les bois comme Nils Dacke.
Tomas Tranströmer, Baltiques. Œuvres complètes 1954-2004. Poésie/Gallimard
Autochtone – ( RC )
Image :: création perso 2005
–
On peut s’égarer dans la forêt,
Si tu ne connais pas bien le chemin,
et tourner jusqu’au lendemain,
– On n’en connait pas bien les secrets .
Tu peux te guider aux petits bruits
Les déplacements subtils
des yeux de la nuit
Le glissement des reptiles
qui te surveillent,
l’ombre taciturne,
éloignée du soleil,
les oiseaux nocturnes
cachés dans les frondaisons
mènent leur vie tranquille
comme sur une île
séparée de l’horizon.
Imagine-toi en Afrique
où les singes se répondent,
alors que tu vagabondes
dans un lieu typique
qui t’éloigne quelque peu
des sentiers balisés :
pas de Champs Elysées,
mais un autre milieu :
une jungle épaisse
qui s’auto-multiplie
et où jamais elle ne te laisse
faire un safari .
Tu vas tenter de te guider
avec ces bruits furtifs :
Voila ce que c’est de se balader
dans ce parcours évolutif.
Tu vas contourner de larges flaques d’eau,
des rochers de latérite
– des obstacles dans ta visite –
et toi, toujours sac à dos
Quand tout à coup, un bruit t’immobilise
et qui va grandissant :
C’est la démarche imprécise
d’un ce ces habitants :
On les nomme autochtones,
comparés à toi, l’étranger :
ce ne sont pas des hommes
qui portent le danger ,
mais de ces animaux
qui parcourent avec aisance
de grandes distances
par monts et par vaux :
En voila un à présent
qui écrase de grands végétaux
comme de vulgaires poireaux
en s’avançant nonchalament.
C’est un peu bizarre
cette rencontre inopinée ,
mais choisissant de se baigner
dans la première mare :
C’est une sorte de colosse gris
qui paraît immense
et tranquillement s’avance
sans forfanterie
Tu peux voir de trois-quart
l’animal et son curieux épiderme
maintenant au milieu des nénufars :
c’est un pachyderme
Un de ces géants
pas très discrets
mais qui connait bien la forêt :
tu pourras suivre en son temps
les traces qu’a laissées
négligeamment
le grand éléphant
dans son pas cadencé
pour retrouver en effet
avec les arbres aplatis,
rapidement la sortie
à la façon du petit Poucet
A la place des cailloux,
tu peux remercier ton baigneur
qui fut aussi ton sauveur
et tu rapportes une photo de lui, ( floue ).
–
RC – oct 2016
Gisela Hemau – Représentation
image: Terry Long
REPRESENTATION
L’acrobate monte dans un coffret
Tout d’abord il faut être si petit
Qu’on y trouve de la place dit-elle et nous offre sa fourrure
Puis entre les bestioles du corps de la mort et des adieux
elle montre l’ascension de son propre bras
Nous sommes là pour la vue
Mais nous n’atteignons pas la montagne
Comme nous rétrécissons constamment la fourrure
où nous nous égarons est à la fin
une forêt impénétrable .
-Gisela Hemau traduction Rüdiger Fische
VORSTELLUNG
Die Akrobatin begibt sich
in ein schwarzes Kâstchen
Erst einmal muss man so klein sein
dass man hineinpasst
sagt sie und offeriert uns ihren Pelz
Dann zwischen Leib-
Tod- und Abschiedstierchen
zeigt sie
die Bergbesteigung
des eigenen Arms
Wir sind da weeen der Aussicht
Aber wir erreicnen den Berg nicht
Weil wir immerfort schrumpfen
ist der Pelz in dem wir verirrt sind
bis zum Ende
ein unpassierbarer Wald
Gisela Hemau Aufter Rufweite,
Kônigshausen & Neumann, Würzburg 2oo3
Caroline Dufour – L’écho d’un privilège
——– photo perso – Marseille 2016
–
ma ville est une forêt
ma vie aussi
j’y marche
dans l’une comme dans l’autre
une manière de promenade
dans les rues de mon âme
amoureuse que je suis
de l’errance
et de l’insondable cadence
du temps et des choses
chaque jour sans prière autre
que celle que j’entends
dans le souffle du vent.
visible sur le blog de Caroline D
Jean-Joseph Rabearivelo – Ton oeuvre

Marina Poydenot – chemin de lumières
Chemin de lumières
Chaque journée, plus brève une poignée de lumière dans la forêt sombre. « Cette brièveté est infinie » te murmure ta vie passée directement de l’adolescence au vieillissement. As-tu grandi en petitesse ? Bientôt il n’y aura plus qu’un rayon sur ton pas et tu verras que la forêt était un champ d’étoiles. Tu découvriras enfin le visage de celui qui tenait la lampe de poche.
Murièle Modely – Caresse
–
caresse
il ressemblait à un vieil arbre
allongé dans le lit
c’était une vision étrange
et l’on devinait sous le drap les torsions de ses branches
son odeur de terre humide et le bruit des oiseaux
ça faisait de tout petits piou piou quand il ouvrait la bouche
les enfants intrigués par les battements d’ailes
collaient leur corps de lait contre mon corps de mots
nous savions tous les trois qu’il nous faudrait bientôt traverser la forêt
et ils n’avaient pas peur
et ils ne tremblaient pas
ils attendaient seulement
le bon moment
pour poser leurs lèvres sur l’écorce.
Garous Abdolmalekian – Chaque mot
–
Chaque mot
n’est qu’un piéton qui passe
Peu importe lequel
Nous écrivons seulement sur les vitres embuées
Pour faire apparaître
La forêt par-delà la fenêtre.
–
Nos poings sous la table, (ed B Doucet )
–
each word
is just a pedestrian passing
No matter which .
We write only on steamy windows
To bring up
The forest beyond the window .
–
Candice Nguyen – Forêt, Femme, Folie, un écho
Forêt, Femme, Folie, un écho
J’habite un pays au-dessus des toits à hauteur de cheminées, sous mes yeux le creux qui s’étend. D’où je viens les eaux sont profondes, les cieux peu cléments, les lendemains incertains. Le grain des voix est cassé par la solitude des départs, de ceux qui durent trop longtemps, pour des destinations lointaines et se répètent souvent. D’où je viens les enfants partent en masse vers les tours de verre et reviennent rarement. D’où je viens les attentes sont plus grandes que par-delà les plaines, rêves à l’automne moins pâle, le crépitement du bois dans les foyers nombreux contre l’hiver intransigeant.
J’habite un pays au-dessus des toits à hauteur de cheminées, sous mes yeux leur absence qui s’étend. D’où je viens les forêts sont pour s’y perdre, les jeunes femmes y partent seules, de nuit, et reviennent quelques matins plus tard le regard fuyant, le ventre vide. Les ruisseaux sont gelés, le poisson prisonnier, des tâches sombres, rouges, se remarquent encore entre les feuillages au pied des arbres. D’où je viens les hameaux s’arrêtent en lisière des forêts, denses, sauvages, redoutées, et l’imaginaire magnifient les femmes et les portent hors de la maisonnée, l’extérieur apprivoisé, le tigre dompté. D’où je viens les hommes sont extérieurs à tout, n’ont rien en propre, pas de tâche assignée, fumer jouer chasser : se faire chasser. Ni des forêts ni des lignées, ils rentrent nus.
Et puis il vint des étrangers comme il en vient à chaque époque, en chaque lieu. On commença alors à faire tomber les arbres aux abords des sentiers et peu à peu nos peurs de la forêt sacralisée furent bientôt remplacées par la peur de sa propre disparition. On nous prédit l’expropriation, l’avènement d’un nouveau dieu, on mit à jour la futilité de nos croyances, à sac nos rites et nos terres. D’aussi loin que je me souvienne, peu ont résisté, il n’est de cycles qui se renouvellent sans le refus de s’enfermer.
Anna Niarakis – De nuit, peut-être
De nuit peut être
Lutine de la forêt urbaine
l’errance ressemble
quand elle est voyant par périscope.
À la profondeur, rideaux de gaz d’échappement
assombrissent la perspective.
Comme si le poids est partagé inégalement
sur les escaliers roulants et sur les caves.
Taches dépareillées reconstituent
Hologrammes la, où tu respirais.
Lignes que lévitent non-dessinées
et une pluie faible, incapable
pour lisser les frictions, stagne à côté de
ta pensée…
–