voir l'art autrement – en relation avec les textes

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Roger Wallet – ça ressemble à une vie


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photo: Willy Rizzo

 

Ca ressemble à une vie

bonjour tristesse
le titre qui lui a plu il ne connaît
pas l’auteur mis à part du passé
il ne connaît
pas d’auteur Saint-Ex bien sûr comme tout le  monde
et puis l’aîné l’a offert à son frère…

il l’a dans un coin de l’atelier adieu tristesse  /   bonjour tristesse /
tu es inscrite dans les lignes du plafond /   tu es inscrite dans les yeux que j’aime…

ému les yeux que j’aime cette voix…
c’est comme si c’était elle qui lui parlait
et il le relit le sait vite par cœur le poème de P.Eluard        au début

je vous le rapporte je il se sent gauche.      je l’ai lu.
un silence. c’est très…
il se tait
elle est debout elle le regarde
aurait pas dû venir c’est trop… compliqué ?

prenez-en un autre elle sourit. lui : le cœur qui
bat comme un fou là-dedans
la main tremble  elle doit le voir [il pense]. s’approche de la  bibliothèque
la dévisage les yeux le nez la bouche
– le mot rien que le mot le fait frissonner

vous…
rien d’autre.
tourne le dos s’excuse
il sent sa main sur sa nuque       ses yeux sa bouche….

 

(  extrait du site  des  éditions  des Vanneaux )


Yannis Ritsos – le fou


 

Moholy Nage  -  ss  titre   1946.jpg

Photo: Moholy Nagy

Que de mensonges l’homme invente pour se ménager un  petit coin sur cette terre !

Le soir, les agents de la circulation se retirent, les magasins ferment
Les étoiles s’enhardissent du côté du couchant.
Et plus tard
on entend le fou du quartier avec son bonnet rouge
qui fredonne dans la rue boueuse une rengaine triste,
une rengaine  d’enfant chargée de beaucoup, beaucoup de rides

Karlovassi, 9. VII. 87


Ibrahim Koné – J’ai compris


 

 

oeuvre graphique,        centre d’ art de Vilnius,      – 2011

J’ai compris.

J’ai compris qu’il vaut mieux se taire quand on veut se faire entendre
Que le silence est une cruche, remplie d’un nectar doux et tendre
Que la patience des braves ne se mesure pas toujours en terme de victoire
Que la vie d’ici bas n’est pas qu’un purgatoire

J’ai compris qu’il vaut mieux sourire en quittant ce monde
Que les larmes sont le signe de l’abandon et du doute
Que le sourire efface la crainte même dans la déroute
Qu’il n’y a rien de meilleur que l’harmonie et la paix profonde

J’ai compris que le temps ne passe pas comme l’on croit
Que c’est nous qui passons dans le temps qui nous tend la main
Que gagner le pain a la sueur de notre front n’est pas une croix
Que la vraie croix est la façon dont nous mangeons ce pain

J’ai compris que la beauté n’est qu’une pale copie de la bonté
Que la parure du cœur vaut mieux que les fards sur le visage
Que les belles paroles ne font pas toujours le sage
Que le sage et le fou sont les deux voix de son immense bonté

J’ai compris que finalement je n’ai rien compris
Que chaque jour révèle que nous n’avons rien appris
Que ma raison n’est pas nécessairement ton tort
Que la vérité n’est pas toujours du coté du plus fort
J’ai compris…

Ibrahim Kone.             ( auteur ivoirien)

 

 


Raôul Duguay – La mer à boire


peinture: Piet Mondrian

La mer à boire

 

 

J’étais l’enfant d’un siècle fou

 

J’avais la tête pleine d’oiseaux

Je construisais de beaux châteaux

Je vidais la mer dans un trou

La mer était belle à mourir

J’étais une fleur à cueillir

La vie était un jeu d’enfant

Je prenais vraiment tout mon temps

J’avais pour moi l’éternité

Pour vider la mer dans un trou

Je me soûlais de liberté

Et je réinventais la roue

J’étais l’enfant d’un siècle chaud

 

Dans ma petite tête il faisait beau

Mes châteaux se tenaient debout

Et mon royaume était partout

Et je suis devenu un homme

Les mots sont mes plus beaux châteaux

Mais comme une image vaut mille mots

Mes beaux châteaux vont prendre l’eau

Les mots deviennent des numéros

Un plus un égale zéro

Plus on a de zéros plus on vaut

Quand on signe son nom à l’endos

Je suis l’enfant d’un siècle de fous

Les riches creusent aux pauvres un trou noir

Donnez-moi donc un peu à boire

Et tant qu’à y être : versez-moi la mer

Et je rêve encore de boire l’eau de la rivière

Quand j’étais petit je m’y baignais dans la lumière

Ah mais aujourd’hui les rivières prennent l’eau

Et je rêve encore au jour où dans les dictionnaires

On ne trouvera plus le mot guerre qui crée la misère

Et qu’enfin les mots ne prendront plus l’eau
Il reste encore quelques oiseaux

Qui ne chantent pas encore faux

Je vide la mer dans mon verre

extrait d’une chanson de l’auteur

Paroles et musique : Raôul Duguay


Anna Niarakis – A tu


peinture; William Hogarth      –     Sigismonde pleurant sur le coeur de Guiscardo         1759 ( détail)

 

 

 

Anna Niarakis, auteure grecque, nous transmet ce texte  avec quelques maladresses grammaticales  ( voulues, je suppose), qui évoquent la saveur  d’un accent  étranger

 

A tu

A tu, s’adresse ce poème.
Comme tant d’autres.

A tu, qui tu graves hiéroglyphes
sous la lune d’un désert.
Ou d’une ville déserte, tachant
ses murs sales avec peinture rouge.

Errant, aube
Demi éméché, demi fou
dans les rues, places et des permis
autoroutes,

immobile.

A tu, qui tient à l’écart
de silence, bégayant devant
Le feu et sa colère égarée

Qui tu plantes jacinthes dans un
colline sec de mots morts et
tu attends le printemps.
Corps des impulsions déséquilibres
soigné
solide et lourd
dans la clarté de ta tristesse.
Perdu.
Tu découvres ce que tu
vas perdre encore et encore.
Tu secoues du noir
les épaulettes colorées
et tu tires ta route
Espoir improbable de mon obsession.
À tu,
que je ne connais pas
qui tu es,
Je sais seulement que
tu viens…
.

 

Anna Niarakis

 

 

 

 


Stephan Zweig – le joueur d’échecs


photo: Marcel Duchamp, jeu d'échecs. NB: le célèbre artiste, a fait plusieurs peintures représentant le jeu, il existe aussi plusieurs photographies le montrant en "action"... en voici une

 

Du matin  au  soir, je ne  voyais que pions,  tours, rois  et  fous  et je n’avais en  tête  que   a,b,et  c,  que mat  et roque.

 

Tout  mon  être,  toute  ma  sensibilité se  concentraient   sur les  cases  d’un échiquier imaginaire .

La  joie  que  j’avais  à  jouer , était   devenue un désir  violent, le  désir  d’une contrainte, d’une manie, une  fureur  frénétique  qui  envahissait  mes  jours et mes nuits.

Je ne pensais plus  qu’échecs,  problèmes  d’échecs, déplacement  des pièces.

Souvent ,  m’éveillant  le  front  en  sueur, je m’apercevais  que  j’avais  continué  à  jouer  en  dormant.

Si  des figures humaines paraissaient  dans mes  rêves, elles  se  mouvaient  uniquement à la  manière  de la  tour, du  cavalier , du  fou .