L’ép(r)ouvante – ( RC )
peinture – Frida Kahlo
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Epouvante,
qu’il pleuve ou qu’il vente,
tu t’échappes des contes pour enfants,
et ris de toutes tes dents:
et si c’était une comptine,
on verrait luire tes canines …
Et encore, l’épouvante , chante
comme la cigale de La Fontaine,
mais trouves avec peine
l’hiver étant venu, ( air connu ),
où se loger dans les arbres dévêtus
que l’on sait trouver fort dépourvus.
Voila qu’elle a caché la lumière,
et qu’elle effraie la bergère,
avec des histoires de loup,
ou à dormir debout :
on peut presque palper la peur,
distinguer au loin le château la Terreur.
Pendant que tes pas s’égarent
tu erres dans les idées noires :
Si les arbres ont perdu leurs feuilles,
l’épouvante a répandu son deuil,
et les racines d’une forêt ingrate,
multiplient les croche-pattes .
La fontaine s’est refermée,
oubliée dans les ronces et l’églantier :
les fées sont capturées
pieds et poings liées
prisonnières
au coeur de l’hiver.
- Les eaux obscures m’ont bu
tu n’en as rien su :
je me suis noyé
dans l’eau glacée :
mes yeux te regardent
et ma peau est blafarde:
elle a pris les couleurs de la cendre
dans le long bain de décembre :
il m’a été ôté la joie :
nous n’irons plus au bois :
j’ai pris pour compagne l’épouvante ,
dans la forêt – – désormais je la hante.
Mais les années s’étant écoulées,
et tu m’as désormais oublié:
tu as délaissé tes terreurs d’enfance :
la vie a pris une autre consistance,
elle t’emmène vers d’autres horizons,
( c’est maintenant une autre chanson ) .
Tu as remisé toutes ces fadaises,
et t’en vas cueillir des fraises :
Cigale, cigale, il te faut rechanter :
les lauriers des bois ont bien repoussé !
la fontaine est garnie de fleurs d’églantiers,
… tu en accroches une sur ton chemisier…
Attention quand même aux épines :
elles sont restées assassines ! ,
voila qu’une fleur de sang grandit sur ta poitrine ,
alors… te revient en tête la comptine :
l’épouvante et la peur de mourir…
( je me rappelle à ton bon souvenir… )
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RC – mars 2018
Michel Onfray – La tentation de Démocrite

photo: Stanko Abadzic
La tentation de Démocrite
Photo Stanko Abadzic
Je veux retrouver le goût des mûres des chemins de mon enfance
Écraser des fraises dans ma bouche
Avaler le jus des framboises et le sentir descendre chaud dans ma gorge
Respirer la fleur de sureau
Mâcher le brin d’herbe
Mettre le bouton-d’or sous le menton d’une femme en robe d’été
Lui apprendre à faire des poupées avec des coquelicots
Manger des groseilles
S’arracher la peau aux épines des groseilles à maquereau
Cueillir des noisettes
Croquer dans le ventre d’une pomme
Augmenter ma salive avec son jus
Devenir moi-même pomme puis pommier
M’allonger dans l’herbe
Voir le ciel derrière la danse des brins
Cligner des yeux et les fermer à cause de la clarté du soleil
M’endormir le dos épousant la terre de mon destin.
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Michel Onfray, La recours aux forêts, Traité des consolations
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Un petit voyage sur le blog d’où j’ai déniché ce texte.. mais sans doute peut-on le trouver ailleurs, par contre l’association avec les photos choisies sur ce blog, est un régal pour les yeux, c’est pour cette raison que je vous le recommande.
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Sirène du comptoir ( RC )
Elle, sirène du comptoir
Essuie les verres
Et frotte ses mains sur son tablier.
Elle, sirène, n’a pas un regard
Sur le soleil au dehors,
Il rebondit sur les flaques
Lui, repose sa bière et se lève, lourd
Glisse une pièce dans le juke-box
Un temps – et l’appareil s’anime.
Le bar se remplit de la voix
D’un Fats Domino, qui parle de fruits noirs…
Lui, revenu à sa table, l’oeil ailleurs…
Associe fraises et néons jaunes
Entraînés par le slow, avec une sirène brune,
Elle sirène, a laissé sa queue au vestiaire
Et maudit ses pieds lourds
Surveillant l’heure , reflétée à l’envers
Dans la glace du fond ( celle aux néons jaunes)
Les fraises se sont envolées, — et la chanson éteinte…
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RC -26 mars 2013
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