Henri Pourrat – Le clos au levant
Lorsque le soleil se lève,
Il se lève sur un clos :
La fraise y vient sous la fève,
Le cassis sous le bouleau.
Loin des fumées du village
Et des jardins en casiers,
Un clos qui sent le sauvage,
Plein d’ombre et de framboisiers.
J’entends le vent des collines
Qui m’apporte son odeur
De cerfeuil et de racine,
Son goût d’herbe de senteur.
Juste un toit pour notre couette
— Les nuits sont fraîches, l’été —,
Et puis, comme l’alouette,
Y vivre de liberté.
Henri POURRAT « Libertés » in « Anthologie des Poètes de la N.R.F. »
La matière vidée d’elle-même ( RC )
……… Je vois à travers les murs , des maisons cimentées, Il y a trois fois rien, et les matériaux flottent bizarrement dans une atmosphère de coton, chaque chose a pris une texture autre, et décide de sa position.
Les poutres se croisent et envisagent un dialogue inédit, les vantaux des fenêtres battent sur l’air, où se mélangent les végétaux et la pierre.
Il vient une joyeuse suite de framboisiers, qui surgit d’un ancien papier peint, pour s’enrouler sur les tuyauteries, amoureusement.
L’escabeau aux anciennes coulées de peinture, servant de perchoir à des lézards multicolores, attendant on ne sait quoi, ….peut-être des insectes errant sur les lourds fauteuils du salon pris par des racines, et ne dévalant pas un angle, que l’on peut qualifier de faux plat, défiant l’horizon bleuté des montagnes, là-bas.
Si loin, si proches.
La matière s’est vidée d’elle-même, de sa masse et de sa chair,
Et retournant nostalgique, vers l’abstraction, sur l’hypothèse incertaine, où lutter contre la pesanteur ne serait plus nécessaire,…. comme un jeu dont les règles s’inverseraient, à la fantaisie des heures.
Et la vie de même,qu’une rivière fantasque, prenant un autre cours, changeant son tracé, au gré du relief et des époques.
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RC – 16 juin 2013
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