Francis Blanche – j’ai rêvé ma vie

photo Boris Wilensky
J‘ai rêvé ma vie
les yeux grands ouverts
me suis réveillé
quand c’était l’hiver
La neige était là
le ciel était gris
le vent était froid
je n’ai pas compris
Mes beaux soirs d’avril
que j’avais rêvés
où donc étaient ils
j’en aurais pleuré
Faites-moi plaisir
commence sans moi
laissez-moi dormir
…. j’étais fait pour ça…
Francis Blanche – Les cloches de Lisbonne –

Les cloches de Lisbonne Au matin quand c'est dimanche Se souviennent encore En voyant les voiles blanches Qu'elles sonnaient autrefois Quand un marin du Roi Quittait la rade immense Et que les larmes aux yeux Il entendait l'adieu Des cloches de Lisbonne Les barques dans le port Font des rêves de caravelles Un jeune matelot Les yeux clos sourit aux anges Il voit le drapeau d’or Des vieux conquistadors Le frôler de son aile La grand-voile frissonne Et c’est pour lui que sonnent Les cloches de Lisbonne Les pigeons bleus des églises nichant aux creux des clochers Soudain se sont réveillés Et vont tournoyer Dans les pierres grises Sous le ciel clair et tranquille, D’un beau printemps portugais La chanson des campaniles Montant sur la ville Fait comme un bouquet Les cloches de Lisbonne Au matin quand c’est dimanche Se souviennent encore En voyant les voiles blanches Qu’elles sonnaient autrefois Quand un marin du Roi Rapportait dans ses cales Des horizons nouveaux Salué par l’écho Des cloches de Lisbonne Le jeune matelot Les yeux clos sourit encore Il voit le Roi, la Cour Les velours multicolores Une Infante aux yeux noirs Lui paye d’un regard Les mondes qu'il apporte... Sa tête tourbillonne Et c’est pour lui que sonnent Les cloches de Lisbonne
Mon oursin et moi
Le Castor Astral
Francis Blanche – Toi que voilà –

J'ai tout donné au soleil sauf mon ombre... Guillaume Apollinaire
Laisse couler le temps sous les doigts de l’horloge... J’ai bu l’oubli dans un verre brisé... Le lustre semble un grand chagrin cristallisé et l’heure - ô l’heure!... - est un miroir qui m’interroge... Chaque date est un anniversaire oublié et - souvent sans que tu le saches - au creux de chaque jour se cache un souvenir... presque un regret si n’est brisé le lien secret par lequel tout à tout s’attache... Et c’est par vagues que revient l’image des hiers si proches... si lointains! Le nez collé à la fenêtre tu regardes tomber la neige... Tout autour montent les maisons.. Te voilà marchant à tâtons dans les souterrains du collège. Je te retrouve même dans l'arrière-salle d’un bistrot (le dôme Saint-Paul... te souviens-tu ?...) pendant la classe de philo, tu manges des croissants avec un café crème... et Claude, qui veut être avocat, te parle en son langage des droits contractuels issus du mariage... Dans un auditorium où luisent des « silence » te voilà devant un micro qui broie tes mots et qui les lance aux quatre vents de la France... Puis par un matin de fin août quelqu'un que tu aimais bien sans le savoir, est mort tout à coup... Un soir d'été, tu quittes toutes les choses familières... À l'horizon, une mitrailleuse s’exaspère... Et le pays se plie en deux comme une porte à glissière Te voilà filant à soixante à l’heure derrière un camion où rient des aviateurs qui n'ont plus leurs avions... Ils mangent du jambon rose comme l'aurore. En trombe on traversait Rabastens-de-Bigorre... Tu as laissé dans un vallon de la Dordogne un peu de ton espoir, de ton sourire... Il pleut... Un autogire t’a sauvé la vie près de Périgueux. Te voilà rédacteur d’un journal comme il faut où les linotypistes ont tous un pied bot - et chaque jour, ciseaux en main, vers midi tu fais de la dentelle avec les quotidiens de Paris... Et le temps passe... ton destin se joue sur les rythmes d’automobiles ou de trains ... et puis, volant partout comme des papillons de flamme, tous ces regards tendres de filles femmes... Qu’ils soient rieurs ou tristes, gais ou mélancoliques, ce sont les reflets des instants qui sont gravés tout entiers dans le temps... Quels qu’ils soient, ne les renie à aucun moment car tous ces souvenirs ne te trahiront jamais... Ils seront toujours là comme ils étaient... ... et même celui-là... ce regard presque bleu ces cheveux presque blonds, ce rire presque triste... comme un roman mort-né qui se mélancolise, tout cela a la douceur des espoirs pas tout à fait perdus... et c’est tout ce qu'on demande aux reflets des miroirs... Le souvenir, ce n’est qu’un regret apaisé qui vient flotter comme un parfum de sauge... Laisse couler le temps sous les doigts de l'horloge... J ai bu l'oubli dans un verre brisé...
Francis Blanche
MON OURSIN ET MOI
Le Castor Astral