Franck Venaille – égaré dans la nuit

Nocturne en noir et or : la fusée qui retombe (en), James Abbott McNeill Whistler, 1874.
égaré dans la nuit
dans ce qui est
l’obscur complet
j’avance lentement
me tenant par la main
Franck Venaille – Face tragique, corps menacé, rebelle à jamais
A jamais différent de ceux pourvus de tout.
Croyant pourtant à semblables chimères en d’
identiques rêveries conservées de l’enfance.
Il fredonne et cela donne ce léger clapotis
dans sa pensée, bleuté toutefois, pareil à cet
alcool trop amer que, frissonnant, l’on boit.
Tout juste un homme fait de sa propre mort
qui apprivoise les moineaux ceux-là gris de
douleur compagnons modestes de chambrée.
L’égal des grands soleils, du midi formidable,
de cette lame à vif qui perce le couchant.
Face tragique, corps menacé, rebelle à jamais.
Franck Venaille – Lorsque je serai réconcilié avec mes morts

gravure: Odilon Redon
Lorsque
je
serai réconcilié avec mes morts.
Quand
ils
s’
attableront avec moi
pour le festin du soir,
moins inquiets qu’autrefois ils ne l’étaient, vivants.
Encore sur la réserve aux mains gantées d’hiver toutefois.
Alors
alléluia alléluia la neige
devant
tombes
ouvertes
nous danserons
alléluia
l’
ALLEMANDE
Autour
du
brasero
où
leurs ombres se morfondent & tremblent.
Frank Venaille
–
Franck Venaille – Quelqu’un habite en nous
quelqu’un se tient de nuit
lourdement obscur
debout
contre un portail
en fait on ne distingue que ses chaussures noires, leurs lacets élégants
quelqu’un
ça ! il ne laisse rien voir de lui, il
observe les passants, les habitués de la brasserie, il
se tient comme un cavalier de l’Apocalypse dont le cheval se serait noyé Il et Il
ô monde malade, mon devoir est de rendre compte de l’état de tes nerfs
de ta pensée et de certains de tes actes
cet autre moi-même, debout, adossé à la porte, s’y emploie
mais qui est-il vraiment ? double – jumeau ? faussaire en identité scabreuse ?
on ne voit que ses chaussures, leurs larges lacets élégants, cela suffit
cela suffit pour l’instant
quelqu’un habite en nous : amoureux de la vie, stratège de la mort
qui chaque nuit
dirige la Baraque des rêves ouverte toute l’année
ô monde si peu scrupuleux, si versatile, si mal ouvert aux autres
accepte aussi mon étrange présence
pour en finir jamais
Franck Venaille, Ça, Mercure de France, 2009
–
-grimalkin- |
Date du message : octobre 23, 2011 02:35 |
Franck Venaille – J’avais mal à vivre
J’avais
mal à vivre
ô
que j’eus peine
à trouver mon chemin
parmi
ronces et broussailles
tous ces fruits rouges que je
cueillais
avec élégance
avant
de leur confier
écrasé dans ma paume
mon
désespoir d’enfant.
Frank Venaille
–
Franck Venaille – s’y laisser glisser – pour s’y jeter d’effroi
–
Hurler Hurlant face à la mer
au grand dessous des glaciers bleus
S’en allant à grands pas vers la falaise
pour s’y laisser glisser – pour s’y jeter d’effroi
Hurlant – muet – la bouche à vif Et
à l’instant même de la chute
Ah ! sentir les ailes de l’oiseau
Ah ! entendre son chant ami
Hurler Hurlant face à la mer
Se taire contre le petit corps chaud
Puis y poser ses lèvres folles !
–
In La descente de l’Escaut © Poésie-Gallimard 2010,
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Franck Venaille – J’ai souffrance beaucoup
la section « révélations poétiques » de Amicalien, nous permet d’accéder à toute une série de textes de Franck Venaille, et dont j’ai extrait de texte
F Venaille est un écrivain aux ambiances sombres, ( il est l’auteur entre autres du « bal du rat Mort »
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J’ai souffrance beaucoup,de cœur surtout
J’ai, très fort en moi, angoisse d’être vivant : j’ai !
Chaque naissance m’est blessure et la mienne gît
Quelque part dans une ville qui m’apparaît plus morte
Encore que ce rat dans l’égout – lui, au moins, n’atten-
Dant rien, n’espérant rien – (mais en est-on sûr ?) de
La vie. J’en ai grand angoisse ! J’ai angoisse de cela.
Il reste l’écriture, avec ses soldats, ses hommes par Mil-
Liers : nos libérateurs. Ressentent-ils eux-mêmes cet-
Te sensation ? Être des mots, blessés, qu’angoisse ronge !
–
Jean-Luc Parent, dont j’ai accompagné ce texte par une de ses créations, est aussi auteur et poète..
Franck Venaille – Douleur que j’ai aimée, dis-je…
Douleur que j’ai aimée, dis-je…
Douleur que j’ai aimée, dis-je, « aimée » est-ce le mot
Qu’alors j’employai devant tous ces visages de mauvais
Lieux ? Douleur ! Cette manière de nous mouvoir au
Milieu de la foule dolorante. Lui ! Que fait-il, voûté ? Il
Essaie, oui peut-être essaie-t-il de faire entrer toute cette
Souffrance dans ces sacs de deuil noir, des mouvements
Du glas, de larmes. Reviennent à lui ces mots : « douleur
Aimée » & se souvient de chacun des termes de cette
Lettre qu’au grand jamais il n’écrira : « D’amour ah ! je
Me suis pour vous, blessé ». Pourquoi & quand ? Désormais
Quelle armée lui tient compagnie ? Quel officier la veille ?
Douleur aimée, pourquoi geindre ? Vous vous éveillez
Près d’eux, ces hommes sortant du bal, dites ! en sang.
Franck Venaille
Frank Venaille – Les vagues de la lagune
Les vagues de la lagune
J’avance vers davantage de lumière
Les barques désormais
Sont vides
Elles ont accosté pleines de rires et chansons
Qui ne sont pas pour moi
Qui ne sont pas pour nous
Qui avons notre propre répertoire à crêpe noir ou satin rouge
Mais c’est la vie ordinaire qui exige, comment dire ? autre chose, de moins !
de plus !
J’avance
Ce que j’entends c’est le fracas de rames
Mêlé aux cloches catholiquement triomphantes
Ô comme nous sommes civilisés !
Nous qui avons pourtant tout à apprendre des vagues et de la régularité avec la quelle
elles viennent se
heurter au quai
Il me faut maintenant passer le pont
Atteindre la ruelle où sèche le linge
Ce lieu où le linge sèche
Frank Venaille