Côtoyer ta solitude – ( RC )

Tu prends des chemins
des plus incertains,
- un pas risqué dans l’irréel,
- une photographie qui te révèle
où je n’ai pas l’habitude
de cotoyer ta solitude.
C’est celle d’un jardin d’épines
aussi sec , comme je l’imagine
où tu te transportes
auprès des amours mortes.
C’est ainsi que tu t’isoles
parmi ronces et herbes folles.
Dans la fuite du bonheur,
il n’y a aucune fleur
qui provoque une brèche,
juste des plantes sèches
privées de vie
que personne n’a cueillies…
RC – juin 2022
Chemins dérobés- ( Susanne Derève)

.
Qu’advient-il à prendre les chemins dérobés
du poème ?
Un égarement sans doute, une fugue entre les mains
ardentes du pianiste – l’ivoire sous les doigts – ,
une eau qui se referme,
un pas foulant le sable des étés
Semelles d’or que révèle la fuite
je ne retiens de l’absence
qu’une empreinte à demi effacée , tienne ,
qu’arase le vent des dunes,
le vent qui me jette en pâture ses averses de sel,
ses grumeaux d’écume ,
et les mots du poème qu’effaceront les brumes
Gazelle – (Susanne Dereve)

scène d’art préhistorique
Fuir, fuir comme une gazelle
une frêle antilope à travers les hautes herbes de la savane
la terre nue, et les broussailles sèches
Se délester de tout
et ne garder qu’une pure image de toi
me parlant de couleurs
le livre est trop pesant – ( RC )
–
Si le livre est trop pesant,
et la lumière faible,
alors, je ferme les yeux
sur le défilé des pages.
Ce qui se passe dedans ?
j’ignore encore
ce que réservent
les détours de l’histoire.
Elle se déroule sans moi.
Ce sont des récits secrets
auxquels d’autres
pourront accéder.
En attendant me voila reparti
derrière le rempart du sommeil,
avec l’âme qui s’invente
tout un parcours.
C’est comme un insecte
prisonnier dans une boîte
dont les elytres
heurtent les bords.
Il en cherche la sortie,
et le rêve, de même
voudrait repousser les remparts,
en écarter les limites
pour vivre sa vie aventureuse,
détachée du corps,
et des cieux intérieurs
pour s’élancer au-dehors
hors de la conscience,
avec beaucoup de choses
encore inconnues ici :
de la musique, des odeurs
et une couleur de l’arc-en-ciel
qu’il faudrait inventer,
car on ne peut pas la saisir :
elle s’échappe comme le temps
elle est toujours en fuite,
traversant le noir
avec ses propres images
que l’on retrouve en désordre
quand par quelque hasard
on en trouve des traces,
éparpillées au petit bonheur
lorsque le réveil sonne.
Le livre est fermé,
tout à côté,
et on pourrait penser
que des idées ont filtré
dans l’espace nocturne,
comme un joute silencieuse,
une sarabande où les astres
se combattent
et rusent avec l’esprit :
la logique est abolie,
tout est alors possible,
et juste quelques bribes
se retrouvent au matin.
Il faut faire attention
car ces traces fragiles
disparaissent rapidement
– ainsi des bulles éphémères,
lorsque la lumière
commence à filtrer
à travers les volets .
–
RC – oct 2016
François Corvol – Quelque chose – VIII -Métro St Paul
VIII
Toujours le même clochard à enjamber
à l’entrée du métro saint-paul
toujours la même masse
dans laquelle déambuler se frayer un chemin
dans le néant comme dans la vie, dense et hystérique
cette masse a tous les jours la même tête
chacun colérique de ne pas valoir un clou
jungle compliquée fiévreuse caduque
l’esprit de la foule fait naître
à la fois la fuite et l’amour dans mon cœur
je ferme parfois le poing dans ma poche
position de combat absolument ridicule
je fais finalement comme les autres
j’erre je dense je pense je travaille j’attends
Des particules, s’éparpillent dans la fête – (RC )
–
C’est juste une portée du hasard,
Quand se perd le regard…
Il s’essaie au noir,
En reliant les étoiles,
Pour en faire des figures,
Celles que l’on trouve en peinture
Les constellations se bousculent,
Dans une longue suite,
Celle des années-lumière, en fuite.
Quels miracles lient les morceaux d’azur ?
Depuis longtemps basculés dans le sombre…
Je n’en connais même pas le nombre.
Des mondes entiers, des particules,
S’éparpillent dans la fête,
Etoiles filantes , et comètes.
Il ne reste de leur passage,
Qu’une légère trace.
…. L’instant suivant les efface .
Peut-être fourbues…
Dans l’espace inter-sidéral ;
Je me sens un peu perdu
A l’intérieur , même, de cette carte postale.
–
RC- sept 2014
Cribas – Brûlure indigeste
Brûlure indigeste ou Impitoyable farniente
– Cribas 2010 – Lien permanent
Il y a le temps qui s’arrête
La télévision
Les Monk et autres merveilles
Les histoires secrètes
Un peu de musique
Parfois un livre
Pas trop près des yeux.
Deux mois sans vivre à l’extérieur
Et mon fort intérieur
Agrandit ses remparts :
Ces petits riens nulle part
Avides de bonheur.
Il y a la mélancolie
Cette sournoise silencieuse
Se prêtant au jeu, rieuse,
De l’âme tout contre sa folie.
Il y a enfin la vie
L’invisible
Celle qui est toujours en fuite
Celle qui gicle.
Il y a le temps à terre
En noir
Et blanc vers les cieux
Entre les deux
Ça fait plutôt pissotières.
La fatigue use
Et la terre tourne
Encore et toujours autour des fusées
Séjourne le soleil sans ruse.
Il faut se battre
Comme la lumière au travers des volets,
En frappant fort
Sur son corps déjà violet.
Un peu de vin
De la musique
Beaucoup de musique
Autant de vin
Je bats l’enfer lorsqu’il est froid
Je prévoirai demain.
–
Cribas Par Cribas le samedi 17 juillet 2010.2010
Gertrud Kolmar – Des tourments se dressent sur mon chemin

penture: Chaïm Soutine – vue de Céret
–
je le sais
des tourments se dressent sur mon chemin que je dois prendre
la détresse se dresse sur le chemin que je dois prendre
la mort se dresse sur le chemin que je dois prendre
des plaintes se dressent sur le chemin que je dois prendre
et chaque borne kilométrique a des langues
et tous les petits cailloux crient
crient la douleur – là où une jeune fille sombre en râles,
en fuite, abandonnée, fatiguée et malade,
la détresse se dresse sur le chemin que je dois prendre
la mort se dresse sur le chemin que je dois prendre
et je leur crie dessus !
fille folle dans la honte et la douleur :
des milliers passent devant moi
des milliers viennent vers moi.
Je serai la cent millième
mes lèvres sur une bouche étrangère ;
et meurt une femme comme un chien galeux –
cela te fait-il peur ? non.
mon cœur bat dans une poitrine étrangère
rie mon œil, car tu devras pleurer
et tu ne pleures pas tout seul
la détresse se dresse sur le chemin que je dois prendre
la mort se dresse sur le chemin que je dois prendre
chagrin et plainte, gris tourment ;
tout cela je le sais
et pourtant j’avance sur le chemin.
–
(« Gedichte 1917 » enthalten in « Frühe Gedichte » 1917-22) traduction personnelle
Gertrud Kolmar
–
Combats de reflets et confusion du ciel ( RC)
Tu as découpé des morceaux de brume
Pour que je reçoive la confusion du ciel
Les ornières d’où la lumière
N’en sort que poussières
Aux après-midi lentes
Où tu élèves de néfastes serpents
De discours prolifiques
Se lovant à mes pieds
En nœuds maléfiques
Tu me parles encore tard, le soir
M’étirant jusqu’à la fuite du jour
Et au ombres de la nuit venue
Vient encore la mémoire.
A jouer des diagonales sur les cases
Découpage des silhouettes , et perspectives
Ce sera ton langage, mon image
Ton image, mes soirs , toujours
Au plateau lisse des contrastes
Où se promènent encore le cavalier et la reine
En combats de reflets.
Bien que Les pièces hautaines
Aient pourtant repris , depuis longtemps
leur place dans la boîte capitonnée de rouge.
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RC 23-04
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Au matin – la trace du temps dans le givre – (RC)
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–C’était au matin, l’horloge du temps
Déplaçait ses aiguilles dans le givre
C’étaient les ombres, et elles étaient blanches
C’étaient des fantômes allongés sur le sol
La trace figée des arbres debout, en patience
Qui attendent la lumière au sortir de la nuit
Et je t’imagine ainsi, en présence
Car pour moi tu es l’ identique en image, toujours
Je t’imagine aussi en absence
A susciter mon écriture sur la page blanche
Comme les aiguilles du temps que déroule
leur fuite, ta fuite ….et tout ce qu’il y (a) entre
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RC 1er dec 2011
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J’ai aussi trouvé le poème de Vesna Parun, qui nous conte des évènements parallèles
(voir aussi les deux publications récentes que j’ai fait des textes de V Parun)…
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Murmure des ailes et murmure de l’eau
Le monde qui vient à notre rencontre nous murmure les contours
des arbres qui bruissent à l’horizon
et grandissent des ombres courbées.
Assieds-toi sur le seuil
et attends
que le soir se déplace…
(Vesna Parun)