Frederic-Jacques Temple – soirs furtifs

Imaginez des soirs furtifs comme des palombes,
des aubes de moire, des envols de velours,
des crissements.
Imaginez dans le miroir des eaux glacées,
des visages de jeunes femmes
qui prennent aux heures leurs teintes :
nacre, lavande, ou givre.
Plus loin, au-delà des collines,
au terme des rivières
où s’éteignent les échos des bergeries,
commence la frairie des oiseaux marins.
Les fumées s’appuient aux herbes sur les grèves,
sous le plafond des vents.
Sans défaillance, la mer dévore et renaît.
La nostalgie toujours prête au festin,
porte des mots d’adieu,
à tout jamais désespérés,
sur les vagues du large.
Telle est la joie, douloureuse,
l’enivrante blessure.
Une sculpture fragile ,une chemise de nuit, et un nuage de dentelles – ( RC )
peinture: Anselm Kiefer
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Sur le socle, une sculpture fragile ,
une chemise de nuit, et un nuage de dentelles.
Elle protège ton corps, hautement inflammable .
Ceci a à voir avec la magie :
tu repousses la pénombre,
celle des fumées, qui ont fini – autodafés –
par fermer le monde d’un couvercle.
Le bitume se fendille, la terre ouvre des crevasses.
Elle a soif.
Les gens ont des robes de béton,
et des voiles noirs
qui pèsent autant que s’effacent les couleurs.
Ils essaient de sauver quelques objets,
ce qu’ils ont pu emporter
sur une charette.
Ils m’ont pris pour l’un des leurs,
car j’avais sous le bras
ton portrait inventé,
dans une chemise de nuit,
et un nuage de dentelles.
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RC – mai 2017
Mots de phoenix ( RC )
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Cette lutte dans la froidure
Que l’on partage en fins mots
De quoi tenir au chaud
Encore des chants d’azur…
Feux de phénix
Renaissant de ses cendres
On peut toujours attendre
Des phrases prolixes
Ou je ne sais quoi
Des feux follets
Ne laissent inquiets
Que ceux restant cois…
J’observe alors, ma foi
Dans le ciel , les fumées,
– de tes proses allumées
Que nous accorde la joie.
RC – 5 mars 2013
note : cette création s’appuie sur un poème de Jean-Jacques Dorio, qui nous évoque le phénix – visible avec beaucoup d’autres dans « poesie mode d’emploi… »
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Future friche industrielle – ( RC )
Avançons, avançons jusqu’au bord
Au delà commencent les rêves
Trève de la nature
Gros plan, et fondu au noir,
Il n’y a plus de repères,
La perspective est en fuite
Les mots sont partout, en suspension
Il suffit de les rendre…
Tranchons, découpons
Les maux se fondent lentement
Dans la confiture des jours…
Il n’y a plus de certain;
Que la nuit,
Poussée par le train
Que regardent passer
Les ouvriers les mains vides.
Avançons, avançons jusqu’au bord
C’est alors que bascule l’avenir,
Où tout se fond en brouillard
Rien à donner, si ce n’est le passé.
Le présent est parti, vers d’autres contrées;
Le ciel n’a plus de fumées,
Que des cheminées vides,
Retournées à la friche.
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Rc – 1er octobre 2012
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On n’invente plus la pluie (d) – ( RC)

photo – favelas au Brésil
Autour de la colline brune,
La rivière s’enlace …
De tôles et de planches,
S’agrippe le bidonville,
Emergeant sous la lune,
Autant qu’il s’entasse,
Oscille et se penche,
D’hésitations malhabiles…
Aux horizons noircis de fumées
Des usines assez proches
Ecrivent le labeur,
Et les cités dortoirs
La ville d’écailles ,de nuit allumée,
Vue d’en haut – assez moche –
Est pleine de dormeurs.
La pluie, ruisselle sur les trottoirs…
RC 21 août 2012
Lionel Bourg – Montagne noire
« Je suis né sur un sol charbonneux.
Tout était noir dans la région minière.
Les murs, la boue dans les squares, les arbres et les façades des immeubles, les eaux grumeleuses des rivières comme les fumées que crachaient les usines, l’humeur maussade des hommes rentrant chez eux le soir, la colère des femmes, les joies fiévreuses, la misère. Je poussais là discrètement.
Me promenais dans les décharges et parmi les remblais, croyant la chérir, cette terre, incapable d’envisager pourquoi de brusques répulsions se saisissaient de moi, qui m’accablaient ou me serraient la gorge.
J’errais sans but. […] »
—
Lionel Bourg, extrait de Montagne noire, Le Temps qu’il fait (coll. Lettres du Cabardès), 2004
—
texte qui pourrait s’associer à un autre du même auteur:
Vivre alors
mais vivre un peu plus loin
si ce n’est davantage vivre
entre peur et merveille
les yeux rivés
à la berge nuptiale une
main caressant les cheveux emmêlés
de son unique rêve
extrait de L’immensité restreinte où je vais en piétinant, Éd. La Passe du Vent, 2009
—
en connaître davantage sur Lionel Bourg ?, c’est avec lieux dits..
–.