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Jean Genêt – le Funambule ( petit extrait )


                         mise en scène de la « Cerisaie » d’ A Tchekov, par Alain Françon

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Comme le théâtre, le cirque a lieu le soir, à l’approche de la nuit, mais il peut aussi bien se donner en plein jour. Si nous allons au théâtre c’est pour pénétrer dans le vestibule, dans l’antichambre de cette mort précaire que sera le sommeil.

Car c’est une Fête qui aura lieu à la tombée du jour, la plus grave, la dernière, quelque chose de très proche de nos funérailles.

Quand le rideau se lève, nous entrons dans un lieu où se préparent les simulacres infernaux.

C’est le soir afin qu’elle soit pure (cette fête) qu’elle puisse se dérouler sans risquer l’être interrompue par une pensée, par une exigence pratique qui pourrait la détériorer…


Bassam Hajjar – voyages et funérailles


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Il n y a personne ici,
et ici
on n’appelle pas les tombeaux même
habités par les morts ceux
que les voyageurs laissent derrière eux tombeaux

mais points de repère
pour des voyageurs qui passeront par là
après eux
et laisseront à côté

une gourde, des vivres, des couvertures, et des traces de pas.

les Processions vers eux ne s’appellent pas funérailles
mais voyages,

les tombeaux au bord de la route
-mêmes inhabités ne s’
appellent pas tombeaux
mais mausolées.

(Comme si se présentait l’étranger, le passant, et laissait a
côté d’eux un foulard, un châle, un mégot, ou un caillou qu’il
choisit soigneusement comme souvenir, et puis qu’il jette sur
le tas de graviers et de pierres non pour laisser une trace mais
pour l’effacer car ni le mausolée n’est un point de repère, ni le
caillou ni l’étranger.)

Maisons improvisées dans l’étendue vide
pas encore achevées
et vides encore
d’ habitants.

Mais elles sont, depuis le commencement, habitées par le personnage
des souvenirs.

(Comme s’il n’y avait pas de mur et qu’avec cela, malgré cela,
on y ouvrait une porte. Comme s’il n’y avait pas de père, de
mère, d’enfants, et qu’avec cela, malgré cela, il y avait des
lits, des vases, des livres et une table. Comme s’il n’y avait pas
de salle de séjour et qu’avec cela, malgré cela, il y avait des
canapés, une table basse, une lampe, une télévision, des tiroirs
pour le papier à lettres, les journaux intimes, les numéros de téléphone,

les adresses postales, la note de l’épicier, la facture
d’électricité, la boîte d’aspirine, les stylos à encre, les crayons
à papier, le livret de famille, le vieux passeport, la boîte de
dragées et la vieille montre, la boucle d’oreille qui reste en
attendant de retrouver l’autre, le carnet, beaucoup de clés,
dispersées ou reliées par un anneau et personne ne se souvient
maintenant si elles ouvraient des portes et où sont ces
portes…)

ils ne s’appellent pas des tombeaux car personne n’y repose

de simples signes

celui qui passe, rapide dans sa voiture, tourne la tête vers eux

ou bien celui qui marche à côté d’eux,
distrait,

pas d’arbres hauts et plaintifs pour les entourer et les ombrager
pas de pierres debout
pas de noms
pas de murailles •
pas d’insignes
pas de sentiers.

Edifice d’un passage fugace ..
lorsque tu passes à côté de lui en t’éloignant
il s’amenuise doucement avant que le carrefour ne le dérobe

à tes yeux

avant que ne te dérobe à ses yeux
le carrefour.

Tu n’es rien
et ta parole est passagère, comme toi,
parmi des gens de passage

c’est pourquoi
je parle de moi,
moi,
qui ne passe pas souvent
dans ton horizon.

extrait final de  « tu me survivras »              ed  Actes/sud  2011