voir l'art autrement – en relation avec les textes

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Retour de la marelle – ( RC )


Attention de ne pas lancer trop loin
la pierre revêche dans les airs.
Si elle ne revient pas
c’est qu’elle aura rebondi
au-delà des limites
de l’atmosphère.

Tu vois ce que c’est
de pousser trop loin
le galet à la marelle :
ça va de la terre au ciel
directement sans s’arrêter

aux cases tracées
à la craie sur le trottoir.
Après , il s’agit de ne pas faire
le parcours à l’envers
car la pierre peut retomber

de façon inopinée
dans le puits
sans fond de l’oubli:
Prends garde où tu mets les pieds
car si par malchance

tu la reçois sur la tête
le jeu est terminé
les cases retournent sur elles-mêmes
la partie est finie,
c’est ainsi que se clôt le poème…

RC


J’apprivoise les cailloux – ( RC )


photo Anne Cécile Lecuiller

A force de marcher sur l’eau,
j’apprivoise les cailloux,
qui se font plus légers
dans l’éclat des reflets
et de l’eau pure :
maintenant elle a baissé,
je peux traverser la rivière
en équilibre sur le gué.
Ce galet plat,
je l’ai conservé :
c’est une semelle qui me va
adaptée à ma pointure,
je n’aurai plus qu’à y adapter
des sangles de cuir :
m’en faire une chaussure neuve
naviguer sur le fleuve,
que la rivière ira grossir.
Pour faire la paire
il faudra que je déniche
un autre caillou lisse
pour m’emporter dans les airs :
que les écrevisses me pardonnent
elles trouveront d’autres abris
et d’autres pierres…


Benjamin Fondane – machines


Machines qui broyez les muscles et le sang
ouvrez un hublot pour l’orage,
que soit le roc visité par la foudre
humilié d’amour des pieds jusqu’à la tête.

Que soit le nom crié de sommet en sommet
frotté comme un galet de mer par les figures,
comme un galet blessé, une biche souffrante,
au bord des grandes eaux.

Le tremblement de terre est en route. Quel est
le mot de passe cri ou chanson ou sésame?
L’arbre de l’existence
sera-t-il le premier des arbres foudroyés?

extrait de l’anthologie des textes de B Fondane parue chez Verdier « Titanic »


Andrée Chédid – Minéral Minimal – Galet


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GALET

Le moins
Le peu
Le bref
L’exigu
Prennent corps
En ce galet
Dépourvu de veines
Et de détours,
Dont l’opacité
S’oppose
Aux transparences
De l’océan,
Dont la cohésion
Défie
La sinueuse écume.

Andrée CHEDID


L’intérieur du galet – ( RC )


 

Lorsque le flot  s’épuise,
Et qu’on peut franchir de la rivière,
Son lit clair,            sans crainte d’être emporté,
Je pensais qu’il était possible, en brisant un de ces galets,

Que leur peau recouvre des entrailles,  un gemme
où se cachent cavités  et cristaux,
à la façon d’un oeuf , ou de ces  améthystes,
refermées sur leur carapace.

Une circulation mystérieuse,
un secret,         un « être abstrait ».
Doué  d’autonomie,       clos sur lui-même,
comme de ces cloportes,  et leur armure.

Mais le galet,       ne livre que le semblable.
Habité par l’inertie.
Sa nudité lisse  et ronde,   portée  sur l’extérieur,
N’est  qu’un  intérieur qui s’expose.

Un pur contenu, sans  contenant,
sinon la forme,
Celle, modelée des usures,
de sables, de glaces et  de pierres

Enfanté d’autres  roches, dévalées de l’amont,
vers de  liquides couloirs .
Des nuits épaisses,              habitées de truites
ablettes et gardons,           aux furtifs passages.

Les herbes       ne fissurent pas le jour.
Le galet prend l’apparence            de ton sein.
Il lui manque quelque part le battement du pouls.
C’est ce que trahit           son poids de matière .

J’ai cherché                au-delà du lit,
Et du brancard de boue,
Sous les joncs pensifs
De quoi  reconstituer une paire.

Mais nulle part,
Je n’ai trouvé le semblable,
Les mêmes  cristaux,          et encore moins,
–                         Le grain de ta peau.


RC  – nov 2014


Yvon Le Men – Des galets


peinture trompe-l'oeil de Ko

Je sais

qu’il est interdit

de ramasser des galets

mais

quand il en choisit un

pour le déposer

sur la tombe de son fils

je détournai le visage

et regardai la mer.

Un peu de l’immense histoire du temps

contre la brève histoire d’une vie

est justice.

Yvon Le Men

 

Source  : Anthologie poétique: le bon temps de la vie