Benjamin Fondane – machines

Machines qui broyez les muscles et le sang
ouvrez un hublot pour l’orage,
que soit le roc visité par la foudre
humilié d’amour des pieds jusqu’à la tête.
Que soit le nom crié de sommet en sommet
frotté comme un galet de mer par les figures,
comme un galet blessé, une biche souffrante,
au bord des grandes eaux.
Le tremblement de terre est en route. Quel est
le mot de passe cri ou chanson ou sésame?
L’arbre de l’existence
sera-t-il le premier des arbres foudroyés?
extrait de l’anthologie des textes de B Fondane parue chez Verdier « Titanic »
Andrée Chédid – Minéral Minimal – Galet
GALET
Le moins
Le peu
Le bref
L’exigu
Prennent corps
En ce galet
Dépourvu de veines
Et de détours,
Dont l’opacité
S’oppose
Aux transparences
De l’océan,
Dont la cohésion
Défie
La sinueuse écume.
–
Andrée CHEDID
L’intérieur du galet – ( RC )
Lorsque le flot s’épuise,
Et qu’on peut franchir de la rivière,
Son lit clair, sans crainte d’être emporté,
Je pensais qu’il était possible, en brisant un de ces galets,
Que leur peau recouvre des entrailles, un gemme
où se cachent cavités et cristaux,
à la façon d’un oeuf , ou de ces améthystes,
refermées sur leur carapace.
Une circulation mystérieuse,
un secret, un « être abstrait ».
Doué d’autonomie, clos sur lui-même,
comme de ces cloportes, et leur armure.
Mais le galet, ne livre que le semblable.
Habité par l’inertie.
Sa nudité lisse et ronde, portée sur l’extérieur,
N’est qu’un intérieur qui s’expose.
Un pur contenu, sans contenant,
sinon la forme,
Celle, modelée des usures,
de sables, de glaces et de pierres
Enfanté d’autres roches, dévalées de l’amont,
vers de liquides couloirs .
Des nuits épaisses, habitées de truites
ablettes et gardons, aux furtifs passages.
Les herbes ne fissurent pas le jour.
Le galet prend l’apparence de ton sein.
Il lui manque quelque part le battement du pouls.
C’est ce que trahit son poids de matière .
J’ai cherché au-delà du lit,
Et du brancard de boue,
Sous les joncs pensifs
De quoi reconstituer une paire.
Mais nulle part,
Je n’ai trouvé le semblable,
Les mêmes cristaux, et encore moins,
– Le grain de ta peau.
–
RC – nov 2014
Yvon Le Men – Des galets
Je sais
qu’il est interdit
de ramasser des galets
mais
quand il en choisit un
pour le déposer
sur la tombe de son fils
je détournai le visage
et regardai la mer.
Un peu de l’immense histoire du temps
contre la brève histoire d’une vie
est justice.
–
Yvon Le Men
Source : Anthologie poétique: le bon temps de la vie