Federico Garcia-Lorca – Le vent et la belle
LE VENT ET LA BELLE
(Précieuse et le vent)
De sa lune en parchemin,
par un hybride sentier
de lauriers et de cristal,
Précieuse s’en vient jouer.
De sa lune en parchemin
Précieuse s’en vient jouer.
A sa vue le vent se lève,
car jamais il ne sommeille.
Dis, laisse-moi relever
ta robe pour voir ton corps.
Ouvre entre mes doigts anciens
la rose bleue de ton ventre.
Lâchant son tambour, Précieuse
prend la fuite à toutes jambes.
Le vent mâle la poursuit.
Avec une épée brûlante.
Précieuse, cours vite, vite.
Le vent va t’attraper !
Précieuse, cours vite, vite,
Regarde-le arriver,
Satyre d’étoile basses
aux mille langues lustrées !
Précieuse, morte de peur,
est allée se réfugier,
au-dessus de la pinède,
Et tandis qu’elle raconte
son aventure en pleurant,
le vent sur le toit d’ardoises
plante, furieux, les dents.
Federico Garcia-Lorca – chanson de l’oranger stérile
peinture Gisele Gautreau
–
Bûcheron.
Coupe moi de mon ombre,
Libère-moi du tourment
de me voir sans fruit.
Pourquoi suis-je né parmi les miroirs?
La journée fait des cercles autour de moi,
et la nuit me copie
dans toutes ses étoiles.
Je veux vivre sans me voir.
Et je vais rêver que les fourmis
et des bavures des chardons sont
mes feuilles et mes oiseaux.
— traduit de la version anglaise suivante par RC:
Song of the Barren Orange Tree
Woodcutter.
Cut my shadow from me.
Free me from the torment
of seeing myself without fruit.
Why was I born among mirrors?
The day walks in circles around me,
and the night copies me
in all its stars.
I want to live without seeing myself.
And I will dream that ants
and thistle burrs are my
leaves and my birds.
Woodcutter.
Cut my shadow from me.
Free me from the torment
of seeing myself without fruit.
« Song of the Barren Orange Tree »
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J.William Turner, Three Seascapes ( avec F Garcia Lorca & Virginia Woolf)
Peinture: William Turner
J. M. W. Turner, Three Seascapes, c. 1827 ( très belle peinture ( et très peu connue)
» je veux vivre sans me voir »
— Federico García Lorca, from “Song of the Barren Orange Tree,”
« Je ressens toutes les ombres de l’univers, multipliées au plus profond de ma peau »‘ trad RC
— Virginia Woolf, from a diary entry dated 5 November 1931
(via fuckyeahvirginiawoolf)
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Federico Garcia-Lorca – Désir
Rien que ton coeur brûlant,
Rien d’autre.
Mon paradis: un champ
Sans rossignols
Ni lyres,
Avec une fontaine
Et un filet d’eau vive.
Pas de vent qui éperonne
Les frondaisons
Ni d’étoile qui veuille
Se faire feuille.
Un jour immense
Y serait
Le ver luisant
D’un autre jour
Dans un champ de
Regards brisés.
Lumineux repos
Où tous nos baisers,
Grains de beauté sonores
De l’écho,
Iraient là-bas éclore.
Et ton coeur brûlant,
Rien d’autre.
(Federico Garcia Lorca)