Armand Robin – Testament dans la nuit
image :montage RC
Moi, Constantin, fils de Constantin,
En Espagne nommé maître Ildefonse,
Sans être d’intègre esprit,
J’écris un testament à la lueur des bougies.
Des phalènes sous mes yeux tournent près des bougeoirs
Ils frissonnent et mes doigts ont des frissons ;
Au maître qui créa les bougeoirs je lègue donc
Les nuits de juin avec tous leurs papillons.
Qu’un jour par hasard le traîne le cafard,
Parmi les rues il étendra sa marche le soir,
Sans retard sur les vérandas tourneront les papillons noirs,
Sur le gazon, les boules bleues s’éteindront sans retard.
Il verra les phalènes, visages sur fumée d’or,
Il posera son pas, de mon nom prendra mémoire.
Aux poètes de ces jours et des jours à venir
Je lègue mon poêle de faïence
Avec son intime feu d’idées, de mi-idées,
Autrement dit de bagatelles pas dignes qu’on les allume,
Et je leur lègue mon encrier, cette pleine lune
Que me vendit un marchand tzigane.
Qu’un jour par hasard en des ans différents,
Tel moi-même cette nuit haussant ma voix,
Ils aillent déployant papiers et parchemins
Et sanglotant : « Éterniser la nuit! Comment? »,
C’est moi qui gratterai dans le cri de leurs plumes,
Ce sera moi dans leurs danses, lascivités vers les nuées,
Car dans la nuit j’ai tellement promurmuré, démurmuré
Que je connais jusqu’à l’abîme les partitions de la nuit.
A ma fille Kira, qui danse,
Je lègue le septième firmament
Avec séraphins par tout terzo s’agenouillant,
De très hauts « pas un mot, a, des lueurs sans clarté
Et toute chose naturelle, comme coffre à secrets.
Qu’elle y apprenne ses ballets !
A mon ami Théo, pour quand pleut le crépuscule sur la ville,
Une ruelle pas entamée pour y marmonner
Et même un certain portail du quartier Leazno
Avec un Neptune de fer forgé.
Hélas! il est parti dégoûté de la cité,
Maintenant c’est au ciel un astre apaisé.
A tous les êtres de bonté le charme entier qui a germé
Sur cette terre et, tel un abécédaire,
Les saisons de l’année en doré en argenté,
Les papillons et même les moucherons
Le soir près des acacias en géants buissons,
Une aube, dont nul ne revient, en arrière-fond.
Pour mes poèmes des furies phosphorescentes
Irradiant dans un ravin de ténèbres, de méchanceté.
Pour ma Basanée, ma Svelte, mon Ombrageuse,
mes yeux qui ont pleuré.
(Armand Robin) (1939)
James Joyce – Les jours ( Ulysse )
« Toute vie est composée de beaucoup de jours, jour après jour. Nous marchons à travers nous, rencontrons des voleurs, des fantômes, des géants, des vieillards, des jeunes hommes, des épouses, des veuves, des beaux-frères. Mais toujours nous nous rencontrons nous-mêmes . »
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“Every life is many days, day after day. We walk through ourselves, meeting robbers, ghosts, giants, old men, young men, wives, widows, brothers-in-love. But always meeting ourselves.”
— James Joyce, Ulysses (1922)
Chemin des pierres – ( RC )
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Le chemin des pierres, se ponctue, à chacune,
de son ombre.
La colonne se dresse,
autant que la force humaine l’a permise, contredisant la nature,
plantée contre le ciel.
Et si c’est un défi,
Celui du poids, de l’inertie grise,
Le chemin de pierres garde le silence,
Sur son secret,
Au milieu des clairières,
Et parfois des troncs,
– Quand la forêt s’est rebellée.
Plusieurs se sont sans doute succédées,
Et plusieurs générations,
Les muscles douloureux,
A la sueur de l’effort,
Aux cordes tendues,
Comme celles d’une contrebasse,
Et qui quelquefois cassent.
Plusieurs générations d’hommes,
Des cohortes haletantes,
Poussant
Vers ce but réaffirmé,
Dont on ne sait plus rien,
Si ce n’est ce défi, justement,
Traversant de toute sa masse,
L’épaisseur du temps,
Son épaisseur presque palpable,
Au grain palpable,
Comme celui des pierres, justement.
Elles se font ligne,
Elles se font cercle,
Elles nous font face.
Elles chantent presque,
Tant elles sont familières.
Elles sont à l’image des hommes.
Rudes, bravant les saisons.
Inscrites dans le lieu. attachées au sol,
Dans des pas de géants.
A la ronde du soleil,
Le chant de la lumière ….
> Dressées.
séquences d’Hitchcock ( RC )
North by NorthWest – ( La mort aux trousses )
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Qu’une femme disparaisse
Dans un orient-express
C’est un film d’Hitchcock
Qui marque son époque
Pour un film d’espionnage
Une fois commencé le voyage
–
D’une pichenette
Je continue dans ma tête
A me balader dans la foule
Alors que se déroule,
Dans d’autres lieux
Un crime odieux
Pour la caméra , si l’histoire s’enlise
L’action poursuit dans une église,
Une femme dans le clocher
Dont l’acteur va enfin s’approcher
C’est alors le vertige
Qui toujours l’afflige
L’empêche de monter
– et de ce coup monté –
Un corps qui tombe et se casse
Un tour de passe-passe…
Où est passée la femme qu’il aime ?
Cà, c’est bien le problème…
–
Ou bien dans un autre film, une scène
– croisement de routes à l’américaine,
D’où surgit un car
Venu de nulle part
Cary Grant en descend
(un rendez-vous important)
Mais personne ne s’arrête,
A part un bus, pas une estaffette…
Seul un petit point grandit,
C’est cet avion maudit
Qui le poursuit en vain
Dans le champ voisin
Avant que ne se brise son élan
Culbute , et un accident
Au coeur de l’action,
Contre un camion…
Toujours la mort aux trousses,
Il pourrait jouer du pouce…
–
—— Alfred décide du futur
Pour de nouvelles aventures
Jusqu’aux portraits géants
De pierre, des présidents
….Et d’autres manigances
Qui font le suspense
… et toujours nous interloque
Le talent de Hitchcock…
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Affiche rouge – Vertigo ( Sueurs froides)
RC- 16 novembre 2012
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