Georges Lisowski – troisième élégie
sculpture : McDermott
Je ne connais plus l’éblouissement pourtant
je l’ai connu je me couvre les yeux contre un vent de sable
j’appelle des mots qui sont en retard de plusieurs années
années vides de quoi que ce soit de beau
Imprudemment je pénètre le labyrinthe du langage
et voulant émerger à la lumière du jour
je dis trop ou je dis trop peu
les signes me fatiguent, je me raccroche aux choses
Toi qui apaises l’inquiétude des hirondelles
tu m’as compris
mais bien trop à la lettre, le monde s’est éloigné
et l’oiseau est une pierre
le visage humain se transforme en paysage
Georges Lisowski ( 1972-76)
Georges Lisowski – Descendance d’Héraclite
DESCENDANCE D’HERACLITE

image : John Hodgkiss
Nous ne croyons plus dans le cercle du temps circulaire
ni à la montagne en spirale
le passé est ordre
l’avenir une surprise
On nous a ouvert une fenêtre
par laquelle on ne voit rien
On nous a donné des lèvres
pour ne jamais boire de la même eau
On nous a donné des rêves impétueux
et l’expérience
qui nous parle dans une langue étrangère
nous sommes familiarisés avec
et le comprenons par bribes
Georges Lisowski (1972-76)
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Georges Lisowski – Promenade
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PROMENADE
Indifférent je passe à côté
des futurologues qui scrutent le cristal
des braillards qui tirent leur rien de rien
des garçons et des filles sans mystères du coeur et du sexe
des travestis barbus sans âge qui entourent la fontaine
je détourne les yeux de crainte qu’ils n’apparaissent nus et sans barbe
je traverse l’exposition de mes cubistes adorés qui m’ennuient
qui m’ennuient par leur trop de méthode
je passe à côté de milliers de romans illisibles
aux jaquettes luisantes et criardes
je passe à côté de nouveaux-nés dans les bras de leurs mères
à côté des marmots qui pissent dans un passage aux dorures clinquantes
à côté de mes voyages à côté de moi-même
je passe sur l’autre bord si l’autre bord existe
Je ne suis pas auprès de la fontaine ni dans le cristal
Georges Lisowski
(Paris, 1973)
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