Jacques Borel – la trace

photo: Izis
À qui veux-tu parler ?
Les trottoirs sont déserts,
Un petit soleil mort
Ou le crachat d’hier
Se sèche sur le mur.
O veine de mica,
Tesson, mucus, paupière,
Trace d’une lueur
Absorbée par la pierre,
Ne t’éteins pas encore,
Reste d’un geste humain
Ou souvenir du jour,
Illumine ce peu
D’espace consolable
Où ma vie comme un poing
Serre ses derniers rêves.
extrait de » sur les murs du temps »
Pour compléter la playlist – ( RC )

Tout commence en ouvrant les dossiers.
Je cherche de la musique,
pour compléter la playlist.
Je trouve des trucs pour la soirée.
Faut c’qui faut…
Cocktails en tout genre,
boules de lumière
fauteuils profonds, rideaux de velours
ambiance soft, affiches de cinéma,
cadres à l’ancienne sans photos d’ancêtres…
ça commence bien,
ça déménage et monte en puissance…
batterie, solos de guitare,
le chat rayé qui détale,
une bouteille renversée,
un verre cassé,
la tache sur le tapis
qui s’élargit.
C’est juste avant le slow,
vite, des papiers journaux !
Je tombe sur ta voix,
je ne l’avais pas reconnue.
La voilà qui se dresse
appelle le silence,
et tout est avalé, le moindre son,
le cramoisi du velours,
les cocktails évaporés,
le chat collé au plafond,
l’électricité coupée,
les cadres rétrécis…
mais seulement la voix
verticale au milieu du salon
qui provient d’on se sait où.
Tout le monde est saisi
n’esquisse plus un geste,
tout devient gris
rentre dans le passé,
immobilisé dans le papier glacé
à même la photographie,
juste avant l’oubli…
Michel Pierre – un seul mot

À l’intérieur d’un seul mot vous ne respirez plus. La phrase vous laisse l’oxygène indispensable pour en revenir à l’idée, elle-même ombre du paradoxe qui retenait vos poings liés à la page blanche. Sinon des animaux sauvages s’emparent de votre délire. Vous parcourez toutes les savanes, remontez les déluges, appliquez à votre mémoire le vide circonstancié qui aspire faits et gestes anciens, lesquels couturent votre calotte ou, si vous préférez, votre bonnet d’enfance. Suffirait de bégayer dans l’oreille d’un imbécile qui vous prend illico pour un fieffé poète. Alors, ce qui doit être dit, laissez-le raconter par le plus prestigieux d’entre nous, celui dont la panse est couverte de médailles surannées, triste devant la connaissance qui rend obèse, aspire l’inspiration, asphyxie les phénomènes grammaticaux, l’ensemble prêt à rendre les ours comestibles. Bref, souriez sans réfléchir. Toute bulle vous conduit au firmament de l’impossible. Vos voisins sont des bâtisseurs et déjà vous n’apercevez plus la mer qui gronde, ignorez la torpeur des marais, n’entretenez plus le geste qui sauve et que, pourtant, vous avez déniché dans le bréviaire sacré de votre solitude. Et ce livre, écrit à l’intérieur d’un seul mot, ne sera jamais ouvert à la page de la moindre illumination.
Michel Pierre, L’enfer vaut l’endroit = ( publication des éditions des vanneaux )
Bruno Ruiz – pour la pensée qui cherche votre étoile

Je n’ai de grâce que pour la pensée qui cherche votre étoile
Et mon métier n’énonce que le rêve perdu de vos raisons
Qu’ils soient reconnus ceux qui se perdent en eux–mêmes
Qu’on les inonde de lumière à la ferveur de leur corps
Pour qu’ils chantent le temps d’une vie enfouie
Ce temps joignant le geste à la parole
Ils sont mes chers passants du silence restés dans le noir pour le partage des perles
Demain je serai avec vous sur l’horizon
J’aurai laissé le temps clair se poser sur l’absence du monde
Ce temps d’éternité dans l’esprit et son apparence
L’arbitre aura disparu et personne ne cherchera sa présence
Renée Vivien – Lucidité
L’art délicat du vice occupe tes loisirs,
Et tu sais réveiller la chaleur des désirs
Auxquels ton corps perfide et souple se dérobe.
L’odeur du lit se mêle aux parfums de ta robe.
Ton charme blond ressemble à la fadeur du miel.
Tu n’aimes que le faux et l’artificiel,
La musique des mots et des murmures mièvres.
Ton baiser se détourne et glisse sur les lèvres.
Tes yeux sont des hivers pâlement étoilés.
Les deuils suivent tes pas en mornes défilés.
Ton geste est un reflet, ta parole est une ombre.
Ton corps s’est amolli sous des baisers sans nombre,
Et ton âme est flétrie et ton corps est usé.
Languissant et lascif, ton frôlement rusé
Ignore la beauté loyale de l’étreinte.
Tu mens comme l’on aime, et, sous ta douceur feinte,
On sent le rampement du reptile attentif.
Au fond de l’ombre, elle une mer sans récif,
Les tombeaux sont encor moins impurs que ta couche…
O Femme ! Je le sais, mais j’ai soif de ta bouche !
____________(Études et préludes, 1901)
Roberto Juarroz – La vie immobile
Nous restons figés parfois
au milieu d’une rue,
d’un mot
ou d’un baiser,
les yeux immobiles
comme deux longs verres d’eau solitaire,
la vie immobile
et les mains inertes entre un geste et celui qui aurait suivi,
comme si elles n’étaient nulle part.
Nos souvenirs alors sont d’un autre
dont à peine nous nous souvenons.
R Juarroz
Isabelle Debiève – Dis-moi mon coeur…pourquoi bats-tu?
peinture: Jim Dine
Dis-moi mon coeur…
pourquoi bats-tu?
Aurais-je à ce point tort
de t’entendre battre
pleurer
rire
te tordre
et battre encore
Vivant tu es!
En toi un mot écrit
En toi une parole se dit
En toi le geste se languit
En Toi
Je suis
fr (« Mascarades »)
Julio Ramon Ribeyro – cendrier
L’habitude de jeter mes mégots par le balcon,
en pleine place Falguière, lorsque je m’appuie au rebord
et qu’il n’y a personne sur le trottoir.
C’est pourquoi cela m’irrite d’y voir quelqu’un lorsque je vais faire ce geste.
“Que diable fait ce type dans mon cendrier?” me dis-je.
Julio Ramon Ribeyro
Jacques Borel – la trace
LA TRACE
À qui veux-tu parler ?
Les trottoirs sont déserts,
Un petit soleil mort
Ou le crachat d’hier
Se sèche sur le mur.
O veine de mica,
Tesson, mucus, paupière,
Trace d’une lueur
Absorbée par la pierre,
Ne t’éteins pas encore,
Reste d’un geste humain
Ou souvenir du jour,
Illumine ce peu
D’espace consolable
Où ma vie comme un poing
Serre ses derniers rêves .
–
extrait de « sur les murs du temps »
Francis Ponge – Le feu
(…) LE FEU n’est que la singerie ici-bas du soleil.
Sa représentation, accrue en intensité
et en grimaces,
réduite quant à l’espace et au temps.
Le feu, comme le singe, est un virtuose.
Il s’accroche et gesticule dans les branches.
Mais le spectacle en est rapide. Et l’acteur ne survit pas longtemps
à son théâtre,
qui s’écroule brusquement en cendres
un instant seulement avant le dernier geste,
le dernier cri. (…)
F P :Le soleil toupie à fouetter, III » in « Pièces
Nicolas Rouzet – le cercle et la parole
photo: Ernst Haas
Il y a le cercle et la parole
et l’heure où chaque naissance
annonce l’aube rageuse
l’attente du regard
Une main aveugle
dure à tâtons
devance le jour
dessine comme par jeu
la frontière qui sépare
le silence de la parole
le geste du murmure
De son pouce
se traverse la brèche
s’effleure le néant
d’où l’on sauve
la braise
et la brindille
Et que l’oreille
se tende
vers ce soupirail
qu’elle entende
que nos fantômes
n’ont pas changé de nom
que tous se croient encore vivants
dans l’espace ouvert
par l’éclat
le mirage
de nos âmes !
Carolyn Carlson danse Rothko – ( RC )
photo :dialogue avec mark Rothko – Carolyn Carlson
–
Carolyn Carlson évolue dans l’espace.
Celui-ci est clos.
Il partage une série de grandes toiles peintes.
Ce n’est pas un décor,
où le noir lutte avec le rouge
et le rouge chavire d’orangés
« blottis dans les recoins enflammés de lumière ».
La couleur est habillée et se déplace .
Traversés de vermillon,
les habits noirs de Carolyn
Portés de gestes lents
Sont autant pinceaux que tableaux.
Des aplats écarlates s’y meuvent ;
le corps est graphie, la danse est solo
Le dialogue s’engage et répond,
Aux peintures de Rothko .
Il semble que la lumière sourd de la toile,
se met en mouvement
Confronté à elle, le corps , parfois se fond,
le déplacement est sa seule mesure.
Les ombres portées la précèdent sur la scène.
–
RC – juin 2015
* l’expression
« blottis dans les recoins enflammés de lumière« , est de C Carlson elle-même.
–
L’acteur a disparu, dans un tourbillon – ( RC )
C’est une vue qui suggère la chute .
Cela pèse, un désir qui grandit
Mèle le sentiment de vertige,
Et l’attirance des couleurs .
Bien entendu, quand on les pose sur la toile,
On ne s’en rend pas compte tout de suite .
C’est un état de veille,
Où l’ extérieur n’émeut plus.
La respiration manque.
C’est sur le fil du labeur ,
Que se construit l’ équilibre.
Toujours précaire.
En fait le peintre a franchi le bord.
Le bord du vide, … depuis longtemps
Un sommeil éveillé,
Empêche qu’il chute .
Et d’ailleurs , sa vue n’emprunte pas
Les chemins de ses yeux ,
Comme si quelqu’un voyait à travers lui,
Et lui guidait la main.
L’inconscience parle,
Regarde à sa place,
Déplace ses gestes,
Maintient suspendu, son souffle .
Quand le vertige se dissipe,
Le corps se recompose,
Traverse son écran d’âme ,
Il retombe sur ses pieds.
Ne se souvient plus du vide,
S’il s’est envolé, ou a chuté…
Il regarde la toile .
Elle est achevée …
Il ne peut dire qu’il l’a rêvée,
La matière de la peinture en témoigne.
Elle colle encore aux doigts .
Cà sent la térébenthine.
Le regard s’ouvre,
Et avec, parfois le doute….
Comment pourrait-il avouer,
– » Ce qu’on voit n’est pas de moi ?
Je n’ai que disposé des couleurs,
« dans un certain ordre assemblées » « ….. ,
D’avoir déclenché une action .
– Il se remémore la chimie,
Les produits mis en contact,
Neutres, se cotoyant dans le récipient…
Il fallait un catalyseur
Pour que la réaction commence… –
« Je ne l’ai pas contrôlée…
Comme l’apprenti sorcier…
Veuillez m’excuser…
– Chacun peut commenter
… Si cette œuvre, est la mienne
Elle m’échappe encore…
J’ai connu ce privilège
D’en être le premier spectateur…
L’acteur a disparu dans un tourbillon,
J’ai rendez-vous avec lui…
Dans un jour, dans un an … ?
Pour la prochaine toile… »
–
RC – sept 2014
Alejandra Pizarnik – Pleine de pénurie
Renée Vivien – Lucidité
L’art délicat du vice occupe tes loisirs,
Et tu sais réveiller la chaleur des désirs
Auxquels ton corps perfide et souple se dérobe.
L’odeur du lit se mêle aux parfums de ta robe.
Ton charme blond ressemble à la fadeur du miel.
Tu n’aimes que le faux et l’artificiel,
La musique des mots et des murmures mièvres.
Ton baiser se détourne et glisse sur les lèvres.
Tes yeux sont des hivers pâlement étoilés.
Les deuils suivent tes pas en mornes défilés.
Ton geste est un reflet, ta parole est une ombre.
Ton corps s’est amolli sous des baisers sans nombre,
Et ton âme est flétrie et ton corps est usé.
Languissant et lascif, ton frôlement rusé
Ignore la beauté loyale de l’étreinte.
Tu mens comme l’on aime, et, sous ta douceur feinte,
On sent le rampement du reptile attentif.
Au fond de l’ombre, elle une mer sans récif,
Les tombeaux sont encor moins impurs que ta couche…
O Femme ! Je le sais, mais j’ai soif de ta bouche !
_ (Études et préludes, 1901)
Tu entends, sortilège ( RC )
Tu entends sortilège , oui c’est ce qui se passe en nous,
Ce qui traverse, et touche…
Et pourquoi la graine germe dans la terre,
Et pourquoi la graine germe en nous?
et pourquoi notre regard est d’émotion.
Et pourquoi certains sont sensibles à certains arts
ces arts, ce que l’on pense tels…? cette pâte étalée sur la toile,
qui, -pour citer Denis: » avant d’être un cheval de bataille,
une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane
recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées … »
Oui, mais l’ attouchement du hasard – d’un froissement une aile ou une feuille ,
venant à mon regard, et la lumière d’un instant, qui rebondit jusqu’à moi…
que je fixe en photographie, l’instant fugitif,
Comme celui où le bras se lance, le pinceau affleure, et puis se pose, virevolte…
—–> Je le laisse faire, regardant ce qui arrive. Ce geste est le mien…
RC – 22 mai 2013
–
—
tu entends sortilège, ( cette expression ) est issue d’un article récent de Lamber Sav, visible ici:http://aloredelam.com/2013/05/23/lingua-franca-ou-comment-sen-debarrasser/#respond
-
Lamber Sav j’aime bien tes dessins , c’est à la plume ?
-
Re Chab Non, au pinceau calligraphique
-
Re Chab ( ils ne sont pas tous de qualité égale, mais il y en a des intéressants)… https://www.facebook.com/media/set/?set=a.605439832799455.1073741828.100000003307397&type=3 Et- comme le permet les sculptures, l’intérêt est de tourner autour… donc qq fois il y a plusieurs versions dessins de mêmes sculptures avec des angles différents
faites en gde majorité à partir des sculptures de Matisse fin 2009–que je complète avec cet extrait de « Oreiller d’herbes » de N Sôseki:visible dans « à fleur de mots… »–Puisqu’il est difficile de vivre dans ce monde que l’on ne peut quitter, il faut le rendre un tant soit peu confortable, afin que la vie éphémère y soit vivable, ne fût-ce qu’en ce laps de temps éphémère. C’est alors que se déclare la vocation du poète, c’est alors que se révèle la mission du peintre. Tout artiste est précieux car il apaise le monde humain et enrichit le cœur des hommes.Ce qui débarrasse de tout ennui ce monde, où il est difficile de vivre et projette sous vos yeux un monde de grâce, c’est la poésie, c’est la peinture. Ou encore, c’est la musique et la sculpture. Pour être exact, il ne s’agit pas de projeter le monde. Il suffit d’y poser son regard directement, c’est là que naît la poésie et c’est là que le chant s’élève. Même si l’idée n’est pas couchée par écrit, le son du cristal résonne dans le cœur. Même si la peinture n’est pas étalée sur la toile, l’éclat des couleurs se reflète dans le regard intérieur. Il suffit de contempler le monde où l’on vit, et de contenir, avec pureté et clarté, dans l’appareil photographique de l’esprit, le monde d’ici-bas, futile et chaotique. C’est pourquoi un poète anonyme qui n’a pas écrit un seul vers, un peintre obscur qui n’a pas peint une seule toile, sont plus heureux qu’un millionnaire, qu’un prince, que toutes les célébrités du monde trivial, car les premiers savent observer la vie, peuvent s’abstraire de toute préoccupation, sont en mesure d’entrer dans le monde de la pureté, de construire l’univers unique et de balayer les contraintes de l’égoïsme.Soseki Natsume, Oreiller d’herbes, 1906 (trad. R. de Ceccatty, Rivages, 1987)
Maurice Fickelson – Pratique de la mélancolie – sur la colline
SUR LA COLLINE
Curieuses gens que ceux du village de N. : ils ont pour le soleil un attachement excessif, singulier, maniaque.
Et quelle façon de le démontrer !
S’ils habitaient l’une de ces froides et lointaines contrées du Nord que l’hiver enténèbre pour de longs mois, cela s’expliquerait, à la rigueur.
Mais ici… Je m’efforce de les comprendre, et même de m’identifier à eux en partageant leur mode de vie, en adoptant leurs manières, leur parler, leurs habitudes de table, tout ce qui peut marquer leur différence , leurs tâches qu’ils accomplissent avec une efficacité que l’on pourrait donner en exemple.
Le village de N. a eu la bonne fortune de se voir gérer par une suc-cession d’hommes remarquables, intuitifs et enthousiastes, soucieux du bien public et suffisamment avisés pour le faire entrer dans le siècle avec un peu d’avance, de sorte que la population, au lieu de décroître comme alentour, s’est maintenue, avec un niveau de vie rarement atteint ailleurs. Des experts suisses et Scandinaves viennent le visiter et s’inspirer de ses méthodes.
Ils repartent avant le soir pour aller se loger en ville.
Moi, je suis là à demeure. Je me plais dans cette ruche qu’est le village de N., où l’on a créé des ateliers d’une haute technicité, où il est aisé de trouver à la bibliothèque municipale l’ouvrage que l’on cherche, où il est toujours possible de rencontrer quelqu’un avec qui parler d’art, de littérature ou de cosmogonie.
Oui, tant que le soleil brille encore assez haut dans le ciel.
La plupart des gens de N. ont une qualification et leur emploi au village.
A les voir au travail, on ne pressent rien de ce qui va venir. Mais vers la fin de l’après-midi, ils changent : distraits, taciturnes, bientôt fébriles.
Ils suspendent le geste qu’ils vont accomplir, lèvent la tête, pareils à des animaux inquiets avant l’orage. Mais le ciel est pur. Rien n’altère la plus belle lumière du jour à son déclin. Et pourtant… Ils suivent des yeux le disque du soleil maintenant au bord de l’horizon. Alors, comme à un leurs comptes, et, par petits groupes, ils s’assemblent, avec l’air décontenancé de ceux qui ne savent quelle résolution prendre dans leur détresse.
Ils restent encore un moment immobiles, le visage rougi par les feux du couchant, puis, subitement, se mettent en marche. Ils marchent de plus en plus vite, ils grimpent en courant la colline, anxieux d’en atteindre le sommet avant que le soleil sombre définitivement.
Ils arrivent en haut juste à temps pour le voir disparaître, et lorsqu’il n’est plus qu’une mince trace de lumière plus vive dans le rougeoiement du ciel, ils sautent, ils sautent, pour un dernier regard, une dernière vision.
Comme ils sautent ! signal, ils abandonnent leurs instruments, leurs machines.
Après « soir de mai », c’est le deuxième extrait de ce livre, paru chez Gallimard, dont on peut trouver une analyse ici.
–
Cathy Garcia – Luciole

photo Paige de Ponte, extraite de Gaia
–
Tu es
beau
de cette beauté brute
encore un peu gauche
bougonne
farouche
tes pommettes tes yeux
me parlent d’un ailleurs
que j’ai déjà connu
comment pourquoi
résister
tendre esquisse de vol
les gestes en équilibre
étonnés d’eux-mêmes
comment pourquoi
oublier
cette lumière
au dedans
au-dehors
le vent qui berce
sur nos têtes
les arbres en partance
imaginaire
le parfum du bois
le grognement de la chienne
et la nuit soûle
d’étoiles
qui se roule à terre
comment pourquoi
s’arracher des lèvres
ce goût d’effraction ?
tu es
vois-tu
de ceux qui me voient
comme je me rêve
l’illusion
est si belle
vaut bien la blessure
que tu ne manqueras pas
de me faire
–
Prisonnier de la petite condition ( RC )
Prisonnier de la petite condition,
De ma fatigue, l’essence de la vie
Je rayonne moins qu’un cheval au galop,
Et moins encore qu’un train,
Un assemblage de mécaniques,
qui ne pose aucune question,
Ainsi se délimite
Le contour des choses,
Le rayon d’action,
Ce qui est à portée de mains,
Ou de geste.
Je me rappelle, comment la base des arbustes
Est taillée régulièrement
Dès lors que les chèvres s’en chargent
Pas plus loin que ce que permet
L’extension maximale de leur corps,
Et de même
Ayant rassemblé mes esprits
Mes idées éparpillées,
Utilisant le jour,
Comme le permettent mes forces,
Je délimite un espace
En empiétant sur la nuit,
Qui fuit de temps à autres,
Mais si peu,
La cellule mobile
Que je tapisse
De couleurs
Et de songes
Matériellement , peu définie,
Mais qui reste
Comme un costume
A ma mesure.
–
RC- 23 mars 2013
–
Apparition – les regards d’Edouard Manet (RC)
peinture: Edouard Manet -détail – le bar des Folies Bergère
Apparition –
–
C’est un chemin, qui progresse avec le temps
Sans savoir ce que réserve, la brise du geste
Le tracé, dont on perd la maîtrise, peut être funeste
Du doute qui s’installe, et attend
Ton apparition mystérieuse au-delà de la voile
Amenée par un souffle, une intuition
Avec, pour couleurs, l’écho de la passion
Qui se livre passage, au cœur de la toile
On dirait même qu’elle progresse
Dans le feutre, et la densité de la nuit
Souveraine aux noirs de son puits,
Les couleurs concentrées, qu’on délaisse
Et c’est du jour , que je vais cueillir
La matière même du mystère
Aux sensations d’ocres et de terre
Carnations et éclats, à rejaillir
Et, pour l’éclat, celui de ton regard
Qui me guette et qui vient
Recueillir , et capter le mien
En deçà de la peinture, et de l’art
RC 22-mai 2012
.
( avec en tête la façon dont E Manet rend le regard de ses modèles)
Pendant que je m’enlise ( RC)
Pendant que je m’enlise, les autres s’éloignent doucement.
Si discret est le bruit de leurs pas qu’on les oublie autant qu’ils m’oublient au sable, aux vents.
Mes cris n’atteignent jamais ceux qu’ils voudraient joindre. et se croient plus errants et se figurent sans un geste.
Je serai bientôt aboli, inconnu, immobile, dans ma solitude humide et, bientôt enseveli, très doucement… les algues déposées effaceront le soupçon de ma présence..
Présence éphémère, et bientôt le sable lisse…
et plus de bruit.
—
— variation « aimable »,
à partir de la « durée » ( un des poèmes de « la citerne » de Louis Scutenaire ) – auteur surréaliste belge
Eugene Durif – L’étreinte, le temps 07
- photographie: Bernard Descamps
Le drap dans la terre
achève de pourrir,
la fenêtre pour rien
enserre l’ horizon muet,
sans geste, des chemins creux
où nous allions jusqu’ aux berges
et caresses de loin en silence
comme temps suspendu dans l’ oubli du temps.
-Le blanc des yeux, celui du drap froissé sous la terre.
—
NB: « suspendre le temps » est aussi le titre d’un texte de JoBougon, que je cite dans re-ecrit: voir http://re-ecrit.blogspot.com/2011/06/suspendre-le-temps-poeme-jobougon.html
Eugène Durif – L’étreinte, le temps 04

sculpture: "work in progress"... "Icône", rencontre de sculpture "Static-mobile". St Hippolyte du Fort - Gard
Longue attente en chaque parole, déjà en retrait.
Et toujours revenaient
ces gestes tus, frapper contre une porte
de toutes ses mains,
en sachant bien que plus jamais, non.
Jean-Jacques Dorio et son hommage à Mirò – 2 – LE CREPUSCULE AUX DOIGTS DE ROSE
Miro, Constellation 21
Le crépuscule rose caresse les femmes et les oiseaux
LE CREPUSCULE AUX DOIGTS DE ROSE
LE CRÉPUSCULE ROSE CARESSE LES FEMMES ET LES OISEAUX
Les oiseaux sont des flammes qui raniment le printemps
Le printemps en hiver sous l’amandier sans fleurs
Cent fleurs et mille épines qui déchirent nos vies
Nos vies à l’eau de rose à l’eau de purin à l’eau de vie
L’eau de vie où la part des anges n’est pas faite pour les chiens
Les chiens qui lèchent nos arpèges et nos mains que caressent le concert des Constellations
quand le crépuscule est rose
et caresse d’un geste auroral
les femmes et les oiseaux
Arthémisia: – Le Temps de Dieu
Voici le temps de pose,
L’éternel matin,
Où même l’eau ne bouge,
Et où le ciel encore embrumé de sommeil
Se décide lentement à ouvrir les yeux.
Les barques indolentes attendent l’éclaireur.
Le geste ne vient pas.
Seul le soleil grille.
Aujourd’hui Dieu aurait-il
Donné du temps aux hommes,
Un temps vaguement rose
Clair, et rose
Comme l’aile de l’insecte
Qui si délicatement se pose
Sur la surface inerte ?
Ou peut-être est ce simplement le temps
D’un dernier baiser ?
Nul ne sait…
Copyright © Arthémisia – Juillet 2008
Avec : Styx – Copyright © Paco que je remercie infimement et chez qui une petite visite s’impose.
Et moi-même je remercie Arthie, pour ses superbes créations, et qu’elle m’autorise à en faire écho ici… j’aime notamment réactualiser les publications anciennes… afin qu’elles ne soient pas enfouies sous les feuilles du temps…