Vêtement de glaise – ( RC )

–
S’il faut s’extraire de bourbiers,
en soulevant des plaques de ciment,
tu préfères leur densité
cernant les plaques de fonte,
en tenant ta joie
du bout des doigts.
Le ciel est si pesant,
et les pierres obtuses,
qu’un orage probable te colle au regard,
pendant que tu glisses
sur ton reflet.
Changeant, il se disperse aux premières gouttes,
plus loin la terre soupire,
de joie aussi, et c’est cette saveur amère
qui promet de nouvelles floraisons.
C’est là ton berceau,
cet habit spongieux
qui te ramène à tes origines,
lorsque tes yeux n’étaient pas ouverts.
Ton corps sans froidure
portait ce vêtement de glaise,
et tu engloutissais les nuits,
Maintenant que tu marches,
tu connais le poids exagéré du temps.
Tu récoltes sur le chemin
de petits cailloux,
avant que le vent recouvre de sable ton ombre,
et que du bourbier,
scintillent des éclats de strass et de mica,
A qui l’on prête son âme … – ( RC )
Il a prêté son âme à son corps,
et d’une masse inerte,
a favorisé son essor..
De la fraîcheur de la courbe des jambes
à celle de la poitrine,
il n’y a qu’un cercle qui les rejoint,
presque clos.
Il a enfoncé ses doigts
dans la lumière,
et la tension des muscles,
dociles comme le sont
ses épaules et sa cambrure.
Il appuie sur la bouche,
et la modèle avec une spatule,
et la voila qui sourit
de son visage de glaise !
Il faudra bien la lester
d’un lourd socle aux pieds,
pour qu’elle reste à sa place.
Elle ne s’en plaindra pas .
Répandre des étoiles – ( RC )
L’origine des temps
se perd dans le lointain,
et la nuit clignote
de myriades d’étoiles,
qui nourrissent les rêves.
Tu as arpenté les terres nues,
les chemins creux,
en recueillant dans tes bras,
comme tu le souhaitais,
les moissons du ciel.
As tu réussi à capter
l’un d’entre ces astres
lors de tes dérives buissonnières,
qui t’emportent
loin de la lourde glaise des jours ?
La bonne étoile te suit alors,
et la bonne fortune
te précède dans le parcours des dunes
même dans la nuit la plus noire
juste quand tu t’endors…
Tu confies tes espoirs
en traçant un bout de route
dans les figures de zodiaques,
qui se reflètent ( on s’en doute )
dans des flaques.
Mais le lendemain
fait pâlir les rêves,
comme si des branches,
se retirait la sève
au petit matin…
Crois-tu que c’est lui qui les a tués
et que les étoiles s’enterrent,
de façon que la journée,
ne puisse les toucher,
ni personne les atteindre ?
En fait ils ne vivent que la nuit,
lorsque disparaît le soleil
et il n’y a rien qui les remplace
jusqu’à ce que le sommeil
arrive pour les repeindre
mais l’étoile que tu as choisie
va te guider sur ton destin
même si on ne la voit pas,
tu répands des fleurs avec tes mains
et la glace fond sous tes doigts.
Sculpteur de poème – ( RC )
sculpture Jaume Plensa Yorkshire park
–
Tu t’imagines sculpteur
en travaillant le volume d’un poème….
Tu as à ta disposition,
comme celui du métier,
une matière malléable
qui serait comme la terre glaise
avec laquelle tu modèles tes idées.
Elles peuvent prendre toute forme
et le dire , en être rugueux
ou volontairement lisse,
selon le choix des verbes.
Tu travailles rapidement,
rajoutes, enlèves, soudes,
crées les espaces nécessaires,
associes les nuances,
se froissant même,
au parcours des sons.
Tourne donc autour de ta sculpture :
tu l’envisages sous un autre angle,
évidant les mots,
multipliant les arabesques.
Regarde l’ombre portée des phrases.
Creuse encore, où les sonorités s’affrontent ;
Imagine d’autres couleurs,
portées par d’autres voix.
Comment respire l’ensemble,
s’il se dilate avec le souffle,
s’il a la fluidité d’un marbre poli.
Il se nourrit de lumières et d’ombres
au foisonnement des images :
métaphores cristallisant l’imagination
avec la magie des vers:
le poème vibrant de son propre espace.
–
RC – mai 2017
Esther Tellermann – Avant
peinture: Alvar Sunol
Avant
nos paupières cerclées
nos narines
peintes
Etions-nous flétris
ou reposés
Brûlions-nous les signes
nos façons de tendre
bracelets jambes
taches de l’infini
*
Nous mourrons
avec la glaise du corps
lu
Dans la fane
et la précision du nom .
Esther Tellermann – Avant

dessin-peinture: Cy Twombly – sans titre 1972
Avant
nos paupières cerclées
nos narines
peintes
Etions-nous flétris
ou reposés
Brûlions-nous les signes
nos façons de tendre
bracelets jambes
taches de l’infini
Nous mourrons
avec la glaise du corps
lu
Dans la fane
et la précision du nom
Un jour encore à défaire
nos fièvres
un jour encore
pour la profondeur
des aisselles
tout le dit
les enfants retenus
les pelletées
Ne se sont pas faites
nos tiges
quand nous aurions su
Serait-ce
un jardin
Serait-ce
et j’entre
Nos dents sont fatiguées
notre dos enfle
Nulle part
ne viendrez
Nul
autre
——-
Nous aurons été lavés
par nos orages
Le ciel avait
3 couleurs
M’aviez-vous offert
avant le silence
l’aube
*
Avant
nos paupières cerclées
nos narines
peintes
Etions-nous flétris
ou reposés
Brûlions-nous les signes
nos façons de tendre
bracelets jambes
taches de l’infini
*
La silhouette d’un aujourd’hui qui n’est plus ( RC )
doc image: Paulina Otylie Surys – La Jeune Fille et La Mort – SIMONE magazine,
–
Dans l’ombre muette des arbres,
La silhouette d’un aujourd’hui qui n’est plus,
–
A la robe de soie rouge qui l’entoure
Cendrillon troque ses souliers , las
Contre des escarpins de cristal,
–
Pensant voler quelques éclats de lumière
Au prestige d’un soir,
–
Qu’on ne peut pas retenir,
> Pas plus que les rêves,
Dissous par le matin.
–
Les escarpins pris par les racines,
Aussi , soustraits par le chemin
–
Et la glaise fade, molle, sous le soir,
Dialogue avec un peuple d’épines,
Se parant , de lambeaux de soie,
–
Dont ne parle plus le rouge,
> Maintenant avalé par la nuit.
–
RC – 18 mai 2013
Il est des paroles précieuses ( RC )

installation: Michael Heizer
–
Il est des paroles précieuses,
De celles qui dessinent un contour inoubliable
A travers l’air, à travers l’espace d’une page.
Il est des voix, qui traversent les époques,
Marquent la peau des mots
De la couleur des choses précieuses,
Et qu’il serait inutile de taire, d’enfermer dans une boîte,
Et de soustraire au monde,
Comme celui qui enfouit son or, sous la terre.
Celle-ci a beau garder ses secrets,
Sous l’épaisseur nourricière, parcourue de racines,
On y trouve quelquefois des bijoux, et quelques pièces,
Mais surtout des cadavres, qu’il est plus décent
De cacher aux yeux des vivants,
Et de cacher aussi les crimes, des mêmes vivants,
En attendant l’oubli, – à défaut de pardon
Et le retour à la terre…
Sous elle, – beaucoup de silence,
De la glaise collante et des pierres lourdes,,
Mais , des pensées et des voix, point ;
– Elles ont besoin des vivants
Pour continuer leur course,
De bouche en oreilles, d’écriture en lecture,
– De pensées en pensées, comme ricochant
Sans s’arrêter sur un fleuve devenu très large,
Que chacun alimente, à sa façon.
Il est des paroles précieuses,
Marquées de la peau des mots,
Qui coulent de source
Et leur couleur importe aussi , peu,
Sans jamais les enfouir
Dans son corps
Ou au creux de la terre.
— > Il suffit de les écouter.
–
RC – 22 avril 2013
–
écrit en relation avec un texte précédent:
–
Au silence des vases ( RC )
aquarelle : Giorgio Morandi
Silence des vases :
une suite de silhouettes
Se découpent sur les strates
Des ombres enlacées.
Tiendrait encore dans la main,
La matité d’une terre-cuite
Portant encore la trace du doigt
Modelant la glaise des anses.
Accord de trompette avec un basson,
Rayon de soleil sur le manteau hivernal
Se pose le reflet du verre
Sur l’assemblée des pots
Alignés sur la table
Silhouettes confondues
Bravant le fond étalé de beige
Un éclat bleu de Morandi.
RC – mars 2013

Nature morte (Giorgio Morandi 1962)
et un petit hommage à Arthemisia…., – ainsi que – ainsi que ( encore )
–
Leon Felipe – nous sommes en pleurs

peinture: Fr de Goya – The Last Communion of St Joseph Calasanctius
NOUS SOMMES EN PLEURS
Evêques ambulants
remettez votre camelote à sa place :
les idoles à la poussière
et l’espérance à la mer.
Je sais.
Je sais que vous avez peint
un siège dans les nues
et une flamme de souffre
au fond du puits.
Mais je ne suis pas venu
quémander une place dans la gloire
ni mettre la peur
à genoux.
Je suis de nouveau ici
pour faire valoir par mon sang
la tragédie du monde,
la douleur de la terre,
pour crier avec ma chair :
Cette douleur aussi est mienne.
Et puis pour ajouter :
Au commencement étaient les pleurs…
et nous sommes dans les pleurs.
-Au commencement était le Verbe.
-Le Verbe est la pioche
qui se plante dans l’ombre,
la pioche
qui perfore l’ombre,
le levier
qui fait tomber les portes,
l’outil…
qu’attendait la glaise,
qu’attendent encore les pleurs
et que l’ombre attend toujours.
Le Verbe vint et dit : Voici la glaise ;
que la glaise se fasse pleurs
(non pas que se fasse la lumière).
Et la glaise se fit pleurs.
Au commencement était la glaise…
La glaise faite pleurs !
la conscience des pleurs !
la douleur de la Terre !
-A qui parles-tu ainsi ?
-A celui qui jeta le premier œuf
dans la glaise visqueuse de la mare,
à celui qui féconda la première mare du monde,
à celui qui fit pleurs la glaise.
-Et qui es-tu, toi ?
-La glaise de la mare,
la glaise faite pleurs,
terre de larmes…
comme toi.
Personne n’est allé plus loin.
Au commencement étaient les pleurs
et nous sommes en pleurs.
Car le Verbe n’a pas encore dit :
Que les pleurs se fassent lumière.
-Il le dira ?
-Il le dira, sinon,
à quoi sert la mer ?
(Nos pleurs sont les fleuves
qui vont se jeter à la mer…)
Ou la vie peut-elle éternellement
être une lamentation enfermée dans une grotte ?
Dieu est la mer,
Dieu est le sanglot des hommes.
Et le Verbe se fit pleurs
pour mettre la vie debout.
Le Verbe est dans la chair
douloureuse du monde…
Regardez-le, là, dans mes yeux !
Mes yeux sont les sources
des pleurs et de la lumière !
Et nous sommes en pleurs…
Nous continuons l’ère des ombres.
Qui est allé au-delà ?
Qui a ouvert une autre porte ?
Toute la lumière de la terre
l’homme la verra un jour
par la fenêtre d’une larme…
Mais le Verbe n’a pas encore dit :
Que les pleurs se fassent lumière !
Mexico, 1939
–
Alberto G – ( RC )
–
Les figures debout
Attachées au socle
Ne se croisent pas
Bronzes filiformes
Hommes de l’absence
Le regard creusé
Les pieds soudés
A la terre glaise
Découpent dans l’espace
Et, de métal, la pâte verte
Leurs gestes immobiles
Parcours des doigts agiles,
de Giacometti
–
RC – 22 décembre 2012 et 8 janvier 2013
–
Au dédale de l’obscur – ( RC )

dessin préhistorique: grotte de Niaux ( Ariège)
Au dédale de l’obscur
C’est d’un lieu retiré,
La falaise vertigineuse
Marqué d’incidents géologiques
D’indices des géants
Ayant perdu leurs sabots
Lors des sauts de sept lieues,
Les vases de pierre
Sortant des ombrages
J’ai inventé, dans l’obscurité les signes
Au creux d’un dédale d’aventure
S’ouvrant au pied des arbres
Une coquille, qu’habitaient les ours
Maintenant vide – ou bien, qui sait ?
Magnifié d’orgues stalactites
Qui se créent en secret
Au coeur même de la roche.
Le long des parois
Que nulle lumière n’atteint
Il faudrait , à tâtons
Ressentir de la pierre, le grain,
La pâte glissante de glaise
Jusqu’aux mains négatives,
Les tracés charbonneux des rennes
Et des boeufs couleurs d’ocre
Qui ruent toujours, immobiles
Et les verticales des failles
S’élargissant peut-être en couloirs
Où se perdait un torrent.
En chutes bruyantes qui cascadent
Ou gouttes-à-gouttes lentes,
Si lentes qu’elles silencent
Dépôts des siècles, en patience,
Loin d’un dehors,dont on oublie le nom.
peinture: main préhistorique – négative, grotte Cosquer – Bouches du Rhône
RC – 10 août 2012
–
Claudio Pozzani – Cherche en toi la voix que tu n’entends pas
Cherche en toi la voix que tu n’entends pas
(invocation pour voix, cage thoracique et solitude)
Cherche en toi la voix que tu n’entends pas mange l’univers si tu ne la comprends pas Maisons basses au toit en pente pleurant la pluie venant des sous-toits désormais pourris Parfum de terre, de feuilles, d’étangs et paysages sinistres de marbre candide Cherche en toi la voix que tu n’entends pas mange l’univers si tu ne la comprends pas Vers qui gisent sous le fond boueux rats qui nagent dans des ruisseaux d’acier Embruns de brouillard, voitures véloces qui broutent de rapides tagliatelle d’asphalte Cherche en toi la voix que tu n’entends pas mange l’univers si tu ne la comprends pas Des ombres de glaise se trainent les pieds en secouant leur tête conique basse D’obliques fantômes imprimés sur le mur rappellent fuites et chevaux de frise La noirceur commence à refléter ton esprit tandis que tout devient effervescent et vert…
Claudio Pozzani
Cerca in te la voce che non senti
(invocazione per voce, cassa toracica e solitudine)
Cerca in te la voce che non senti mangia l'universo se non la comprendi Basse case dai tetti spioventi lacrimanti pioggia da gronde ormai marce Profumo di terra, di foglie, di stagni e sinistri paesaggi di candido marmo Cerca in te la voce che non senti mangia l'universo se non la comprendi Vermi che giacciono sotto il fondo fangoso topi che nuotano in ruscelli d'acciaio Fumo di nebbia, auto veloci che brucano leste tagliatelle d'asfalto Cerca in te la voce che non senti mangia l'universo se non la comprendi Ombra di creta camminano stanche scuotendo bassa la conica testa Obliqui fantasmi stampati sul muro ricordano fughe e cavalli di frisia Il buio comincia a specchiarti la mente mentre tutto diventa effervescente e verde...
© Claudio Pozzani
Extrait de: Saudade e Spleen
Alchimies Poétiques, Éditions Lanore, Paris 2001
–
Matités et brillances ( Rodin) – (RC)
Le regard parcourt matités et brillances
Qui se lovent dans les empreintes des mains
Elles ont saisi le bloc, trituré la glaise
Torsadé les corps, modèles –

Rodin: Cathedrale
En tensions musculaires, en force figée de bronze
Des pesanteurs de bures de métal
S’assourdit en creux, dérapages de lisses
La lumière joue des creux et des têtes
Mais n’arrête pas l’homme qui pense
L’homme qui marche et – dense
Car dense , le corps dressé d’un bloc
Un homme, un bloc, Balzac
Bronze, sentinelle de l’esprit
Indifférent à l’oxydation verte
Au jardin du parc, présence
Intemporelle, comme celle des mains
Les mains-cathédrale, la sculpture du vide
La césure laissée au marbre
Pour qu’en creux, la pensée respire, et soit…
Celle de Rodin, – et nous accompagne.
–
RC 25 avril 2012
–
The eyes runs through shine and matte effects
Which are coiled in the handprints
They seized the block, triturated clay
Twisted bodies, models –
In muscle tension, static strength of the bronze
Weight of the metal burdens
Is deafening hollow, smooth skids
Light plays between heads and hollows
But the thinking man does’nt stop
The man who walks , and – dense
Dense,because, upright body as a block
A man, a block, Balzac
Bronze sentinel of mind
Indifferent to the green oxidation
In the garden of the park, timeless presence
like the hands
Hands-cathedral, sculpture of the emptiness
The break left in the marble
For that , hollows, thought breathes, and will be…
That of Rodin – who accompanies us.