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Ne me dis pas que la terre est infertile – ( RC )


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Ne me dis pas que la terre est infertile.
On n’en connaît que la surface,
pas la profondeur.
Il y a des graines qui attendent,
à côté des pierres.

Il y a des galeries souterraines
où l’eau s’engouffre.
Des ossements et des secrets bien enfouis.
Des racines les prolongent
et s’en nourrissent .

Ne me dis pas que la terre est infertile,
les fleurs en sont nées
comme les forêts.
Même blessée elle porte le monde.

N’oublie pas que tu marches dessus.


J’ai passé Noël au balcon – (RC – SD)


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C’était comme une mer  démontée,

et j’étais accroché au mât,

                             vigie inutile,

puisque  avec le brouillard,

on n’y voyait pas à dix pas .

 

Il y avait de ces oiseaux marins,

gris tachetés, qui me frôlaient

quand je leur lançais des graines,

        – la plupart, avec un vent violent

       me revenaient en pleine  figure –

 

je devais me cramponner 

à la rambarde, pour ne pas tomber .

          Les lampions des fêtes  : 

                 des étoiles falotes et lasses

                 agitées de soubresauts

 

                 certaines accrochées

                 dans les haubans 

– on se demande bien comment –

semées, elles aussi ,       des graines clignotantes 

                                             échappées de mes doigts .

 
J’avais pour compagnie
( à part le cri des oiseaux )
le choc sourd des  vagues sur le môle.
 
                           J’ai passé Noël au balcon,
et tu n’y étais pas.

  

janv  2019
Passé Noël au balcon
pendant que tu n’y étais pas
posé un sapin sur le toit
pour y accueillir les oiseaux
et pour nourrir les moineaux
jeté des graines à tout va
jeté des graines à tous vents
jusqu’à la mer et ses bateaux
la plage était vierge de pas
et mes empreintes prenaient l’eau
SD  22-12.

C’est pour celà que tu l’as reconnue – ( RC )


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Que se passe-t-il, une fois retraversé le temps ?
Ou plutôt que le temps nous ait retraversé.
Tu as enfoui dans ta mémoire un évènement
vécu dans ta jeunesse… oh, rien de spectaculaire :
une impression, un bruit, une odeur , une image.

Et tout cela s’est transformé en une petite boule invisible,
une graine, comme il doit y en avoir tant d’autres.
Puis un jour tu es revenu au même endroit,
et ces impressions, ces odeurs, identiques
sont venues te traverser, comme si tu étais passé
de l’autre côté d’une surface, qui serait venue
s’interposer, entre ce que tu étais
et ce que tu es aujourd’hui.

Tu saisis une limite mystérieuse,
qui n’a pas de consistance,
encore moins que celle du tain d’une glace
où tu sembles regarder un autre toi-même
avec lequel tu serais prêt à dialoguer.

Bien entendu, d’autres morceaux d’existence ,
d’autres graines seraient prêtes à éclore,
si les circonstances s’y prêtent…
en fait il suffirait de plonger au plus profond de soi,
que l’espace qui nous en sépare se dissolve .

Çà peut arriver. C’est une sorte de réminiscence,
qui franchit des limites mystérieuses.
Mais plus encore, quand ces impressions,
une fois exprimées, sont aussi partagées par d’autres .
comme si elles n’avaient plus d’hier ni demeure ,
comme si on passait en-dehors de notre enveloppe,
à travers soi, pour rejoindre l’autre personne :
elle a peut-être vécu sur un rythme aux phases identiques

quelque part, elle s’est égarée dans les mêmes labyrinthes.
C’est pour celà que tu l’as reconnue.


RC – avr 2017

 


Le miroir des pages – ( RC )


 

 

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Je me suis regardé, à travers l’écho
de lignes écrites,      et d’autres mots :
cela fait bien longtemps.
C’était comme remonter les heures,
et se voir autrement,
comme dans un miroir déformant,
mais qui garde les saveurs,
de la terre humide,         et des vents .

Quelques uns m’étaient sortis de l’esprit.
Quand je les ai relus,
J’en ai été ému,
En étant un peu surpris,
comme si j’avais ouvert
une boîte,       ensevelie sous la poussière,
où la mémoire patiente,
qu’il pleuve ou qu’il vente .

Mais cette mémoire m’a échappé,
elle rassemble des lignes,
pattes de mouches et signes,
restés couchés sur le papier.
Ce coffret ouvert,       par distraction,
offerte à mes regards indiscrets,
cachait donc des secrets.
Je les ai ouverts,    comme par effraction.

Les phrases se sont envolées ,
comme de la boîte de Pandore :
elles voulaient me dire quelque chose : je l’ignore,
mais sont restées sagement alignées.

Il est donc étrange , de parler à soi-même :
ainsi l’on se penche
avec des décennies de distance,
à relire des poèmes,
à retrouver des émois
des émotions et des pleurs,
et presque les odeurs
des sous-bois .

A propos, c’est comme la blessure,
qu’en son tronc,       l’arbre supporte.
Même si ce sont des amours mortes,
le dessin du cœur perdure,
et est toujours en devenir :
quoi de plus banal,
de retrouver les initiales
mais qui ne cessent de grandir.

Ces empreintes volontaires,
ce sont des essais
qui ne partent jamais,
et ne peuvent se taire.
Il y a quelque chose de moi
Je ne saurai dire exactement quoi,
malgré le temps qui passe,
qui revient à la surface.

C’est le miroir des pages
d’où l’on se regarde
si on s’y hasarde …
          on y voit son visage
Ou bien ce sont les écritures
qui nous guettent malgré l’oubli
Si on les relit,
         on reconnaît notre figure .

Pourtant je racontais des histoires,
peut-être par défi,
qui n’étaient nullement autobiographie :
alors il faut croire,
que, même caché        dans le noir,
au plus profond des secrets,
on dessine toujours son auto-portrait.
Cela remplace la mémoire qui s’égare.

L’espace s’est élargi
Je n’en connais plus bien        les limites,
Cette écriture manuscrite,
est sortie de sa léthargie :
Au fil je vais me suspendre
à l’intérieur de moi et dérouler
les années accumulées,
et ainsi apprendre

à lire d’une autre façon :
        Construire une stratégie
faire de l’archéologie
        Explorer la maison,
retrouver d’anciennes graines,
qui n’ont pas éclos
      Arroser l’arbrisseau ,
—- en faire tout un poème…

 
RC – juin 2016


Des temps et des vents – ( RC )


  •          photo: le vase de Sèvres –  gorges de la Jonte, Lozère

Il faut écouter la poussée du vent,
Bien sûr,      parcourir sa transparence,
Les secousses,   qui bousculent,
Les sommets des arbres,
Et parfois les couchent.

Comme la voile qui se tend,
Offerte     en sa béance,
Ce cap,      cette péninsule,
Sous les rafales, se cabre ,
Tendue à l’extrême , farouche.

Puis, soudain,           se déchire,
Sur toute la longueur,
Désormais livrée à elle-même,
Lambeaux agités
dans la tourmente.

Sans s’infléchir ,
>    Si c’est un vent libérateur,
Les graines se sèment,
Dispersées en quantité,
Comme une pluie bienfaisante.

Elle transmettent leurs gênes,
Aux mains ouvertes de la terre,
Toujours prêtes à les accueillir,
Alors que les pierres chantent,
De leur corps minéral.

Une réponse au chant des sirènes,
Gardiennes de la mer,
De la brise aimable et ses soupirs ,
Ainsi les rochers sur les pentes,
Leur présence immémoriale …

Mais il arrive que par l’usure des temps,
Ce qu’on croyait éternel,
Selon notre mémoire,
Même la plus ancienne,
Un pan de montagne bascule…

Et si c’est        la puissance du vent,
Celle de l’eau     et du sel,
A conjuguer leurs pouvoirs,
>      L’histoire devient incertaine
Equilibre précaire du funambule…


RC – mai 2015


Un tremblement de terre très doux – ( RC )


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On dirait un tremblement de terre très doux
qui s’accomplit au trentième dessous,
donc tu vois bien que rien ne bouge,
( même le bocal aux poissons rouges) .

Il n’y a que les mots qui se secouent
Ils s’éloignent et se rapprochent tout-à-coup
Tranquilles en apparence
Quand tu fermes les yeux, ils dansent

La nuit est arrivée – sans doute trop brève
Mettant fin au jour qui s’achève
( Tu ne t’en rappelles plus qu’une frange
Mais déjà tout se mélange ! ).

Il n’y a pas besoin de marteau piqueur,
pour que se multiplient les erreurs :
les mots rient sous cape,
les paragraphes dérapent,

Les rimes en font à leur guise,
la mosaïque se défrise ,
Tout cela ne veut plus rien dire :
( En tout cas tu n’as pas voulu l’écrire )

C’est parait-il l’inconscient qui s’exprime
Libéré de l’esprit qui l’opprime
Les mots se libèrent et s’enfuient
A la faveur de la nuit

Peut-être, après une journée torride,
Vas-tu trouver la page vide :
Tous les caractères
Auront pris la file de l’air

Voila ce que c’est de rêver…
Evanouis ….   évaporés
Ou tournant en rond,
collés au plafond :

On les voit encore qui trépignent,
juste extraits de leurs lignes,
partis avant la récolte,
petites graines en révolte,

Il va falloir les aimer,
pour de nouveau les amener,
à correspondre à ce que tu penses,
et respecter leur indépendance…

RC   – juin  2016

 

 

( l’expression   » un tremblement  de terre  très doux« ,  vient  d’une  musique  électro-acoustique du compositeur  François  Bayle )


Quelques indices de notre cécité – ( RC )


C’est  être  debout sur le sol,
Regarder l’herbe ployer sous le vent,
Ecouter le bruit froissé
Des feuilles du marronnier,
Fatiguées de l’été,
Et dont la rouille
Sous les pas, roule….

Ainsi, le cours des choses,
Lié aux saisons …
Mais s’arrêtent-elles,
Là où se porte  le regard  ?
Le chant de la sève est silencieux,
Qu’elle  se recroqueville dans le froid,
Ou au printemps, éclate de joie…

Sous le sol tout existe autrement.
Les rongeurs creusent leur univers,
Les graines  attendent le bon moment
Pour bondir à l’air libre,
Et des racines traîtresses
Etendent leur complot de trame,
Comme si elles avaient le pouvoir
D’étendre leurs yeux  ,
Au plus obscur de l’espace,

Perçant la densité de terre,
Jusque  sous nos pieds,
– Et nous n’en savons rien  – ,
Comme si une  vie souterraine,
Se poursuivait à l’abri de l’air,
Une lutte infinitésimale,
Conjugaison de bactéries,
Radicelles, et alchimie de bois :
Quelques indices de notre cécité.

RC  août 2015


Jacques Dupin – Grand vent



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Nous n’appartenons qu’au sentier de montagne
Qui serpente au soleil entre la sauge et le lichen
Et s’élance à la nuit, chemin de crête,
À la rencontre des constellations.
Nous avons rapproché des sommets
La limite des terres arables.
Les graines éclatent dans nos poings.
Les flammes rentrent dans nos os.
Que le fumier monte à dos d’hommes jusqu’à nous !
Que la vigne et le seigle répliquent
À la vieillesse du volcan !
Les fruits de l’orgueil, les fruits du basalte
Mûriront sous les coups
Qui nous rendent visibles.
La chair endurera ce que l’œil a souffert,
Ce que les loups n’ont pas rêvé
Avant de descendre à la mer.

 

du recueil  » le corps  clairvoyant  » –


Esther Tellermann – Sûrement, je vous tiendrai serré


peinture:  Ilka  Gedo

peinture:        Ilka Gedo

 

 

 

 

« Sûrement je vous tiendrai
serré
presque à ma nuit
me sera accordée
une promesse
vous serez
dans toute chose
graines et cris
au fond de vous
restent le vert
charpente et forge
enfance bandée
jusqu’à l’écorchure. »

 

 

Esther Tellermann,             Un nom d’homme, in Terre exacte,                    Flammarion,
(terres de femmes)


Le goût des cendres a toujours la même saveur ( RC )


Affiche secondaire du film       « La route » ( d’après le roman de Cormac McCarthy)

S’il y a des tempêtes,

Des cataclysmes, secouent la planète,

Des failles soudaines s’ouvrent sous les villes,

La journée de la colère – ( il y a bien la fête des pères ) –

Où tout bascule

Un monde qui s’anéantit

 

Des îles rayées de la carte,

Les rues de Pompeï sous la cendre,

L’Atlantide s’enfonce, même dans le souvenir des hommes

Les civilisations éteintes, les régions désertées…

  • par quel événement soudain – ?

Caprices météorologiques, gel brutal..

( la main du divin , sur le soleil),

celui qui appuie par erreur sur le bouton rouge,

pensant appeler son domestique…,

 

Brusque montée des eaux, et voilà Noé à l’aventure,

gardien d’une diversité biologique en péril…

Au vaste coup de torchon, le calme plat qui suit l’orage,

Restent les graines têtues qui germent quand même ,

Un jour, même lointain, et qui percent le sol mutilé,

Dévasté sous la lave , ou les poisons des chimistes,

Emportant dans leur floraison future, toutes les erreurs

D’un monde à reconstruire, penché sur les larmes d’un passé.

 

— Prodiges d’énergie et de reconstruction,

Sur les fondations anciennes, la ville neuve s’érige,

Au pays qui s’affirme, le langage   s’élabore,   les lois se multiplient…

Des propriétés qui s’étendent, et avec ,      les spéculations immobilières,

Les cupidités, qui vont avec,                et les guerres les plus cruelles.

A travers l’histoire recommencée,

Le goût des cendres a toujours la même saveur.

RC- 27 avril 2013