Louba Astoria – le la de mes étés

L’océan mouvant des épis s’est asséché
Juillet fauché
La paille des blés
A l’odeur sèche et drue
Des hérissons jaunis qu’elle a dressés dans les champs
Les soirs se laissent envoûter
Au ciel, d’étoiles pailletées
Ici-bas, d’une humidité serpentine, grimpante
Entre les vapeurs persistantes et dorées
Séduite par cet entrelacs d’odeurs
Les grésillements des grillons et les grelots des jeunes grenouilles
L’obscurité languissante
S’affaisse et enveloppe les derniers parfums de ces journées grouillantes
Repues de soleil et de poussière
Dans un voile de repos bien mérité
Alors un vent léger déroule sa tresse
Entre les feuilles déjà grillées des cerisiers
Disperse lentement les odeurs de ma jeunesse
Et caresse la nuit pour ne pas l’effrayer
Depuis je m’endors à la belle étoile
Pour goûter encore l’ivresse de ces soirs de moisson
Perdus
Le temps où les éclats du quatorze-juillet
Culminaient en ces enchantements béats
Et donnaient le la de mes étés
Laetitia Lisa – En habits d’oubli
peinture rupestre grotte de Chaturbhujnath Nala, Inde, environ 10,000 av JC
Je longe le champ de blés verts
hâtant le pas dans l’herbe haute
pour recevoir encore
un dernier baiser du soleil
avant qu’il ne se couche
en draps ocre et dorés
demain la pluie
demain le froid
pour l’heure la douceur du vent
le chant des grillons et les hirondelles en formation
avec elles je me baigne en le ciel
allongent les brasses lorsque les courants frais
effleurent mes bras nus
avec elles je reste immobile un instant
sous les caresses des courants tièdes
je plonge
dans le bleu des montagnes
jusqu’à ce que la nuit revienne parfaire l’esquisse
de ses gris colorés
je ne peux rien contre le froid et la grêle
tueurs des promesses si près d’éclore dans mon verger
je ne peux rien contre le feu du soleil
tueur des promesses si près de porter fruit dans le tien
sur le dos de quelques mots ailés revenus nous chercher
nous dansons en habits d’oubli
ourlés de nuit .
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Jean Creuze – écorces (1 )
Écorces
Lier les mots qui se fabriquent dans la forge de notre
tête.
En faire vivre certains
commettre le meurtre d’autres.
Chauffer, taper, tordre au rouge le fer.
Chuchoter enfin ce qui nous habite
pour l’ultime tentative de la parole.
Des paroles données.
Silencieusement pointe la respiration.
Pulsation qui donne la vie.
Le soufflet active le feu
le mot juste jaillit
transforme nos corps et nos âmes
comme le travail acharné du forgeron
sur l’enclume transforme le métal.
Allongé sur le sol
sous le ciel bleu azur
beauté de l’oiseau dans les airs,
herbes folles dans le vent,
souveraineté des arbres.
Danse de l’univers présent
dans les vibrations lentes du jour qui passe.
Vols d’insectes éphémères,
parfums de fleurs,
odeurs d’humus,
chants de grillons,
craquements d’écorces.
Des forces de l’intérieur s’énervent.
Chasser les ombres du visage
pour s’enluminer-
Nouvelle peau.
La vague passe, se calme, s’anéantit.
Temps suspendu,
le corps flotte.
Soleil rouge,
sensation d’inachèvement
et caresse des ombres :
sa majesté la nuit approche.
Cortège d’étoiles,
respiration douce,
j’affronte l’inconnu,
clignements de cils,
goutte d’éther.
La figue éclate a force de mûrissement au soleil de l’été.
La terre grasse s »enfonce
sous les pas .l’automne est là, avec son humeur faite de rosée
de rafales de vent, de pluie froide.
Des hommes harassés, avinés, burinés, dépités, rendus sont là au coin de la rue,
attendent, rejetés du monde, comme de vieilles eaux usées auxquelles on aurait retiré toutes forces.
Dans ma tête un grand silence.
Tombés par terre, abandonnés,
résignés, abattus, esclaves.
Quels bourreaux? Comment faire?
L’alcool comme seul compagnon.
Idées vagues, brouillées,
délire, obsession, mensonges,
mal de tête,
perte de mémoire.
Oublier son histoire,
nier sa vie,
sacrifier son être.
Que faire avant l’hiver,
avant que le froid ne vous emporte?
Compagnon misère.
Le ciel est clair aujourd’hui, un vent frais se lève et fait
Frissonner les feuilles dans les arbres.
Quelques pensées me tapent le front, et s’évanouissent aussitôt.
Pour laisser le vide.
Le trou noir.
Ce noir si plein que l’on n’attend jamais.
Et pourtant, c’est le rien que l’on redoutait tant.
Il est là, accompagné de son malaise.
On ferme les yeux pour regarder à l’intérieur.
Dans un ultime effort encore.
Le noir toujours.
ça se dissipe.
Le rouge apparaît,
puis le jaune lumière
des éclats de blanc dans le rouge,
du bleu chartreuse,
du vert émeraude. qui coule de mes yeux ?
Serait-ce de la peinture
Les feuilles se remettent à tinter dans le vent et cette
musique douce emporte mes pensées.
Frédéric Angot – Lune sang amour
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LUNE SANG AMOUR
-Cette nuit là, un râle d’Amour, tel un châle,
s’envola si haut et si bien qu’à la lune il
parvint. En ce si beau ici-bas, dans
d’érotiques ébats, s’aimaient deux êtres.
L’Idéal semblait paraître, quand, la lune d’or
esseulée, délaissée du soleil récemment,
plongea, comme pour se venger, les jeunes et
purs amants dans une ténébreuse obscurité en
s’éclipsant…
Dès lors, les caresses cessèrent, le doux vent
d’été, les arbres fruitiers, les grillons
s’enfuyèrent, les halètements et souffles
ardents firent place aux cris de terreur.
La lune, jalouse et outragée, ainsi les tint
toute la nuit dans le chaos et la noirceur
jusqu’à ce qu’apparaisse dans sa splendeur le
beau Rê lumineux de chaleur.
Seulement, pour les deux amants, le lever fut
absent.
Leurs corps, jadis pleins de vigueur s’étaient
figés dans une éternelle torpeur… la peur,
trop forte, avait soufflé la lueur de leurs coeurs.
Ainsi, je vous le conte, la lune maligne
retourna l’écho de leurs râles!
Seul demeurait de cette nuit, un léger châle
de lin, de lune doré, de mort taché.
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