Aujourd’hui, j’ai repeint les rideaux – ( RC )

Aujourd’hui j’ai repeint les rideaux,
de bleu et de vert d’eau:
les murs ont les mains ouvertes,
les fenêtres sont des tableaux de maître,
les volets se sont ouverts sur l’été,
ils ont délaissé leur gris
changés en vert anis
ennemis de l’obscurité.
C’est un nouveau paysage
envahissant la maison :
que dirais-tu d’un vert céladon
pour laisser passer les nuages ?
L’ombre accrochée aux branches,
la mer, verticale sous un petit bateau
avec sa voile blanche,
ce serait encore plus beau…
Imagine qu’il bouge,
que les portes se déplacent,
dans une lumière fugace
d’orange et de rouge,
des couleurs porteuses d’audace,
sorties de ma palette
où se déplace ta silhouette
juste avant qu’elle s’efface ..
.
Un intérieur à la Vuillard – ( RC )

peinture E Vuillard – Misa au piano 1898
Je vois encore un intérieur,
où les couleurs papillonnent,
d’ocres et de gris,
j’imagine le parfum des lilas
parmi les ors
du soir qui se fane
auprès de la fenêtre.
La musique qui l’accompagne,
comme une traverse embaumée :
c’est « la Pavane pour une infante défunte »
à laquelle je pense .
Des sourires flottent
parmi les silences,
alors que s’égrènent
les dernières mesures au clavier.
J’ai le souvenir des mains qui dansent,
s’envolent, puis se posent
après que la mélodie se soit achevée,
puis la lumière, doucement s’éteint
comme dans un tableau de Vuillard.
Son chemin s’égare
dans les motifs de la tapisserie.
Je me rappelle de la lampe à pétrole,
qu’on allume en fin de soirée,
posée sur le guéridon,
à côté du piano…
Bernard Vanel – Changefège

photo RC – causse de Changefège
_
L’hiver incline l’homme au refuge des chambres, à la braise des bûches et au secret des lampes. Des hauts de Font Fadette, je regarde arriver, à l’horizon de Changefège, une nouvelle giboulée. Et c’est toujours ainsi.
C’est d’abord un brouillard, au loin, qui se rapproche. On dirait la fumée d’un incendie qui couve. Elle finit par effacer l’échancrure inutile de la vallée du Lot. Elle avance à boucher presque tout le paysage. Puis le ciel s’époussette, au-dessus de la ville, en tourbillons mélancoliques et Mende disparaît dans l’inquiétude des éclipses. Il neige. Mais cela dure peu ; le peu de temps, pas plus, que la giboulée passe. Lorsque les toits éteints quelques instants plus tôt, se dégagent du gris, les voilà saupoudrés de poignées de farine ; et des coulées de lait ruissellent sur les flancs du vieux causse transi. Mais vite le soleil fait vadrouiller son disque derrière les nuages, le ciel vient s’essuyer au mouchoir bleu d’une éclaircie et les lointains de Changefège dessinent à nouveau la ligne d’horizon.
Et c’est toujours ainsi.
extrait du « passager de Mende » ed le Bousquet-la Barthe
Un effet d’hiver – ( RC )

photo Caroline D – tempête douce
C’est sans doute un effet d’hiver.
Les lèvres sont fermées.
Ne m’en veux pas de t’avoir jeté la pierre…
Le livre a les pages raides,
les corneilles ont laissé leur empreinte noire
sur un ciel gris au-dessus de nous.
Qu’est devenu ton sourire ?
maintiendra-t-il aussi les lèvres fermées
comme au moment de ton départ:
j’irai le découper dans le papier
pour le coller sur la photo floue
que tu trouvais laide.
Ce n’est rien qu’un détour d’écriture
qui cachera un peu ma blessure…
Un être de mer – ( RC )

photo RC – Finistère -janvier 2021
Ce n’est pas une frontière,
ni une ligne, ni une surface,
une zone interdite,
c’est un océan, une mer,
qui vient et se retire
mais jamais trop loin.
C’est comme un être qui respire,
aux baisers salins.
Un être qui t’invite
quand la marée se lasse
dans de petite flaques
autour du sable mouillé,
se dissimule derrière les rochers,
les épaves rouillées
dans l’attente du ressac.
Il n’a pas d’étendue définie,
pas de limite ,
se rétrécit au découvert de plage,
puis revient comme un cheval sauvage,
lui que l’on croyait assoupi,
étincelant au soleil de midi,
jouant de sa robe ouverte
sur la gamme bleue des gris.
Ceux qui empiètent sur son territoire
le font en pure perte :
c’est ce pays sans mémoire
qu’on ne peut pas cerner,
trop indocile
pour qu’on puisse le dompter.
Il peut dévorer les îles
les engloutir sous la brume;
à coups d’écume.
Il reprend ce qu’on lui a volé,
des châteaux éphémères
aux navires téméraires
des temps écoulés….
……tel est le pays de mer.
Dominique Le Buhan – l’histoire continue des saisons

peinture Arkhip Kuindzhi
Le gris du jour, de la nuit le clair-obscur
s’unissent en l’histoire continue des saisons :
au revers de l’action, c’est être patience
que d’éprouver des heures durant leur cours :
c’est attendre de l’objet l’ombre au soleil,
savoir qu’à ce moment la chair aura l’éclat —
c’est espérer de la flamme la crue des couleurs
liées à des textures perçues sans les toucher.
Ce feu sécrète en nous le ductile espace
par les jeux du bois sec et de la cendre —
et déjà la rose d’hiver donne le blanc,
blanc repris par fleurs qui percent la neige,
puis la tulipe à son tour est la fraîcheur,
la rose avive la brique et le bleu de l’ardoise,
enfin la pivoine de son rouge touche le vert —
et le bruit de nos mots est un murmure sonore.
–
extrait des « heures inégales » ed Fata Morgana
Francis Blanche – j’ai rêvé ma vie

photo Boris Wilensky
J‘ai rêvé ma vie
les yeux grands ouverts
me suis réveillé
quand c’était l’hiver
La neige était là
le ciel était gris
le vent était froid
je n’ai pas compris
Mes beaux soirs d’avril
que j’avais rêvés
où donc étaient ils
j’en aurais pleuré
Faites-moi plaisir
commence sans moi
laissez-moi dormir
…. j’étais fait pour ça…
L’envers et l’oubli – ( RC )

Cet endroit ne se visite pas,
on n’a aucune raison de faire le détour,
car il ne nous verra ni naître, ni mourir.
Je ne l’ai entrevu que lors d’une exposition,
de photographies ternes, annotées
en mots d’allemand, rajoutés en blanc.
On devine que s’y est joué là quelque chose,
maintenant hors de portée du regard,
où celui qui a saisi ces portions de paysage,
se couche contre son passé enfoui,
les souvenirs gris ne suffisant pas
à le garder debout.
Les récits y sont peu abondants,
ceux qui pourraient témoigner
sont partis dans la vallée des larmes,
où le silence se referme sur eux.
Les absents ont toujours tort,
et que pourraient-ils dire d’un monde
dont la vie s’est effacée ?
Luis Cernuda – remords en costume de nuit

Un homme gris marche dans la rue de brouillard ;
Personne ne le devine. C’est un corps vide ;
Vide comme pampa, comme mer, comme vent,
Déserts d’amertume sous un ciel implacable.
C’est le temps passé, et ses ailes maintenant
trouvent parmi les ombres une force pâle ;
C’est le remords, qui de nuit, hésitant,
Secrètement approche une ombre insouciante.
Ne serrez pas cette main. Plein d’orgueil le lierre
S’élèvera recouvrant les troncs de l’hiver.
Invisible dans le calme l’homme gris marche.
N’entendez-vous pas les morts ? Mais la terre est sourde.
Remordimiento en traje de noche
Un hombre gris avanza por la calle de niebla;
No lo sospecha nadie. Es un cuerpo vacio;
Vado como pampa, como mar, como viento,
Desiertos tan amargos bajo un cielo implacable.
Es el tiempo pasado, y sus alas ahora
Entre la sombra encuentran una pdlida fuerza;
Es el remordimiento, que de noche, dudando,
En secreto aproxima su sombra descuidada.
No estrechéis esa mano. La yedra altivamente
Ascender a cubriendo los troncos del invierno.
Invisible en la calma el hombre gris camina.
i No sentis a los muertos? Mas la tierra esta sorda.
Jorge Carrera Andrade – poussière , cadavre du temps
(Polvo, cadàver del tiempo)

Tu es esprit de la terre : poussière impalpable.
Omniprésente, impondérable, tu chevauches le vent,
tu franchis des milles marins, de terrestres distances
avec ta charge de visages effacés et de larves.
Oh des appartements visiteuse subtile !
Les armoires closes te connaissent.
Dépouille innombrable ou cadavre du temps
ta ruine s’écroule comme un chien.
Avare universelle, en des trous et des caves
sans répit tu entasses ton or léger et vain,
folle collectionneuse de vestiges et de formes,
tu prends des feuilles l’empreinte digitale.
Sur les meubles, les coins, les portes condamnées,
les pianos, les chapeaux vides et la vaisselle,
ton ombre ou vague mortelle
étend son morne drapeau de victoire.
Tu campes en maître sur la terre
avec les pâles légions de ton empire dispersé.
Oh rongeur, tes dents infimes dévorent la couleur,
la présence des choses.
La lumière elle-même se vêt de silence
en ton fourreau gris, tailleuse des miroirs,
Ultime héritière des choses défuntes,
tu gardes tout en ton tombeau errant.
extrait de l’anthologie J C Andrade coll Seghers poètes d’aujourd’hui
Ces champs devenus gris – ( RC )
Image – Geneviève Asse
Les champs qui bordent le jour
sont devenus gris
il est impossible d’en saisir le contour;
la joie nous a été ravie,
une menace , lentement, plane :
– les champs n’ont plus fleuri;
tu verras dans une autre vie
que la lumière s’éloigne …
–
(variation sur un texte de Jean-Claude Pirotte: Parce que le dessein des vies...)
Allain Leprest – l’homme aux deux ombres
sculpture : Jean-Pierre Baldini
Le type d’en haut le solitaire
Si j’vous disais il a deux ombres
Qui le suivent sous les réverbères
De la ville quand la nuit tombe
Une ombre bleue à chaque jambe
La sienne et celle d’une dame
Deux ombres qui soupirent ensemble
Sur le drap sale du macadam
On dit que c’est un vieil amour
Un coup au coeur jamais guéri
Qui n’a laissé que son contour
Découpé dans un matin gris
V’là c’est pour ça qu’il a deux ombres
Qui déambulent derrière lui
Qu’il promène dans les décombres
De sa mémoire toutes les nuits
Deux ombres enlacées côte à côte
Cousues au bas de son manteau
Les mains mises l’une dans l’autre
Qui s’embrassent derrière son dos
Une ombre bleue à chaque jambe
La sienne et celle d’une dame
Deux ombres qui soupirent ensemble
Sur le drap sale du macadam
Le type d’en haut il a deux ombres
Et il les rentre au petit jour
Quand le premier rayon fait fondre
Les contours de nos vieilles amours
Le jardin propice – ( RC )
peinture: Jacques Hemery mont Ventoux
Au jardin propice,
j’ai attendu
que le temps se dénoue.
On s’habitue
à être à genoux,
que les feuilles jaunissent,
qu’un ciel d’hiver
pèse de son gris
sur le mont Ventoux.
mais toujours espère
revoir le jardin fleuri.
–
RC – avr 2020
Nathalie Lauro – Je flotterai
–
Je flotterai avec
Mes rêves et mes passions,
Bien au dessus,
De toutes ces questions.
Je ne voudrais à aucun prix
Poser les pieds nus sur la terre
Et découvrir un beau matin,
Le sang, les larmes et la poussière.
Mais je voudrais à juste prix
Profiter d’un si grand mystère,
Alors ignorer de plein gré
Incertitudes et suspicions
Puis le cloître de leur prison,
Le noir, le gris, l’enfer, l’envers
Et le pouvoir de tes poisons.
Sandra Lillo – Le ciel gris se colle aux fenêtres
Le ciel gris se colle aux fenêtres
comme un papillon de nuit
ou est-ce toi qui le vois comme un
insecte qui sait à peine voler
lourd des promesses qu’ il n’a pas tenues
et c’est pour ça la mer
la nuit nos larmes le traversent .
——
voir d‘autres textes de S Lillo
et sa parution le ciel coule sous les branches
Blés des causses – ( RC )
photos perso :causses Méjean & Sauveterre
Les petites sorcières de la nuit,
se cachent entre les pierres,
présentes et toujours immobiles ,
même dans la brume du jour.
En silhouettes inanimées ,
elles activent leurs ombres ,
endossant leur poids de silence.
Leur échappant , des vagues vert-jaune
ondulent au sol , caressées par le vent.
Les blés contredisent les gris austères .
Le causse a son discours
empreint de mystère
qu’on ne peut traduire,
avec des mots .
Mêmes les images
ne parlent que d’instants .
son étendue ne se cerne pas .
Comme l’ancienne mer qu’elle recouvre ,
il a quelque chose d’une houle
qui se prolonge aux horizons ,
avant de chuter brutalement
au plus profond des gorges.
–
RC – juin 2017
Paul Gravillon – un feu d’artifice suspendu
Un feu d’artifice suspendu
s’enfonce dans le passé de la nuit
et l’illumine
Il jette des pièces d’argent
qui ont toutes les couleurs de la nacre
tous les mariages de la nuit et du jour
auxquels font contrepoint les basses
des mains entr’ouvertes
aux gris diaphanes
et des doigts demi joints
aux velours mauve
les bois s’estompent
à la lisière du soir
et tu t’avances
derrière ton masque de dentelles
froissées
ton œil pervenche
ta joue ambrée
ta moiteur crépusculaire
deux gouttes blanches
jaillissent de ton bouquet de plumes
des chauves-souris aux cris orange
fixées dans le vol
par le cerf-volant mordoré de leur beauté
déchirent un duvet rosé
leur élan vert
zigzague derrière elles
comme les veines du ciel
et de ton ventre
un doux tourbillon de papillons
saumon et pourpre
palpite
dans la transparence marine
où je m’enfonce
–
P G
Mots surgis d’un brouillard épais – ( RC )
Peinture: P Bonnard
J’ai prélevé dans le vocabulaire
que je connaissais,
quelques mots .
Ils se sont disposés, dociles,
sur la page blanche, comme surgis
d’un brouillard épais,
où la conscience s’est perdue,
et le décor endormi .
Oh ! Rien de bien extraordinaire…
… presque rien…
Quelques essais jetés sur le papier :
une ou deux expressions
qui sonnent ,
accompagnées du silence ,
me déportant vers
le jour, qu’ils dissimulaient.
Il faut croire que les phrases
banales,
ne sont que des fenêtres grises,
occultant les pensées.
Tant de gris où tout se brouille,
et les étoiles
quelque part,
au-delà,
qui répondent
seulement si un chant
parvient à s’extraire
d’entre les lignes,
pour donner assez d’élan
à ma plume,
( et que cela soit aussi
un peu de moi. )
–
RC – janv 2016
Un mois de des cendres – ( RC )
–
D’une grande étendue,
Un pays tout entier,
Recouvert de gris.
De minuscules détails ,
Si l’on maintient l’oeil immobile,
Refluent, sous toutes les mues,
Du bruit et du silence, et son poids d’ écailles .
Il y a des morts.
Des petites et des grandes,
Charriées par les matins .
Une sueur de sang,
Se décolore et va rejoindre
les fleuves. S’écoulent
Lentement.
C’est le corps desséché de l’astre,
Qui ne peut imposer le jour ,
Pesant sur le gris des draps .
L’indifférence des dieux,
Qui se détournent des champs de bataille …
Les lignes de la nuit
Se perdent dans les cendres.
–
RC – oct 2014
–

art minimal: Roman Opalka : ‘Detail 1965 / 1-∞’, 1965
Un volcan au Havre – ( RC )
–
L’esplanade aurait pu continuer,
Indéfiniment.
Il suffisait d’aligner les plaques de béton.
Tant que l’espace le permet ,
Entre les barres d’immeubles ,
Sans accroc.
Propice aux courses folles,
Où viennent voleter
des sacs en plastique .
Il y a encore les traces de peinture renversée,
Puis les arcs sombres
laissés par les pneus des voitures.
C’est un espace sec, infertile,
De plaques préfabriquées,
Où la ville a chassé ses arbres.
On s’étonne de voir une frêle silhouette le traverser.
Incongrue.
Comme un scarabée sur une plaque de cuisson.
Et encore davantage
lorsque le gris uniforme,
Est stoppé net,
Par les pentes blanches, abruptes,
D’un Fuji-Yama,
Surgi, là où on l’attendait pas.
Une envolée de l’esprit,
Prenant ses racines au sein même du banal,
Décisive.
–
RC – dec 2014
Voyageur des frontières ( RC )
–
Il va, dans l’encaissement des vallées,
Des villes qui débordent,
Du gris et de la rouille,
Et quelques ponts sur la rivière,
Il y va
Sur ces voies,
Où les banlieues cèdent du terrain,
Vers des parcelles en pente.
Il va,
Dans la campagne abandonnée,
D’herbe pelée,
Le bois humide et des pierres anciennes.
Il va,
C’est un espace étroit cerné de montagnes,
Répercutant l’écho des nuages,
Où se hissent péniblement les routes.
Il arrive,
Au delà de la frontière,
Espérant que le gris s’extirpe,
Le langage avenant et solaire…
Il arrive,
Dans un pays, porté d’autres instants
Mais retrouve les vallées encaissées,
Et des villes débordant de gris et de rouille…
–
RC – 24 août 2013
( écrit en repensant au roman de Maurice Pons: « les saisons » )
–
Anonyme ( RC )
peinture: oeuvre de Peter Philipps 1963
–
Anonyme –
L’anonyme se confond avec les murs
Une brume flottante envahit la scène
Tout est opaque, les sons de portent pas
A plus de cinq mètres, et les tentatives
de distinguer , du brouillard, au-delà du rideau
Se heurtent à un voile dense et ouaté
C’est l’instant où la lumière est bue
Où, même la cloche de Big-Ben est « tue »
Où se tourne le film de toutes les terreurs
Et qui peut surgir alors ? C’est Jack the Ripper…
Je suis un anonyme, que rien ne distingue
Dans la foule, je suis gris,
et porte peut-être , un parapluie
Je suis en kaki, au milieu de la soldatesque
Matricule numéroté, élément casqué
Se fondant dans la masse, je suis l’automate
Sans sentiments, lisse et hors de l’ âge
Pas besoin de tenue de camouflage
Sans aucun avis, et rien ne dépasse
Je suis mon destin, celui de ma race
Ne maîtrisant rien, – et l’avenir m’embrasse
Flottant dans un fleuve, des petits points, des faces
Ne choisissant pas , la courbe , les trajectoires
Au p’tit bonheur la chance, et gardez bon espoir
De revoir un jour, un peu de lumière
Devenir quelqu’un , sortir de l’hier
–
RC – 24-mai -2012
–
Mur ment ( RC )

photo: destruction du mur de Berlin
Il a poussé , cette nuit
Un mur , au fond de l’allée
Il barre le jardin , de gris
Et même l’allée dallée
Si je ne peux pas passer au travers
Et te voir de l’autre côté
Comme d’une paroi en verre
Avec l’échelle des songes , l’ôter
—–> Je vais l’habiller de lierre
Ou le peindre de ton visage,
Enlevant une par une, ses pierres
Qui bousculent le paysage.
Je vais dessiner une fenêtre
Pour que rentre la lumière
C’est quand même , peut-être
Somme toute, affaire d’imaginaire
Le coucher sur le sol,
Le mettre en suspension,
Et faire que s’envole
L’ombre et l’oppression…
Tout ce que les murs murent,
Et l’ennui, l’enfermement
Ce que le prisonnier endure,
Quand durement , le mur ment.
Il n’y aura plus, sur place
Que son dessin dans le jardin,
–Ton sourire qui remplace,
Tout ce que j’avais peint.
–
RC – 26 novembre 2012
Eugène Durif – écorchures de la matière
Ciel bas, presque gris. L’ œil, obstinément, tente de fixer. Déchirée, la blancheur feinte laisserait voir soudain l’obscène, azur.
Il ne désire rien tant que retenir ce qui s en va. Pans de ciel, croit-il discerner, à même d’improbables lignes j’erre. Si cela se relâchait complètement, ce serait un insupportable afflux de formes. Il voudrait délimiter, cadrer une surface très précise à l’ intérieur de laquelle puissent s’accomplir tous les excès: jusqu’à leur plus extrême rigueur.
…EXtirper quelque chose du vivant, fixer dans l immobilité, le calcaire même du rêve…
Dans une proximité fiévreuse, la parole se veut alors égale à la tension du regard. En vain, elle ne le sait que trop bien. Sans illusion, elle tente d entrer en résonance avec ce qui lui demeure résolument étranger, matérialité agissante qui, dans son évidence calme, n a d’autre chemin et détour qu’elle-même.
Rien d autre qu un certain jeu de la couleur ou une lumière nue portée tout à coup sur les choses. Et le sol cède ouvrant à une infinité d autres scènes. Où traces, balafres, écorchures de la matière.
Comme un désir de refaire sans cesse le trajet de la main et de l’oeil. Paradoxalement, un glissement progressif vers l’effacement. Le récit subtil d une impossible appréhension.
Jet in copper. Un écho, une sédimentation lente, dont ces mots seraient comme une lointaine métaphore et qui n arriverait jamais à se figer tout à fait dans la fixité de l’ image.
C’est d’une étreinte oubliée avec la matière (elle seule s’en souvient) qu’est né ce frémissement de la rigueur. Catastrophe très ancienne de laquelle plus rien n est visible à la nudité de l’oeil. A peine d imperceptibles fêlures, minuscules effondrements, restes souterrains et secrets, en témoignent-ils. Entailles douées au toucher. Aux aguets, le regard se pose sur l’apparence. Il se méfie de ce qui va de soi. A longtemps fixer, il demeure, désireux de percer quelque secret. Il fouille vers l’ intériorité supposée, la profondeur, ce dedans velouté et impensable des choses. Il voudrait déchirer l’ordonnancement des formes, lacérer lambeau par lambeau, fragment après fragment, refaire le tracé, le trajet de la main sur la plaque.
Images fauchées à ras, abolies. L’ oeil se scrute jusqu ‘au blanc, a la presque cécité qui se confond avec la nuit solaire. Il s’écorche un peu plus et disparaît le reflet alors que la main progresse, que l’ instrument entaille, entame l’ espace offert, jamais assez vierge de présence. Un arrière goût de sang. Son battement sous les paupières. Le visage aussi s’efface, puis l’œil. Dans la proximité de ce qui se dérobe, le regard se tend un peu plus. Il enchâsse toutes formes arrachées à la nuit, captées fugitives-fragiles, tente de recomposer ce que la lumière érode et ronge. -Mais plus rien ne lui tait signe. Aucun centre, nulle part. Dans le silence écorché de l’organique, l’imperceptible respiration des pierres, tout lui semble voué à
la corruption, l’ anéantissement. Lueurs. l’ aveuglement. La découpe. Imaginer un instant la déchirure de l’oeil et guetter ce moment très pur où l’infiniment grand rejoint, en un attouchement léger, l’infiniment petit. Le souffle court. -Mais la main jamais ne tremble.
L’armoire, porteuse d’histoires (RC)
La vieille armoire, celle qui prend feu
A abrité longtemps des piles de draps
Des trousseaux inutilisés, mangés par les rats
Autres générations , autres enjeux
Tante Ernestine est morte
Un jour d’hiver fardé
Auprès de son feu, attardée
Un jour , a cédé sa porte
Et les piles des habits d’antan
Les parures et les dentelles
Napperons de belle vaisselle
N’ont pas attendu les petits enfants
Partis ailleurs émigrer
Se chercher, loin du bercail
Une raison de vivre, un travail,
Evidemment de leur plein gré
La maison d’Ernestine est vide
Personne n’est revenu au village
Lui rendre un dernier hommage
Aux maisons barricadées, arides
Il a fallu extraire les meubles pesants
Du pays de la famine
Rongés par la vermine
La vie d’antan, du modèle paysan
Le feu qui maintenant
Dévore le bois craquant du sapin
Se nourrit des volutes du destin
De l’exil, des déserrements
Alors que, patient témoin gris
L’olivier au feuillage argenté
Décrit le temps des ancêtres arrêté
Sans s’en montrer davantage aigri.
RC
–