Anise Kolz – tout perdre
Aimer
c’est être mortel
et lutter contre
avec toi
pénétrer dans ta chair
en nageant
m’y mordre
et me posséder
tout perdre
pour continuer
à vivre
dans une peau
humide et calme
comme une grotte
Me voilà parvenue jusqu’ici
maintenant je rebrousse chemin
ma voix en cage
muette
–
Rafales d’ailes, mains négatives – ( RC )
–
Rafales d’ailes, froissant les airs.
Aquarelle délavée où serpente une fumée…
Un instant fugitif, promis à l’oubli.
Une peinture dans l’obscur,
L’intimité close, de la grotte,
Des chevaux superposés, galopent .
Les millénaires s’entassent .
La mouvance des airs,
passe en surfaces.
Une peinture dans l’obscur,
Et le geste de l’homme, déposé ,
Celui marquant la présence.
Message des mains négatives,
Empreintes,
Charbons de bois.
–
RC – mai 2015
Leon Felipe – nous sommes en pleurs

peinture: Fr de Goya – The Last Communion of St Joseph Calasanctius
NOUS SOMMES EN PLEURS
Evêques ambulants
remettez votre camelote à sa place :
les idoles à la poussière
et l’espérance à la mer.
Je sais.
Je sais que vous avez peint
un siège dans les nues
et une flamme de souffre
au fond du puits.
Mais je ne suis pas venu
quémander une place dans la gloire
ni mettre la peur
à genoux.
Je suis de nouveau ici
pour faire valoir par mon sang
la tragédie du monde,
la douleur de la terre,
pour crier avec ma chair :
Cette douleur aussi est mienne.
Et puis pour ajouter :
Au commencement étaient les pleurs…
et nous sommes dans les pleurs.
-Au commencement était le Verbe.
-Le Verbe est la pioche
qui se plante dans l’ombre,
la pioche
qui perfore l’ombre,
le levier
qui fait tomber les portes,
l’outil…
qu’attendait la glaise,
qu’attendent encore les pleurs
et que l’ombre attend toujours.
Le Verbe vint et dit : Voici la glaise ;
que la glaise se fasse pleurs
(non pas que se fasse la lumière).
Et la glaise se fit pleurs.
Au commencement était la glaise…
La glaise faite pleurs !
la conscience des pleurs !
la douleur de la Terre !
-A qui parles-tu ainsi ?
-A celui qui jeta le premier œuf
dans la glaise visqueuse de la mare,
à celui qui féconda la première mare du monde,
à celui qui fit pleurs la glaise.
-Et qui es-tu, toi ?
-La glaise de la mare,
la glaise faite pleurs,
terre de larmes…
comme toi.
Personne n’est allé plus loin.
Au commencement étaient les pleurs
et nous sommes en pleurs.
Car le Verbe n’a pas encore dit :
Que les pleurs se fassent lumière.
-Il le dira ?
-Il le dira, sinon,
à quoi sert la mer ?
(Nos pleurs sont les fleuves
qui vont se jeter à la mer…)
Ou la vie peut-elle éternellement
être une lamentation enfermée dans une grotte ?
Dieu est la mer,
Dieu est le sanglot des hommes.
Et le Verbe se fit pleurs
pour mettre la vie debout.
Le Verbe est dans la chair
douloureuse du monde…
Regardez-le, là, dans mes yeux !
Mes yeux sont les sources
des pleurs et de la lumière !
Et nous sommes en pleurs…
Nous continuons l’ère des ombres.
Qui est allé au-delà ?
Qui a ouvert une autre porte ?
Toute la lumière de la terre
l’homme la verra un jour
par la fenêtre d’une larme…
Mais le Verbe n’a pas encore dit :
Que les pleurs se fassent lumière !
Mexico, 1939
–
Si le dehors existe ( RC )
Si le dehors existe,
Il se passe de son regard
Une barrière d’ombres
Derrière la grille de ses doigts
Qui contient son visage
Peut-être pour protéger l’âme
Des outrages de la vie
Ou bien, comme les chauves souris
Rester suspendu dans une grotte
Enveloppé de ses ailes
A l’abri du noir
A l’image d’un vieux parapluie
Qui ne s’aperçoit pas
De l’aurore boréale
Nimbant la planète
RC – 11 décembre 2012
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Chr Jeanney – tentatives – Habitacle /54
l’écriture de c Jeanney, dans sa section « habitacles »…. nous dit

volume: corps "fossile" Pompéï
habitacle en L jambes repliées position chien de fusil
le soir le plus souvent une chape noire tombe monte et
retombe remonte revient de loin est depuis l’ancestral
dos incurvé et tête penchée de la légèreté avant toute
chose faire avec vieux réflexes du cerveau reptilien à
l’arrière de soi une ribambelle d’ancêtres se place là
genoux collés au ventre et s’enroulant dans la chaleur
qu’on se fabrique seul à seuls un feu de grotte éteint
depuis longtemps ainsi le chien tourne sur lui-même un
peu avant de s’allonger la mémoire des cellules radote
quand le danger est loin ou un autre danger s’allume à
l’affût des ondes électriques vaines vains les efforts
jambes repliées sous couverture le doux du soir repose
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