J’apprivoise les cailloux – ( RC )

A force de marcher sur l’eau,
j’apprivoise les cailloux,
qui se font plus légers
dans l’éclat des reflets
et de l’eau pure :
maintenant elle a baissé,
je peux traverser la rivière
en équilibre sur le gué.
Ce galet plat,
je l’ai conservé :
c’est une semelle qui me va
adaptée à ma pointure,
je n’aurai plus qu’à y adapter
des sangles de cuir :
m’en faire une chaussure neuve
naviguer sur le fleuve,
que la rivière ira grossir.
Pour faire la paire
il faudra que je déniche
un autre caillou lisse
pour m’emporter dans les airs :
que les écrevisses me pardonnent
elles trouveront d’autres abris
et d’autres pierres…
Pierres de basalte, comme un mensonge – ( RC )
photo perso :cascade de Déroc – Aubrac
C’est un peu une frontière incertaine,
où se dispute un sable noir,
proche de la vase ;
des plantes spongieuses,
et l’illusion de solide,
que des pierres symbolisent.
Aussi, si je risque quelques pas,
sur les pierres découvertes,
ce serait comme un gué,
permettant de passer
de l’autre côté.
Mais ce sont des rêves mouillés,
qui peuvent à chaque instant glisser,
sous la plante des pieds .
On imagine ces roches comme un mensonge,
venu se plaindre aux eaux .
Peut-être n’ont-elles aucune consistance,
et elles peuvent disparaître,
comme elles sont venues,
trichant , en quelque sorte,
prêtes à se dissoudre,
si besoin est .
Le petit ruisseau qui sourd,
ne les écoute pas,
juste le cri des grenouilles,
qui ne croient pas en leurs histoires.
Car des pierres, il y en a plus bas.
Elles ont chuté,
basculé du plateau,
hexagones de basalte
à la géométrie trompeuse,
entraînant une partie du ciel,
chute vertigineuse .
Là s’interrompt l’horizontale :,
tout est en suspens,
quelques instants,
avant que l’eau ne chute à son tour,
et s’évade en cascade blanche .
RC- oct 2017
Gué de tes îles – ( RC )
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Traverse l’espace,
le gué des îles,
jetées sur le hasard,
Léchées par l’aube,
– Elle s’épanouit –
Sous mes mains en corolle,
Les vagues les entourent,
Et je vais,
Nu parmi les encres sèches,
Avant de retourner à la boue, *
Equilibre instable sur ce gué,
Oiseau des augures ayant perdu
Ses ailes,
A parcourir,
Sous ton regard liquide,
Les chutes du silence.
A l’air ne manque,
Que le souffle inverse
Qui m’aspirerait,
Comme il me dépossède,
Douceur et violence,
Aux îles
Basculées,
Tes courbes entre mes mains…
–
RC – 8 août 2013
* ces deux vers sont de Dominique Sorrente, dans « enjambées fauves »
–
Le Petit Prince, et la musique du monde ( RC )
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C’est, extrait du livre de l’enfance,
Le Petit Prince, qui met le pied
Sur une frêle planète,
On y entend, si on écoute, une brise
Qui chante dans les arbres, la vie
loin de avions qui passent
Et la caresse chaude des jours de l’été.
Le Petit Prince progresse, il ne lui faut pas longtemps
Pour faire le tour de la terre, et passer le gué
Des îles aux continents, sans se mouiller les pieds.
Il s’interroge avec insistance, sur la forme des montagnes,
Le silence blanc des déserts, l’aventure des rivières
La succession des villes, et des maisons jouets
Sagement alignées, le long des routes,
Et les supermarchés,sont une grande attraction.
S’il veut dessiner des moutons, demander son chemin,
Il n’obtient pas de réponse, car on ne le comprend pas,
Déjà les hommes ne se comprennent pas d’une région à une autre
Et se barricadent chez eux, derrière des frontières,
Mais au-delà des murs on entend de la musique
Qui passe sans rien dire
Comme le vol des colombes
Sur la frêle planète
On entend, si on l’écoute,
Tout de l’amour, et des langages, sans paroles.
Elle ne disait rien, et finit par tout nous dire.
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RC- 18 octobre 2012
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