Vous ne vous imaginiez pas modèle – ( RC )
peinture : D Velasquez
Bien sûr, c’est un mystère
qui se construit petit à petit,
sous mes yeux ébahis.
Je vois la peinture se faire
L’ange poser ses ailes :
Vous êtes ainsi alanguie
Sommeillant sur le lit
Vous êtes celle
qui lentement se révèle
à la caresse des pinceaux :
suivent la courbe de votre dos
(vous ne vous imaginiez pas modèle )…
Du voyage au long cours,
le vent dans les voiles,
vous apparaissez sur la toile,
peinte avec amour.
Négligemment déposés,
vos habits en tas,
à côté de votre bras …
Dans une lumière bien dosée
vous apparaissez, rêveuse,
les mains sur vos hanches,
votre poitrine est blanche,
et comme lumineuse….
Vous êtes la lumière du soir .
Surgie dans le décor
( et l’or de votre corps
se reflète aussi dans un miroir ).
On ne vous imagine pas blonde ,
car la seule ombre au tableau
porte le flambeau
de l’origine du monde .
Il n’y a pas besoin d’être Courbet,
pour que le monde vous contemple :
la première entrée du temple
est sur la toile, posée sur le chevalet.
–
RC
– juill 2017
Un commentaire de Rubens – ( RC )
peinture : Rubens: le jugement dernier
–
Il se passe beaucoup de choses, dans le cadre doré
Un entremêlement de gens, grandeur nature
Sont le prétexte de la peinture
accrochée, un peu au-dessus du parquet ciré.
C’est une oeuvre de Rubens,
peuplée d’êtres qui s’entassent,
des dames toujours assez grasses,
que lui commande un prince…
Ces personnages forment une pyramide
dans une mêlée quelque peu confuse
on distingue même, si je ne m’abuse
au plus haut niveau, ceux qui décident.
On a fixé l’instant le plus tragique :
celui où on fait grand tri
( ne pas surpeupler le paradis ,
vous diront les nostalgiques ).
Ceux-ci n’en sont pas revenus, mais ont évité le pire
a ce qu’il paraît ; on nous rapporte beaucoup d’histoires
que l’on voudrait nous faire croire ;
on peut prendre le parti d’en rire.
Devant le tableau, quelques visiteurs
se sont arrêtés pour parfaire leur culture :
C’est toujours de bon augure
d’écouter le commentateur .
Va-t-il décrire l’étape suivante
Et sans aucun doute,
comme pour les matches de foot,
nous faire une analyse savante ?
Nous livrer des statistiques,
révéler des choses intraduisibles
contenues dans la Bible
d’un point de vue artistique ?
Bien qu’il se soit écoulé pas mal d’années
depuis qu’elle a été peinte
on pense toujours entendre les plaintes
des âmes damnées .
C’est une oeuvre baroque :
On n’y entre pas de plain pied
sans y être convié
( et surtout sans habits d’époque ) .
Nos amateurs d’art voudraient peut-être
participer à la mêlée,
voir de plus près les êtres ailés
et assister à la fête…
Ils peuvent toujours tenter l’escalade
Se faire greffer des ailes,
utiliser une échelle
Ils seront empêchés par le cadre …
Le tableau a beau être immense,
il a aussi des dimensions limitées
On ne vient pas à l’intérieur sans y être invité
et pour entrer dans la danse…
La réalité est ingrate :
elle nous ramène toujours à son illusion ;
on ne peut sauter dans cette dimension,
…. la peinture restant obstinément plate.
–
RC – sept 2016
Potée – ( RC )
Peinture: P Picasso – nature morte aux oignons 1908
Si vous voulez connaître mon opinion,
Ecoutez mon dialogue avec les oignons,
Moi qui néglige leur douleur,
– leurs pleurs et leur odeur
– mettons nous un peu à leur place
faisons preuve d’un peu d’audace
( à prendre comme un jeu de rôle )
Quelque part dans la casserole
Je vais ainsi leurs habits ôter,
Ce serait comme préparer la potée
Tout ce qu’il faut d’eau
pour complaire aux poireaux
Déjà la marmite fume,
Ce sera la fête des légumes,
Allez…ajouter un morceau de citrouille,
….. et attendre que l’eau bouille .
–
RC – mai 2016
–
en relation avec un texte de S Mallarmé: le marchand d’ail et d’oignons
En témoin immobile – ( RC )
En témoin immobile,
Personne ne crie,
Et dans l’attente,
Le mouvement de la terre
Se poursuit, jusqu’aux collines,
Sans tester la distance,
Qui m’en sépare,
Puisque je suis soudé à elle …
Cette terre , avec sa vie propre,
Qui glisse sur elle-même,
Avalant l’impact sourd
Des météorites,
Et des ères salutaires,
Courues d’espèces,
Dont on retrouve les fossiles,
Eux même englués dans la roche.
Et même si des indices,
Nous écrivent ce passé,
Dicté sous nos pieds,
Encore aujourd’hui,
S’étire l’argile,
Détrempée des fins d’hivers,
Comme aussi, sur les pentes,
Se détachent des blocs mutiques.
Laissés sur place,
Au seuil au sommeil ,
Des mers basculées.
> Elles ne disent que leurs lointains.
Et les vagues sont loin,
Justement,
Gelées dans des mémoires.
Les nôtres ne pouvant les contenir.
On se demande,
Quels furent ses habits,
A la terre, encore,
Où ce qui fut forêts denses,
Est maintenant soustrait,
Dans l’étendue ventée ,
D’horizons de pierres,
Et de montagnes effacées…
–
RC – février 2014