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Armine NEAGU – Qu’attends-tu de moi ? (XXI)


 

mimosas en fleurs a cagnes felix valloton

                   Félix Valloton – Mimosas en fleurs à Cagnes

 

 

L’heure est blottie sous l’abrupte falaise

– notre secret, cette heure volée.

Regarde se hâter ces ruelles tortueuses,

témoins suspendus

cascadant à la diable tout droit vers la mer ;

elles évoquent comme nous

leur passé, leur présent, leur poids de malheur

– sur les vagues des ombres de vieil argent poli.

Ici, ailleurs

où retrouver notre temps gaspillé ?

 

 

 

(J’ai voulu remonter l’une de ces ruelles pour voir ce qu’il

y avait de l’autre côté. Mais plus je grimpais et plus elles

s’allongeaient. Tu comprends ça toi ? Faut-il y renoncer ?)

                                   

 

 

Qu’attends-tu de moi ?    Daniel Delort Imprimeur


Comme se consument les heures – ( RC )


Image associée

peinture: Paul Klee

S’il faut laisser passer les heures ;
ce sont des images  fugitives,
elles se consument,   comme du papier qui brûle,
et il n’en reste rien.
Même pas un peu de cendre.

Alors, justement ,  où est l’empreinte,
d’où peut naître la future lumière ?
Il faut que je la creuse,
que j’y dépose des paroles,

que je sème quelque chose
pour marquer ce qui passerait
pour un désert  :
              fertiliser le temps
d’un poème,          avant que le jour ne s’éteigne .

Certains diront  que je n’ai pas vécu pour rien.

RC   avr  2017


Le miroir des pages – ( RC )


 

 

Image associée

 

Je me suis regardé, à travers l’écho
de lignes écrites,      et d’autres mots :
cela fait bien longtemps.
C’était comme remonter les heures,
et se voir autrement,
comme dans un miroir déformant,
mais qui garde les saveurs,
de la terre humide,         et des vents .

Quelques uns m’étaient sortis de l’esprit.
Quand je les ai relus,
J’en ai été ému,
En étant un peu surpris,
comme si j’avais ouvert
une boîte,       ensevelie sous la poussière,
où la mémoire patiente,
qu’il pleuve ou qu’il vente .

Mais cette mémoire m’a échappé,
elle rassemble des lignes,
pattes de mouches et signes,
restés couchés sur le papier.
Ce coffret ouvert,       par distraction,
offerte à mes regards indiscrets,
cachait donc des secrets.
Je les ai ouverts,    comme par effraction.

Les phrases se sont envolées ,
comme de la boîte de Pandore :
elles voulaient me dire quelque chose : je l’ignore,
mais sont restées sagement alignées.

Il est donc étrange , de parler à soi-même :
ainsi l’on se penche
avec des décennies de distance,
à relire des poèmes,
à retrouver des émois
des émotions et des pleurs,
et presque les odeurs
des sous-bois .

A propos, c’est comme la blessure,
qu’en son tronc,       l’arbre supporte.
Même si ce sont des amours mortes,
le dessin du cœur perdure,
et est toujours en devenir :
quoi de plus banal,
de retrouver les initiales
mais qui ne cessent de grandir.

Ces empreintes volontaires,
ce sont des essais
qui ne partent jamais,
et ne peuvent se taire.
Il y a quelque chose de moi
Je ne saurai dire exactement quoi,
malgré le temps qui passe,
qui revient à la surface.

C’est le miroir des pages
d’où l’on se regarde
si on s’y hasarde …
          on y voit son visage
Ou bien ce sont les écritures
qui nous guettent malgré l’oubli
Si on les relit,
         on reconnaît notre figure .

Pourtant je racontais des histoires,
peut-être par défi,
qui n’étaient nullement autobiographie :
alors il faut croire,
que, même caché        dans le noir,
au plus profond des secrets,
on dessine toujours son auto-portrait.
Cela remplace la mémoire qui s’égare.

L’espace s’est élargi
Je n’en connais plus bien        les limites,
Cette écriture manuscrite,
est sortie de sa léthargie :
Au fil je vais me suspendre
à l’intérieur de moi et dérouler
les années accumulées,
et ainsi apprendre

à lire d’une autre façon :
        Construire une stratégie
faire de l’archéologie
        Explorer la maison,
retrouver d’anciennes graines,
qui n’ont pas éclos
      Arroser l’arbrisseau ,
—- en faire tout un poème…

 
RC – juin 2016


Ce que dissimule le désert – ( RC )


photo: pochette de CD « Silencio »   Gidon Kremer

 

Il y a une  étendue plate,
–  Elle  se perd dans l’infini  – .
>        Elle  appelle un désert,
un océan,
ou un simple terrain inhospitalier.

Et rester immobile  tout ce temps,
debout,
on compte les heures en suspens –
ou plutôt on ne les  compte plus ;

c’est une  attente,
le regard  dans le vague.
Le ciel est trop haut,
Il écrase de son poids
tout ce qui s’échappe de l’horizontale.

Mais tu espères sans t’en rendre compte,
au-delà de la solitude,
La rupture des écluses,
que les lèvres  du temps  s’entr’ouvent.

Et la crainte, en même  temps,
Que les yeux  ne sachent pas  voir,
Ce que  dissimule  la surface unie
–   Un guetteur du désert des tartares  –
«  Anne, ma sœur Anne,  ne vois-tu rien venir ? »

Et si le vide  était une illusion,
et que continue dessous,
l’échappée des heures,
…Une  simple  dilution.

La vie est souterraine .
Elle  fait un grand détour,
vers toi
pour contourner le froid.

T’en rends-tu compte ?

RC – juill 2015


Vanité – ( RC )


peinture: Pieter Claez - Vanité

peinture:         Pieter Claesz – Vanité

 

il est dit
que le son
ne franchira pas
tes lèvres.

Si c’est d’un miel
le temps qu’il s’écoule,
une pâte lourde,
où des miettes noires s’agitent.

Fourmis actives,
aussi nombreuses
que les secondes
courant dans une heure.

Alors, – parlons des jours,
voire, des années,
Les pensées en sont les étoiles,
tapissant la voûte céleste

d’un crâne …

 

RC –  juill 2015


Blanc sur blanc – ( RC )


 

 

 photographe non identifié

 


La lune fait sa propre peinture,
Quand tu es réveillée,
au parcours de ton corps.

C’est l’esprit de la nuit,
Qui te repeint en blanc,
Blanc sur blanc,

Et seule l’ombre sur les draps,
Dessine ta présence
Lorsque tu sors des rêves.

Le souffle de la mémoire,
Prend une craie blanche,
Pour s’inviter,


Dessiner sur ta bouche ,
Des souvenirs blafards,
Infiltrés d’entre nuages


Faux témoins,
Du parcours des heures,
Traversant la nuit…

 

RC – août 2014

 

 


Alessandra Frison – On ne peut savoir…


Photo  Bruce Davidson - Chicago  1963

Photo Bruce Davidson – Chicago 1963

On ne peut savoir
si la course est donnée comme part
à partager
jusqu’au fond de l’enseigne
– là au fond à droite –
pour me laisser en oublier la voix
qui compense des wagons de figures
le défoulement d’une journée,
la chambre du monde à l’engorgement
de la gare Centrale
ici est l’embouchure du silence
et à la crue des heures fait suite
un exorde d’images
Milan
qui secoue la fatigue de rester
à regarder et éteindre l’ombre
pour chaque coup infligé
y vivre dedans
c’est le moindre mal.

**

Non si può sapere
se la corsa è data come parte
da spartire
fino al fondo dell’insegna
– là in fondo a destra –
per lasciarmi smemorare la voce
che compensa vagoni di facce,
lo sfogo di una giornata,
la camera del mondo all’ingorgo
della Stazione Centrale,
qui è la foce del silenzio
e segue alla piena delle ore
un esordio di immagine
Milano
che scuote la fatica dello stare
a guardare e spegnere l’ombra
per ogni colpo inferto
il viverci dentro
è il male minore.

*

*


Je suis parti pour un voyage ( RC )


photo perso: plaine de Montbel - Lozère  -2005

photo perso:                plaine de Montbel – Lozère    -2005

Je pars un peu, laisser derrière moi hautes collines et ravins d’ombre,

A compter la distance, je suis les flèches blanches,

Elles scandent les espaces, les forêts sombres…

Laissent place aux prairies, aux cultures, et enfin aux villes,

Le long de la route qui penche,

Virevolte, agile ,

S’élance et voltige,

Viaducs et ponts d’audace,

Défiant le vertige,

S’appuient sur monts et terrasses,

Avant de connaître la plaine,

Voisine d’une rivière serpente,

Sous le soleil, sereine…

on en oublie le souvenir des pentes.

Le miroir d’eau accompagne,

Sur les kilomètres parcourus,

La route de campagne,

La traversée des villages, bientôt disparus,

Ils changent peu à peu de style,

La pierre cédant à la brique,

L’ardoise à la tuile,

Répondant, en toute logique

Aux régions qui se succèdent,

Au fil des heures interprétées

Que la lumière encore possède,

D’entre les nuages… c’est l’été.

J’approche de chez toi,

Les maisons aux façades vives,

Le chant de ses toits,

La tour de l’église et ses ogives,

Je laisse sur la droite,

Le vieux village,

Et ses voies étroites,

Magasins et étalages…

Quelques rues encore,

La barre des bureaux

Après le drugstore,

Et puis le château d’eau…

Coupant le moteur,

J’ouvrirai enfin,

Le havre de fraîcheur,

L’abri de ton jardin,

Il y a toujours,

La porte bleue ouverte,

Sur la salle de séjour,

Le bassin aux lentilles vertes,

Et les chaises anciennes,

Laissées au vent,

–      Attendant que tu reviennes,

Je m’assois lentement

A côté des plantes

Les pieds dans les lentilles,

Et pousses verdoyantes,

Je ne vois plus mes chevilles

Mais le reflet du saule

Et puis ton visage,

Qui me frôle l’épaule,

Les seins sous le corsage,

Les mots s’enroulent dans les violettes, *

Ta peau a la couleur de blondes prunes

Prêtes à d’autres cueillettes,

Je vais te retrouver sous la lune,

Je suis parti pour un voyage – dans tes bras.

RC 19 août 2013

la belle expression « Les mots s’enroulent dans les violettes » est de Nath

 


Yahia Lababidi – Interstices


sculpture: Igor Mitoraj

sculpture:       Igor Mitoraj

 

 

 

 

Interstices

Mes heures ont peur de mes jours
Une méfiance pour disposer leurs pieds en bas
Doutant de trouver un point d’appui
tic toc ,à la pointe des pieds de sa propre conscience.

Mes journées ont peur de mes années
jamais capables d’avoir pu s’oublier
dressées autour lors que j’essaie de dormir
déplaçant leur poids, traînant leurs craintes

Dans les interstices, elles sont intemporelles
sans être blessées et heureusement introuvables
Là, nous glissons à travers le tamis
entre ces espaces incommensurables …

Interstices

My hours are afraid of my days
mistrust placing their feet down
suspicious of finding a foothold
tic toc they tip toe, self-consciously

My days are afraid of my years
never able to forget themselves
standing around as I try to sleep
shifting their weight, shuffling fears

In the interstices, it is timeless
unwound and happily unfound
there we slip through the sieve
between those immeasurable spaces…

Yahia Lababidi

traduction perso …               issu de sa parution  « Fever Dreams »


La matière vidée d’elle-même ( RC )


peinture: Curt Frankenstein

peinture:        Curt Frankenstein

………   Je vois à travers les murs , des maisons cimentées, Il y a trois fois rien, et les matériaux flottent bizarrement dans une atmosphère de coton, chaque chose a pris une texture autre, et décide de sa position.
Les poutres  se croisent et envisagent un dialogue inédit, les vantaux des fenêtres battent  sur l’air, où se mélangent les végétaux  et la pierre.
Il vient une joyeuse  suite de framboisiers, qui surgit d’un ancien papier peint, pour s’enrouler  sur les tuyauteries,                   amoureusement.
L’escabeau aux anciennes  coulées  de peinture, servant de perchoir à des lézards multicolores, attendant on ne sait quoi, ….peut-être des insectes errant sur les lourds fauteuils du salon  pris par des racines, et ne dévalant pas un angle,       que l’on peut qualifier  de faux plat, défiant l’horizon bleuté des montagnes, là-bas.

Si loin,  si proches.

La matière  s’est  vidée d’elle-même, de sa masse et de sa chair,
Et retournant nostalgique, vers l’abstraction, sur l’hypothèse incertaine, où lutter contre la pesanteur ne serait plus nécessaire,….         comme un jeu dont les règles s’inverseraient, à la fantaisie des heures.

Et la vie de même,qu’une rivière fantasque,  prenant un autre cours,  changeant son tracé, au gré du relief et des époques.

RC   –  16 juin 2013


Destins insomniaques ( rime avec zodiaque) – ( RC )


Chimères, dragons,  ciels  de l’imaginaire,
S’entrecroisent et suivent
L’étang bleu de la nuit profonde,

Au milieu du destin des étoiles,
Qui semblent immobiles,
Comme le temps, qui navigue  d’espaces

Si loins, dans la poussière sidérale,
Que les signes restent  attachés ,
Comme soudés, à notre hémisphère,

Carte  céleste de l’horoscope
Clin d’oeil de l’infini
Où combattent  lion, scorpion, capricorne,

Messagers  d’un Big Bang
Qu’on entendra  ( pas encore )
Figures statiques, et dessinées,

Emportées  par le glissement parallèle
Des galaxies plurielles,
Et qui contemplent nos songes,

En attendant,
L’irruption du jour,
Sur la terre,

Elle, encore  soumise,
Au souffle  régulier,
De  sa révolution quotidienne,

Et d’un bain de lumière,
Dans lequel chavirent,
L’espace de quelques heures,

La nombreuse portée
Des créations  du zodiaque,
Cartographiée à travers  l’insomnie.

RC – 8 juin 2013


L’ivre ( RC )


Design and Art | Modular 4 | Page 100

photo: Irving Penn

Décrire le vide, à l’échelle des secondes,

et puis des heures et des jours.

Ce qui finit par tout envahir, jusqu’au bout des doigts

Du parfum et de la douceur,

Il n’en reste qu’un souvenir,

Tu finis par être spectateur d’un autre toi,

Que tu ne connais, qu’à travers l’ivre,

Et t’enveloppe, en force corrosive.

Ta chanson sort alors par un cri,

Et des regards, sur toi, le mépris,

Même le tien, sous le balancier patient

De la pendule, qui ne rompt pas le silence

Et ton reflet – que vit le liquide

Absent

Au fond d’un verre ,           vide

RC –      2 avril 2013

photo Anders Petersen

A noter  que ce photographe  (  Anders Petersen) est l’auteur  de photographies, le plus souvent orientée s  sur le monde des marginaux  et de la solitude:   voir  ses  photos  sur Soho, et sur le café Lehmitz, dont je me suis procuré l’ouvrage.

—————-

et je complète  avec un très  beau texte  de TK.Kim :  qu’elle  a bien voulu me transmettre

Il y avait dans chacune de nos gorgées des promesses infinies et des souffles d’ambroisie. Et la nostalgie de passés amblyopes que nous avions envie de connaître.

Nous étions seuls.

Seuls face à nous mêmes, seuls éperdus au milieu de vagues chanteurs de rue, à siroter des cépages improbables au noms plus exotiques que réellement Russes.

La nouvelle était là, bien réelle, danseuse fragile, presque spamée dans la corbeille, avant que je me rende compte que…Non!

Il ne fallait surtout pas la jeter. Ce mail était important. Le conserver. Répondre…

Alors, on a vidé nos verres, et nos reflet nous ont semblé plus limpides.

Le vide encore?

Oui, partout, et tant mieux, le vide jusque sous les ongles.

Le laisser.

Il sera à nous alors.

Le vin était immonde et attaquait nos lèvres enfumées.

Mais peut nous importait : la formation de  mots laissait sur nos rétines une image claire , bien plus focalisée que toute réalité face à face…

 

 


L’avenir en suspension ( RC )


 

C’est un embrouillaminis,

Un écheveau de tubes,

Qui se croisent et s’enchevêtrent,

Et la vie circule encore,   … mais, dehors;

En dehors  du corps.

 

Ce qui reste  du regard,

Fixé sur les jointures du plafond,

Les carreaux striés en quinconce,

La potence chromée…

 

Et        —  gouttent   et gouttent,

Les perfusions       ….et boucles

Dans des conduits plastique,

Et le temps                                     s’étale,

A longueur d’heures et puis de nuits

Qui se succèdent,

Tandis que le corps immobile

Décompte les jours,      et  puis l’espoir

 

N° 27,    dans la chambre d’hôpital.

 

RC – 12 décembre 2012


Brigitte Tosi – Avant le dernier jour


 

peinture:         Jerome Bosch:         le jardin des délices ( détail )

 

 

 

 

 

Au jour d’avant le dernier jour

Il y aura toutes ces heures

Volées aux ombres du silence

Et tous ces mots étreints

À la force des mains

 

La vie sera veuve

Fauve le miel rouillé

 

Au dernier jour d’avant la nuit

Il y aura tous ces poèmes

Gravés à l’ombre des cailloux

Comme un bouquet d’adieux

Aux limites du monde

 

La vie sera seule

Pauvre le ciel oublié

 

Et l’oubli

tatoué

Aux herbes rases de nos chairs.

 


A l’ombre : « monologue carcéral » ( RC )


photo extraite de « elle dit lemonde » texte d’Antoine Volodine:

Quelques pas dans le couloir,

L’écho lointain du parloir

Se déplace  avec le son

Cliquetis , le trousseau du maton

La démarche lente,

Les chaussures traînantes…

Et l’ouverture du volet de la porte

Sa face grasse encadrée de la sorte

Et le parcours de son regard louche

Traverse l’espace comme une mouche.

 

Une lumière  un peu terne

Qui s’efface  quand il ferme.

Je parcours le décor hideux

Des murs d’un vieux vert huileux

Par endroits graffités

La couverture sur le lit, mitée,

La table bancale dont j’ai hérité

Le formica de ses coins, effrité

Et mes poèmes qui s’empilent

Peut-être bientôt, mille…

 

– Grand bien me fasse –

Le long du temps qui passe…

Ajoutons , la vieille  chaise  en fer

Trois livres sur l’ étagère

Pour  décrire l’austère

De mon univers

–*
La fenêtre carrée du troisième étage

A pour avantage

D’avoir une  vue panoramique

Sur les arbres rachitiques

Et l’herbe pelée

Derrière les barbelés

 

Puis les miradors

S’ajoutent au décor

Au coin j’ai la vue

Sur une avenue

Un peu à l’écart

Du quartier d’la gare

Un quartier hostile

Du nord de la ville —

Les barreaux s’enlacent

Y a des bras qui passent

A travers l’acier

Du pénitencier.

 

Exposées en rage

Des mains issues des cages

Demandent  conseil

Aux rayons  du soleil

S’accrochent à un ailleurs

Qu’on voudrait meilleur

De ceux qui appellent

De ces moignons  d’ailes

Pauvres garde-mangers

Il y a des rangées

De sacs  plastiques  blancs

Ballotés par le vent

On dirait que, des  cellules

S’échappent des bulles

De la monotonie, du morne

Et de l’uniforme

Et quelques gardiens

Promènent leurs  chiens .

 

Quartier artificiel

Qui grillage le ciel

Quartier  d’sécurité

 » Tu l’as bien mérité !  »

Pendant que les heures agacent

Se retournent et prélassent

Je suis  égaré

Dans quatre mètres- carrés.

 

Etant dans mes chaînes

A purger ma peine

–     Le temps  s’est  entêté

Et semble s’arrêter

En étant à l’ombre

A broyer  du sombre

Bientôt trois années

Assis à ruminer

Elucubrations, divagations

A chaque occasion

 » En avant toute !  »

Pendant que les  gouttes

De cette satanée fuite

Dessinent  et délimitent

Comme une sorte d’Afrique

Géographie maléfique

Ou bien une  Asie

Sentant le moisi

Un contour sordide

Tout autant humide

Mais, glissant sous la cloison

En rêves  d’évasion…

RC   4- 03 -2012

Et je remercie  Brigitte  pour  son commentaire poétique…

Du coup je mets aussi ce poème  de Armando Valladeres ,( poète cubain ) qui passa 22 années en prison (1960-1982) pour ses convictions chrétiennes et politiques. Armando Valladeres a écrit des poèmes d’une haute portée contre la dépossession humaine. L’un de ses textes porte les couleurs de la résistance et mérite qu’on s’y arrête:     

« Ils m’ont tout enlevé , les porte-plumes
     les crayons, l’encre
     car, eux,
     ils n’aiment pas que j’écrive.
     Et ils m’ont enfoui
     dans cette cellule de châtiment
     mais même ainsi
     ils n’étoufferont pas ma révolte.
     Ils m’ont tout enlevé
     – enfin, presque tout –
     car il me reste le sourire
     l’orgueil de me sentir un homme libre (…)
     Ils m’ont tout enlevé, les porte-plumes , les crayons.
     Mais il me reste l’encre de la vie
     – mon propre sang-
     et avec lui,
     j’écris encore des vers. »

extrait de  quand  les mots  dénoncent les maux…

voir  aussi  ce nouveau post,  avec un autre  texte  de l’auteur  cubain...


Pierre Louys – chanson de Bilitys – Selenis


CHANT PASTORAL

Il faut chanter un chant pastoral, invoquer
Pan, dieu du vent d’été.  Je garde mon
troupeau et Sélenis le sien, a l’ombre ronde
d’un olivier qui tremble.

Sélenis est couchée sur le pré.  Elle se
lève et court, ou cherche des cigales, ou
cueille des fleurs avec des herbes, ou lave
son visage dans l’eau fraiche du ruisseau.

Moi, j’arrache la laine au dos blond des
moutons pour en garnir ma quenouille, et je
file.  Les heures sont lentes.  Un aigle
passe dans le ciel.

L’ombre tourne: changeons de place la corbeille
de figues et la jarre de lait.  Il faut chanter
un chant pastoral, invoquer Pan, dieu du vent d’été.

carte du ciel