Pablo Neruda – Aujourd’hui –

Nous sommes aujourd’hui : hier, doucement, a chu
entre des doigts de jour et des yeux de sommeil,
demain arrivera de sa verte démarche,
et nul n’arrêtera le fleuve de l’aurore.
Et nul n’arrêtera le fleuve de tes mains,
pas plus que de tes yeux le sommeil, bien-aimée,
tu es le tremblement des heures qui s’écoulent
de la lumière abrupte au soleil de ténèbres,
et sur toi c’est le ciel qui referme ses ailes
et il t’emporte et il t’apporte dans mes bras
ponctuel, avec sa courtoisie mystérieuse.
C’est pour cela que je chante au jour, à la lune,
à la mer et au temps, à toutes les planètes,
à tes mots de clarté, comme à ta chair nocturne.
*
.
Es hoy : todo el ayer se fue cayendo
entre dedos de luz y ojos de sueño,
mañana llegará con pasos verdes :
nadie detiene el río de la aurora.
Nadie detiene el río de tus manos,
los ojos de tu sueño, bienamada,
eres temblor del tiempo que transcurre
entre luz vertical y sol sombrío,
y el cielo cierra sobre ti sus alas
llevándote y trayéndote a mis brazos
con puntual, misteriosa cortesía :
por eso canto al día y a la luna,
al mar, al tiempo, a todos los planetas,
a tu voz diurna y a tu piel nocturna.
*
La centaine d’amour
nrf
Poésie Gallimard
Parfois les choses durent – ( RC )
Parfois les choses durent
autant qu’elles le peuvent :
– C’est comme la preuve
de ce qu’elles endurent .
Il y avait quelques traits,
ceux de ton écriture,
posés dans le carnet,
avec désinvolture :
Comme ils m’étaient dédiés
ils sont restés,
au coeur même du papier :
on les dirait incrustés
unissant les paroles d’hier,
comme celles du temps qui passe
et se dépose sur la matière
avec une légère trace .
- C’était un échantillon
de la brillance de l’été :
– Souviens-toi du papillon
qui s’était frotté
sur la page :
avant qu’il ne s’en aille
pour un autre voyage :
– Il a laissé quelques écailles
qui brillent encore :
des pensées oubliées
– Comme un trésor
au fond de l’être aimé .
–
RC – avr 2017
( à partir des « cahiers du déluge » « constat #17 ) de Marlen Sauvage
Le cours d’eau blanc, issu du sol – ( RC )

image virtuelle – visualparadox
–
Sous la neige empilée
Tu imagines creuser un tunnel.
Il s’enfonce petit à petit
dans les profondeurs.
Tu y rencontres des murs de glace,
où des pierres semblent suspendues,
et des sables colorés,
répartis en strates.
Les milliers d’années écoulées,
sont là, sous tes mains.
En fait, tu creuses dans l’hier,
Toujours plus loin.
Et remonter à la source…
( ce qui me fait sourire ) – une source :
Comme si elle avait un début,
Et un débit de cours d’eau.
Un cours d’eau blanc,
dont l’origine – de lents flocons,
Ne serait pas aérienne,
Mais issue du sol, même.
–
RC- fev 2015
La joie ( Ile Eniger) – Pluie d’été ( RC )
A partir du beau texte de Ile Eniger, ( le premier), j’ai écrit le second…
La joie
–
Le pain brûlé des terres
La lumière en bras de ruisseaux
La perfusion du jour sur les heures de nuit
Les veines au cou de la montagne
Les vignes lourdes de vin vert
Le ciel marine à force de brasure
Les oursins de lavandes dans l’océan des champs
Les fenêtres ouvertes pour reprendre leur souffle
Et les rideaux fleuris
Les pas derrière la porte
La présence
La vie pleine forge
La centaine des blés pour un seul coquelicot
Le rouge du soleil en face
La joie
Légère comme une espadrille.
Copyright © Ile Eniger
–
pluie d’été
Légère comme une espadrille
Le pas suspendu
Au dessus des brumes
Elle flirte avec les dunes
Et se saisit des montagnes
Pour en faire des chapeaux
Qu’elle repose,de biais
Dans l’océan des champs
Si bien peignés de blés
Et qu’elle va visiter
Lorsque le ciel caresse le sol
Encore chaud de l’hier,
Et d’une fin d’été
Aux parfums de lavande
Et de la terre mouillée.
RC – 11 septembre 2012
en rapport avec la photographie voir aussi cet article
Copyright © R Chabriere
Jorge Luis Borgès – Je suis
Je suis le seul homme sur la Terre et peut-être n’y a t-il ni Terre ni homme.
Peut-être qu’un dieu me trompe.
Peut-être qu’un dieu m’a condamné au temps, cette longue illusion.
Je rêve la lune et je rêve mes yeux qui la perçoivent.
J’ai rêvé le soir et le matin du premier jour.
J’ai rêvé Carthage et les légions qui dévastèrent Carthage.
J’ai rêvé Lucain.
J’ai rêvé la colline du Golgotha et les croix de Rome.
J’ai rêvé la géométrie.
J’ai rêvé le point, la ligne, le plan et le volume.
J’ai rêvé le jaune, le rouge et le bleu.
J’ai rêvé les mappemondes et les royaumes et le deuil à l’aube.
J’ai rêvé la douleur inconcevable.
J’ai rêvé le doute et la certitude.
J’ai rêvé la journée d’hier.
Mais peut-être n’ai-je pas eû d’hier, peut-être ne suis-je pas né.
Je rêve, qui sait, d’avoir rêvé.
Jorge Luis Borgès
.
Dialogue des reflets (RC)
Dialogue des reflets
Cette fenêtre plate
N’ouvre sur aucune profondeur
Que la perspective éclate
En suivant ses lignes ferveur
Se révèlent à travers elle
Reflets et lumières
Qui n’habitent pas du réel
Mais le champ des hiers
Que tu ne vois pas de face…
Un dialogue du regard
En quelque sorte, une préface
Etablie avec mon miroir
Derrière, se jouent les scènes
Découpées dans le temps
Et souvent parsèment
Les espaces du vent
Des Velasquez en Ménines
Les psychés inclinées
De la chute en abîmes
Aux décors subliminés
Tu perçois dans le lisse
Ce que tu sens et devines
Les parcours factices
En brillances et patines
Reflets des matins
Les lumières fugaces
Des glaces sans tain
A la profondeur vorace
Portent vers le soir
Les portraits captés
L’épopée des noirs
Des regards arrêtés.
Si le miroir révèle
Les instants ébahis
C’est aussi en parcelles
Qu’il t’a saisie, et trahie
RCh 8-12-2011
A noter que le critique et philosophe sur l’art, Daniel Arasse, est l’auteur dans ses études sur les tableaux d’une analyse très intéressante sur le célèbre tableau de Velasquez: » les Menines »… qui a posé « question » à beaucoup de gens entre autre à des artistes, tels que Picasso, qui en a fait de très belles et personnelles variations, ainsi que le sculpteur et peintre Manolo Valdès…
Le heurt des ombres fait silence (RC)
C’est une ligne qui jamais ne fatigue
Elle porte une surface, rase ou plissée, selon,
Le heurt des ombres fait silence ,et
Le ciel s’incruste avec, courbe l’horizon
Et nous, de même…….
Ce que le jour donne à voir, nous l ‘habitons
Et le tragique modèle les ombres, en érosion
Griffe et sépare d’un trait de pinceau nerveux
Des plateaux majestueux, la toile horizontale
Avec des rêves d’îles, c’est le souvenir d’une mer,
D’un espace en suspension, avec la part d’attente
Accrochée aux sentiers et bouquets vert-de-sombre
De l’aimée qui n’a jamais goûté
L’austérité veloutée, et des gris feutrés
Et du souffle neigeux du chant de la terre
Regardant le passage de l’hiver
En se rappelant ce qui fut hier
La grande mer qui conduisait à toi
Et moi, de même ……..
la peinture en accompagnement, est une création personnelle intitulée « rencontres », technique utilisée : aquarelle