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Alain Leprest – J’ai peur


montage RC

J’ai peur des rues des quais du sang
Des croix de l’eau du feu des becs
D’un printemps fragile et cassant
Comme les pattes d’un insecte

J’ai peur de vous de moi j’ai peur
Des yeux terribles des enfants
Du ciel des fleurs du jour de l’heure
D’aimer de vieillir et du vent

J’ai peur de l’aile des oiseaux
Du noir des silences et des cris
J’ai peur des chiens j’ai peur des mots
Et de l’ongle qui les écrit

J’ai peur des notes qui se chantent
J’ai peur des sourires qui se pleurent
Du loup qui hurle dans mon ventre
Quand on parle de lui j’ai peur

J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur
J’ai peur

J’ai peur du coeur des pleurs de tout
La trouille des fois la pétoche
Des dents qui claquent et des genoux
Qui tremblent dans le fond des poches

J’ai peur de deux et deux font quatre
De n’importe quand n’importe où
De la maladie délicate
Qui plante ses crocs sur tes joues

J’ai peur du souvenir des voix
Tremblant dans les magnétophones
J’ai peur de l’ombre qui convoie
Des poignées de feu vers l’automne

J’ai peur des généraux du froid
Qui foudroient l’épi sur les champs
Et de l’orchestre du Norrois
Sur la barque des pauvre gens

J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur
J’ai peur

J’ai peur de tout seul et d’ensemble
Et de l’archet du violoncelle
J’ai peur de là-haut dans tes jambes
Et d’une étoile qui ruisselle

J’ai peur de l’âge qui dépèce
De la pointe de son canif
Le manteau bleu de la jeunesse
La chair et les baisers à vif

J’ai peur d’une pipe qui fume
J’ai peur de ta peur dans ma main
L’oiseau-lyre et le poisson-lune
Eclairent pierres du chemin

J’ai peur de l’acier qui hérisse
Le mur des lendemains qui chantent
Du ventre lisse où je me hisse
Et du drap glacé où je rentre

J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur
J’ai peur

J’ai peur de pousser la barrière
De la maison des églantines
Où le souvenir de ma mère
Berce sans cesse un berceau vide

J’ai peur du silence des feuilles
Qui prophétise le terreau
La nuit ouverte comme un oeil
Retourné au fond du cerveau

J’ai peur de l’odeur des marais
Palpitante dans l’ombre douce
J’ai peur de l’aube qui paraît
Et de mille autres qui la poussent

J’ai peur de tout ce que je serre
Inutilement dans mes bras
Face à l’horloge nécessaire
Du temps qui me les reprendra

J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur
J’ai peur
J’ai peur


Francis Blanche – Toi que voilà –


Horloge astronomique de la cathédrale Saint-Jean Lyon
                              
                              J'ai tout donné au soleil sauf mon ombre...

					Guillaume Apollinaire
 

			
Laisse couler le temps sous les doigts de l’horloge...
	J’ai bu l’oubli dans un verre brisé...
Le lustre semble un grand chagrin cristallisé
et l’heure - ô l’heure!... - est un miroir qui m’interroge...

Chaque date est un anniversaire oublié
et - souvent sans que tu le saches -
au creux de chaque jour se cache
un souvenir... presque un regret
si n’est brisé le lien secret
par lequel tout à tout s’attache...

	Et c’est par vagues que revient
	l’image des hiers si proches... si lointains!

        Le nez collé à la fenêtre
        tu regardes tomber la neige...
        Tout autour montent les maisons..
        Te voilà marchant à tâtons 
        dans les souterrains du collège.

Je te retrouve même
dans l'arrière-salle d’un bistrot
(le dôme Saint-Paul... te souviens-tu ?...)
pendant la classe de philo,
tu manges des croissants avec un café crème...
et Claude, qui veut être avocat, te parle en son langage
des droits contractuels issus du mariage...

Dans un auditorium où luisent des « silence »
te voilà devant un micro qui broie tes mots et qui les 
                                                    lance
aux quatre vents de la France...

Puis par un matin de fin août
quelqu'un que tu aimais bien sans le savoir, est mort
                                          tout à coup...
Un soir d'été, tu quittes toutes les choses familières...
À l'horizon, une mitrailleuse s’exaspère...
Et le pays se plie en deux comme une porte à glissière
Te voilà filant à soixante à l’heure derrière un camion
où rient des aviateurs qui n'ont plus leurs avions...
Ils mangent du jambon rose comme l'aurore.
En trombe on traversait Rabastens-de-Bigorre...

Tu as laissé dans un vallon de la Dordogne un peu
de ton espoir, de ton sourire... Il pleut...
Un autogire t’a sauvé la vie près de Périgueux.

Te voilà rédacteur d’un journal comme il faut
où les linotypistes ont tous un pied bot -
et chaque jour, ciseaux en main, vers midi
tu fais de la dentelle avec les quotidiens de Paris...


Et le temps passe... ton destin
se joue sur les rythmes d’automobiles ou de trains

... et puis, volant partout comme des papillons 
                                          de flamme,
tous ces regards tendres de filles femmes...
            Qu’ils soient rieurs ou tristes, 
            gais ou mélancoliques,

   ce sont les reflets des instants
qui sont gravés tout entiers dans le temps...
Quels qu’ils soient, ne les renie à aucun moment
   car tous ces souvenirs ne te trahiront jamais...
   Ils seront toujours là comme ils étaient...

... et même celui-là... ce regard presque bleu
       ces cheveux presque blonds, ce rire presque triste...
comme un roman mort-né qui se mélancolise,
tout cela a la douceur des espoirs pas tout à fait perdus...
et c’est tout ce qu'on demande aux reflets des miroirs...

Le souvenir, ce n’est qu’un regret apaisé
qui vient flotter comme un parfum de sauge...

Laisse couler le temps sous les doigts de l'horloge...

J ai bu l'oubli dans un verre brisé...



 

Francis Blanche

MON OURSIN ET MOI

Le Castor Astral


Wladyslav Szlengel – téléphone


Anniina Vainionpää , 2017 Black Suit

Téléphone

Le cœur brisé et malade,
l’esprit de l’autre côté,
je me suis retrouvé un soir,
près du téléphone.

Et je pense : ce soir
je vais appeler de l’autre côté
puisque je suis de permanence
au téléphone.

Et soudain je pense : mon Dieu
je n’ai plus qui appeler
mille neuf cent trente-neuf
j’ai suivi une autre voie.

Nos voies se sont séparées,
les amitiés se sont enlisées
et à présent, c’est ça,
je n’ai plus personne à appeler.

Un soir d’automne derrière la vitre
le vent d’automne fonce sur la voie
et je pense je voudrais appeler
mais je n’ai plus personne

Je prends le combiné,
au bout d’un fil piteux,
Je compose un numéro familier,
on répond… c’est l’horloge parlante.

Pardon, me reconnais-tu ?
je demande d’une petite voix.
Il y a des années le sept septembre
avant de me mettre en route,

en disant adieu à ma chambre, à l’aube,
je savais ce qui commençait
et pour la dernière fois
tu m’as dit il est déjà six heures…

Et maintenant, veux-tu me parler,
j’ai des larmes plein la gorge,
dis moi quelque chose, petite horloge…
dix heures cinquante-trois.

Combien de fois ai-je dû unir
ma vie à cette voix tranquille.
– Te souviens-tu, petite horloge ?
– Dix heures cinquante-six.

Dix heures cinquante-six
rappelle-toi — si tu veux —
en mille neuf cent trente-neuf
je sortais du cinéma.

Dix heures cinquante-sept,
pour rentrer j’ai pris le « Zéro »
rue du Houblon, du cinéma Atlantic,
d’un film de Gary Cooper.

Au coin de la rue Dorée,
le crieur vendait le Courrier Rouge,
sur l’asphalte s’allongeaient,
tels des aurores des néons colorés.

Le « Zéro » abordait un virage bien rond
en pénétrant le cœur de ma ville chérie
que dis-tu, petite horloge ?
— Onze heures…

La rue du Nouveau-Monde brillait encore
dans les parcs on se promenait encore
le Café Club était ouvert encore.
— Onze heures trois…

Au Quick des saucisses fraîches et la foule du dîner,
à l’Adria les taxis partaient en trombe,
et Fogg chantait dans le haut-parleur

Les tramways rentraient au dépôt
démarraient ceux de la nuit,
à quelle heure environ ?
– Onze heures quarante-six,

Comme c’est bien de parler avec toi,
pas de dispute, pas de divergences,
tu es, petite horloge, la plus gentille
de toutes les dames que j’aie connues.

Maintenant j’aurai le cœur plus léger
sachant que si j’appelle,
une personne m’écoutera calmement,
même de l’autre côté.

|Je saurai qu’elle se souvient de tout,
qu’un destin commun nous a uni,
qu’elle n’a pas peur de me parler,
et qu’elle a une voix si calme.


Déjà le clapotis des nuits d’automne,
le vent fonçant au-delà des p’tits murs
et nous causons, nous rêvons,
l’horloge parlante et moi.

Porte toi bien, ma lointaine,
il y a des cœurs où rien ne change,
midi moins cinq, dis tu,
tu as raison… — Au revoir alors.
Contes de Noël


Leon-Paul Fargue – Intérieur


 

peinture  Anton Pieck

 

Des toiles, des choses sèches pendent aux poutres…
Le vieux fusil dort fixement
Au mur clair…
Rêve à ton gré.
Tout est comme autrefois.
Ecoute…
La haute cheminée
Fait sa plainte ancienne et son odeur éteinte
Et tasse son échine de vieil oiseau noir…
Elle porte encore au front ses images d’âme crue
Et ses vases de loterie aux prénoms d’or…
Et l’horloge recluse dans l’ombre et la bure
Berce son cœur avec une douceur obscure…

Pareils à des visages ronds de spectateurs
Les plats se penchent aux balcons du vieux dressoir
Où des files de fruits qui font la chaîne, fleurent
Dans leur ruelle d’ombre couleur d’aubergine…
J’ouvre un tiroir où je vois passer des noix vides,
Un gros couteau à vingt lames, qui contient tout,
Et l’ombre de mes mains qui glisse sur les choses…
Et ce sont des couleurs vivantes, refroidies…
Et ce sont des odeurs d’intimités suries…
Ça sent la malle, et le poivre des vieux départs,
Et le livre de classe, et la chapelle éteinte…

Un vent tiède pousse des guêpes
Frapper à la lucarne bleue…
Un grand chat doucement passe comme on chuchote,
Et vous lève un regard où veille l’ennui sage
Du soleil dans la douve aux lentilles d’or vert…

Sois calme. Tout est là comme autrefois.
Ecoute…

Léon-Paul FARGUE « Pour la musique » (Gallimard)


Pierre Albert-Birot – La pendule


 

le matin du monde

Marc Chagall – le matin du monde 

 

 

Au plus bas de l’hiver dans le creux de la nuit

Las d’avoir l’œil ouvert tu peux quitter l’été du lit

Et venir te pencher sur le Temps

Cherchant à la myope au bord du cadran blanc

Les aiguilles et les lettres aux petits éclats d’or

Elles vont te dire avecque la divine indifférence

Qu’il est trois heures du matin

Et te voici tout ému qu’elle ne soit pas arrêtée

Tellement tu la vois moulée dans de la solitude

Comment son cœur a-t-il la place de faire un’deux

Une pendule est sans doute pendule

Jusqu’à la pointe du balancier

Pendule qui tient à son honneur est toute entière

Au souci de compter

Beau chanteur

Quand il arrive le jour voudrait la séduire

Pour la distraire et la voir enfin se tromper

Mais pendule est vertu même

Et la belle a juré fidélité au Temps

Rude amant

Qui saura jamais pourquoi elle reste ainsi

Collée au vieux

Par amour

Ou pour le rendre ridicule

Ou pour ne pas être seule au monde

 

 

Poésie 1938-1939

LA PANTHERE NOIRE 

Rougerie 


Patti Smith – M Train – ( le temps réel )


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J’ai refermé mon carnet et suis restée assise dans le café en réfléchissant au temps réel.

S’agit-il d’un temps ininterrompu ? Juste le présent ?

Nos pensées ne sont-elles rien d’autre que des trains qui passent, sans arrêts, sans épaisseur, fonçant à grande vitesse devant des affiches dont les images se répètent ?

On saisit un fragment depuis son siège près de la vitre, puis un autre fragment du cadre suivant strictement identique.

Si j’écris au présent, mais que je digresse, est-ce encore du temps réel ?

Le temps réel, me disais-je, ne peut être divisé en sections, comme les chiffres sur une horloge. Si j’écris à propos du passé tout en demeurant simultanément dans le présent, suis-je encore dans le temps réel ?

Peut-être n’y a-t-il ni passé ni futur, mais seulement un perpétuel présent qui contient cette trinité du souvenir.

J’ai regardé dans la rue et remarqué le changement de lumière. Le soleil était peut-être passé derrière un nuage. Peut-être le temps s’était-il enfui ? 

Patti Smith « M Train « 


Luc Berimont – Si le jour est venu


Maya Figurines Preclassic Period 1800 BCE-250 CE (8) 411522480

sculptures:   têtes  ( art Maya )

 

Si le jour est venu dans un jet d’étendards
Le soir s’en est allé avec la proie de l’ombre
Mes frères, les humains, qui veillez sur le tard
Je n’ai connu de vous que l’amitié du pain.

Je penche mon visage à dormir sur ma main
J’entends gonfler des voix dans le gras des collines
Les piverts ont cloué des forêts de sapins
Le feu n’avait plus faim de mes arbres de verre
Une horloge battait à la tempe du temps.

Mes frères, les humains, qui veillez sur la terre
– Maraudeurs accoudés dans le verger des lampes –
Jetez-moi vos fruits d’or jusqu’au frais du matin
Couvrez-moi de vos cris, de soupe, de chaleur
Que je brave la peur, la lune et les feuillages.

 

LUC BERIMONT « Poésies complètes »


Li-Young Lee – Attends le soir


gravure:  Edward Munch

gravure:        Edward Munch

 

Attends le soir.

Après, tu seras seul.

Attends que le terrain de jeu soit vide.

Puis appelles tes compagnons d’enfance:

Celui qui ferme les yeux

et fait semblant d’être invisible.

 

Celui à qui tu as dit tous les secrets.

Celui qui a fait tout un monde d’une cachette.

Et n’oublies pas celui qui écoutait en silence

tandis que tu te demandais à haute voix:

L’univers est un miroir vide?     Un arbre en fleurs?

Est –ce que c’est l’univers du sommeil d’une femme?

 

Attends dernier bleu du ciel

(La couleur de ta nostalgie).

Alors tu connais  la réponse.

Attends le premier or de l’air           ( cette couleur de l’Amen).

Alors tu iras espionner la progression des  pieds nus du vent.

Tu te rappèleras cette histoire , au début

avec cet enfant qui s’égare dans les bois.

 

Sa recherche se passe dans l’ombre grandissante

De l’horloge.

Et le visage derrière le visage de l’horloge

n’est pas le visage de son père.

Et les mains derrière les aiguilles de l’horloge

ne sont pas les mains de sa mère.

Cà a toujours  commencé quand tu as répondu

aux noms que  votre père et mère t’ont donné.

 

Bientôt, ces noms se déplaceront avec les feuilles.

Ensuite,tu pourras changer de place avec le vent.

Alors tu te souviendras de ta vie

comme d’un livre aux chandelles,

chaque page étant  lue par la lumière de leur propre combustion.

 

 

( tentative  de traduction:   RC  )


Li-Young Lee – Oreiller


 

art: détail de peinture de  Peter Vanderlyn  1730

art:     détail de peinture  de           Peter Vanderlyn       1730

 

 

 

Oreiller

Rien
que je ne puisse trouver là-dessous.
Des voix dans les arbres.
Les pages manquantes de la mer.
Tout
sauf le sommeil.

Et la nuit est une rivière
reliant les rivages du dire
à ceux de l’écoute.
Une forteresse
inviolée,
indéfendue.

Rien
qui ne puisse y être contenu :
fontaines obstruées
de boue et de feuilles,
habitacles de l’enfance.

Et la nuit commence
avec les doigts de ma mère
délaissant les fils noués
et dénoués
pour effleurer les motifs de notre histoire
à vif.

La nuit est l’ombre allongée
des mains de mon père
réglant l’horloge
pour la ressusciter.
Ou alors celle
de la pendule disloquée,
et des chiffres qui s’envolent.

Rien qui n’y ait trouvé sa place :
plumes élimées,
chaussures orphelines,
un alphabet en miettes.
Tout
sauf le sommeil.

Et la nuit commence
avec la première décapitation
du jasmin.
Son parfum captif débarrassé enfin
de la parure du deuil.


Pillow

There’s nothing I can’t find under there.
Voices in the trees.
The missing pages of the sea.
Everything but sleep.

And night is a river
bridging the speaking
and the listening banks.
A fortress,
undefended and
inviolate.

There’s nothing that
won’t fit under it :
fountains clogged with
mud and leaves.
The houses of my chilhood.

And night begins when
my mother’s fingers
let go of the thread
they have been tying and
untying
to touch toward our
fraying story’s hem.

Night is the shadow of
my father’s hands
setting the clock for
resurrection.
Or is it the clock
unraveled, the numbers
flown ?


Le concert des fausses notes ( RC )


 

retable d ‘Issenheim : tentation de St Antoine

Les cors essoufflés font avec, les violons langoureux
Un dialogue grisé,        qui éteint le décor.
La symphonie fantastique a mille retours

Gnomes et djinns me soufflent au visage
Une haleine soufrée, des cloches fêlées
Les héros politicards,        vite endormis

Aux matières sournoises, se drapent dans le pourpre
Et s’entourent de mains molles,
D’anciennes affiches pendantes, en clones plats

Le miroir                   n’a plus à raconter l’avenir,
L’humanité pleure, le concert des fausses notes
Les saxophones barbotent en faux airs enjoués,

Le fossoyeur,            jette une tasse brisée
Avec les fleurs passées du retable d’Issenheim,
Les tarots alignés,           montrent bâtons,

Les mères pleurent leurs fils partis
–            Combattre d’autres enfants,
…..L’au delà des frontières, appelle chimères.

Chaque coup marqué par les timbales
– cerne le présent , celui d’ ici –
Les hennissements des trompettes…

Après la “marche au supplice’
>                          Rendez-vous sous l’horloge…
… maintenant avec des chiffres,       elle égare ses aiguilles

Qui défilent, et le progrès qu’on emballe;
Cacophonie ouatée,             cuivres ternis
Les pères ont disparu –    On leur a menti

–                                   La fumée jaunasse des usines
Au dernier mouvement,        noie bientôt l’orchestre…
Et ses ressacs d’un matin.           – insolvables –

RC – 22 septembre 2012

( composé au souvenir d’un panneau du retable d’Issenheim, de Grünewald,             dont la
reproduction illustrait la “symphonie fantastiques ” de Berlioz )

Caricature d’Hector Berlioz          par Etienne Carjat, 1858

Marie-Claire Bancquart – Absence


     3753922655_476de2a7d5_oAbsence

volume: Martin Puryear

 

 

Un sourd qui essaierait de toucher la musique

S’interrogeant

Avec ses doigts

Sur la courbe des notes

L’absence coeur déteint

La table même a l’air fragile

Dans les rêves vient une horloge

Qui broute du brouillard                                                          

Inhabitable

Le corps où dépareille

Un sang que l’on croyait jumeau d’un autre

On aimerait tuer l’espace.

 


Examens ( RC )


C’est tout un rassemblement qui s’aligne

Toute une cohorte de têtes  qui se penchent

Et que défient le sablier des minutes

A la progression lente…

 

L’extérieur se heurte aux façades et plantes,

Et de vie , n’a d’horloge que sa course circulaire

Hameaux de nuages pourchassés par le vent, le soleil, les rideaux

Temps  découpé, la pendule des savoirs

 

Aux fronts plissés, fait écho à la mémoire

La teneur des choses, au long des années   –  convoquée

Tient en questions et réponses,

 

Quelques feuillets d’une  écriture large

Un espace ouvert, laissé à la marge.

 

 

RC          – 28 juin 2012

 

 


Paul Celan : Cologne (adaptation de) – Ahmed Bengriche


A visiter ce site foisonnant de textes, d’auteurs  très intéressants  dont Ahmed Bengriche  se fait l’écho,  ainsi  que des adaptations personnelles, dont  voici l’une  d’entre  elle  prise  « au hasard », mais j’y ai tout de suite perçu une  sensibilité  de haute volée…

intérieur cathédrale de Cologne

Cologne

 

Temps du cœur, ils sont debout

les rêvés

pour les chiffres de minuit.

 

un peu parla dans le silence immobile, un peu se tut

un peu alla son chemin.

Banni et perdu

étaient chez eux.

 

Vous cathédrales.

Vous cathédrales, pas vu

vous fleuves, pas entendu

vos horloges si profondes en nous.

Lit de neige

 

Yeux, aveugles au monde, dans la faille du mourir : je viens,

pousse rude au cœur.

je viens.

 

Mur de l’abrupt, miroir de la lune. En bas.

(Lueur tachée de souffle. Sang strié.

Âme nuageuse qui encore une fois est proche d’une figure.

Ombre des dix doigts-enserrés)

 

Yeux, aveugles au monde

yeux dans la faille du mourir,

Yeux, yeux ;

Le lit de neige sous nous deux, le lit de neige.

 

Cristal sur cristal,

au temps profond emprisonné, nous tombons,

nous tombons et gisons et tombons,

et tombons :

 

Nous fûmes, nous sommes.

Nous sommes une chair avec la nuit,

à la lisière, à la lisière.

photo Elaine V – passant devant les « boîtes » ( installation Chr Boltanski )


L’horloge du soleil, n’a pas d’aiguille (RC)


photo perso: Champerboux ( Lozère)... soleil au soir sur le causse de Sauveterre d'autres idées de la région ? - c'est sur photo-loz

Si l’ombre , avec le soleil, joue  à cache-cache

Les nuages  au-dessus des vallons, font  » tache »

Poussés par le vent, ils balaient l’ennui

Et dessinent, en contraste, des morceaux de nuit

 

C’est comme d’une  grande  toile,  le dessin

Et  au fond, apparaît des maisons de village, l’essaim

Alors, brille  soudain d’une  fenêtre, le reflet

Un éclat, qui clignote un instant,    – en effet

 

En réponse aux nuages, un instant distraits

Laissant s’évader, de la lumière, un trait

Un trait de pinceau qui repousse l’ombre

Couleurs, retrouvées, que les nuées encombrent

 

L’horloge du soleil, n’a pas  d’aiguille…

Elle  désigne, de surprise, un endroit qui vacille

Se dérobe soudain, pour naître encore au regard

Au jeu des statues  d’ombres, fruit du hasard

 

—-

 

Si l’horloge se figeait – et qu’elle  s’immobilise

Un arrêt sur l’image – le temps n’a pas de prise

Le passager, dédaignant les passages furtifs

Fixe, en dehors des jours et heures, le définitif

 

Tel endroit, empêtré dans l’ombre, jamais ne se réveille

Et tel autre se dessèche, toujours sous le soleil

Voilà  qui sur terre,              ferait du bruit

A vouloir échanger   des morceaux de nuit

 

Contre, des îles  de soleil, la caresse

Toutefois, sous l’ère de la sécheresse

On inventerait  un jeu de miroirs

Pour prélever du clair, sur le noir

 

On ferait appel aux  sorciers, et leurs  grimoires

Pour trafiquer, les cours de l’espoir

Ce serait,            – vous m’avez compris

Encore un mirage,                   de l’esprit

 

—-

 

Mais rassurez vous,  ce n’est qu’une illusion

La terre  a repris, lentement,  sa rotation

Et en levant les  yeux,         –    au dessus de votre rue

Car le soir a placé ses pions,  et la lune,             –   apparue…

RC – 16 avril 2012

voir  précisément à ce sujet  les  photos  de lumières  de juin, ici

photo perso - Causse de Sauveterre - 2008


Maurice Chappaz – Apres il y a un oiseau


 

 

Apres il y a un oiseau
qui vient toujours taper du bec au bord de la fenêtre
et Samuel dit :
«J'aurais dû m'enfuir avec eux,» 
Tous les hommes au bord de la tombe
sont partis cet hiver,
ils ont longtemps écouté l'horloge,
ils ont longtemps léché les cuillerées de miel
et le creux des tasses
où il est peint une fleur. 
Puis un grand vent est venu
fracassant les branches d'arbres. 
Ou bien la lumière a baissé dans la chambre 
mais dehors la neige était éblouissante. 
Elle a fondu près du lit.
On entendait le tic-tac des cœurs.

Comptine de ma vie toujours en retard.

©  Maurice Chappaz

Extrait de: Á rire et à mourir

Editions Bertil Galland , Vevey 1983

 

photo perso: exposition  « lieux habités »         musée de St Brieuc      2010