Peter Kràl – Longueur des après-midi

Un claquement de porte de loin en loin
entrouvre dans l’hôtel une parenthèse de plus
derrière une chambre où le téléphone s’acharne à sonner
s’en taisent inoccupées deux autres
le frottement de deux pieds dans le couloir
s’approche du tâtonnement d’une main sur une poignée
le musclé fit descendre au fitness les jambes en short
la starlette dans le hall disparut derrière les disques noirs
de ses super-lunettes la main soignée continue d’éventer
d’une carte de crédit le précieux laidron canin
dans la distante mémoire familiale ils chaviraient
un par un comme des quilles insonores une Agnès
ou un Guillaume inconnus çà et là remplirent l’intervalle
entre deux François
des mains de virtuose pas plus qu´un œil d’expert
ne protégeaient contre la piqûre d’un dard de démence
du fond du couloir part en inspection un curé
ou un chef de clinique avec sa suite
de l’ascenseur débarque à l’étage un trône vide
Pourquoi je dors dans le couloir – (RC )
Je dors à même le sol,
dans le couloir de l’hôtel.
L’air a été meurtri de couches diffuses
de tabac froid.
J’imagine qu’il y a
derrière les portes de chambres,
des lumières falotes,
et une photo défraîchie
d’une baie, quelque part,
en méditerranée.
C’est étonnant comme les choses immobiles
traversent les années.
Si le bâtiment s’écroule,
et qu’on voie comme si une tronçonneuse
était passée au travers
il y aura de chambre en chambre,
ce papier peint identique
à rayures verticales,
ces photos de la baie,
et la trace en clair, sur le mur
des armoires hautaines,
ayant déposé leur ombre,
puis qui ont basculé
avec les étages
avec une pluie de gravats.
–
Je dors à même le sol,
dans le couloir de l’hôtel.
Je n’ai pas voulu entrer
dans la chambre
que j’ai réservée ,
où l’on ne dort
que d’un sommeil anonyme.
Mais j’entends tous les bruits.
Mes voisins qui ronflent,
l’armoire noire qui baille
attendant le bon moment
pour libérer les serpents.
Ils ne vivent que la nuit
et répandent leur venin
obséquieux dans les rêves
de citadins de passage
qui traversent les voyageurs .
La ville coasse encore
sous l’effet de la brume
et des lampes à iode :
une atmosphère de fête
qui plaît aux rongeurs.
Ils grouillent de partout
pénètrent dans les moindres interstices
et prennent le pouvoir:
leurs reflets dans leurs yeux,
sont comme de petites lucioles
Ils sortent même des lambris,
renversent les brosses à dents
et dévorent les tapis.
Vous devez maintenant savoir
pourquoi je dors dans le couloir.
–
RC – janv 2019
Blockhaus en front de plage ( RC )

hotel Adghir Alger- Bordj El Kiffan,
–
Blockhaus en front de plage
Immeuble de béton sur sept étages
Posé comme un cube prétentieux
Frontière de quartiers miséreux…
L’ailleurs reste surtout un peut-être
La mer ne se voit, qu’avec un reflet de fenêtre
d’en face, …. carré dans la façade grise
Du grand hôtel, où le temps s’éternise
Je peux toujours compter les plaques de marbre
Ou chercher au loin les arbres
Une prison dorée reste une prison,
Et la vue ne s’échappe pas sur l’horizon
–
RC – 23 décembre 2012 – Alger
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Destination – Afrique -exotique (RC)
Image; Th Sankara – ( ex président du Burkina-Faso, – assassiné)
–
Un ptit tour en Afrique ?
Des pays en devenir
Le rêve ou l’avenir,
Je vais en touristique
Ne parlant que de moi
Du côté bien-heureux
De ces gens chaleureux
Je vous jure, de toute bonne foi
Ici, point on ne gèle
C’est déjà un avantage
Du fait de mon grand age
D’ailleurs je vais dans les hôtels
–
Les quatre étoiles me vont bien
Le tapis rouge est là
Sous mes gestes las
On ne manque de rien
A mon service on s’précipite
Et c’est si sympathique
Ces pays , de noms exotiques
Que les gens noirs habitent
Surchargés de peaux d’ombres
C’est un beau camouflage
J’avoue, avec l’usage
J’apprécie le sombre
Au coin du restaurant
Y en a qui tendent la main
———-A chacun son destin …
Partout y a des mendiants
Toujours prêts à profiter
Des touristes de passage
Encombrés de bagages
Au soleil de l’été !!
Ils ont pourtant dla chance
D’écouter dla musique
En mouvements diaboliques
Favorisant la danse !
Ici c’est l’beau temps
Et pas b’soin d’parapluie
La pluie, çà, c’est d’un ennui !
Qui fait fuir les gens…
—J’ai entendu aux infos
Que l’on parlait de guerre
De faim et de misère
Mais tout cela est faux
Ou , c’est un peu plus au nord
Y a toujours des gens
Qui sont jamais contents
Et qui comptent les morts
De défilés en parades
Y a eu d’l’animation
Des soldats en mission
Qui montaient la garde
Au bout de l’avenue
Et ils jouaient les durs
Mais avaient de l’allure
Avec leur belle tenue
La casquette à visière
Des gradés arrogants
Avec leurs gants blancs
– ce qu’ils étaient fiers ! –
Enfin ici, c’est cool
D’abord je m’en balance
Je suis là, en vacances
J’ai même joué aux boules
Avec le cuisinier
Il était très aimable
Sur la plage, sur le sable
Et sous les palmiers
Puis sieste en transat
Le cocktail en main
Cà vaut pas le vin
A l’abri des nattes
Il fait très chaud ici
Mais sans faire de frime
Y a aussi la clim’
Qui fonctionne aussi
J’aurais pu aller ailleurs
Mais quelle importance
Pour être en vacances
—–Y a toujours meilleur
Le décor original
Pour un court séjour
Vaut ce petit tour
Bamako,, et Dakar, au Sénégal
Vivant à l’occidental
Le quartier d’la plage
Est un gros village
Faut qu’j’envoie mes cartes postales.
—
pour souligner un certain contraste entre mon texte « touristique », au second degré,
et certains ressentis poétiques concernant le même pays,
ou l’actualité de certains pays d’Afrique: récemment la Côte d’Ivoire, aujourd’hui le Mali.., rendez-vous sur cette page de la poésie-actuelle… qui a pour mot clef,justement, Bamako…
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Robert Piccamiglio – Midlands – 01
J’apprécie beaucoup les textes de Robert Piccamiglio; Poète, il est aussi l’auteur de romans et pièces de théâtre…
Son grand récit « Midlands », fait écho – hommage, à son père, mineur…
en voici un court extrait… ( j’ai fait attention à respecter les retours de ligne).
———
Le matin quand je suis parti
Peggy dormait encore.
Ou faisait-elle seulement semblant ?
Mais quelle importance !
elle avait su se montrer si aimante
malgré la tristesse de ses yeux.
Avant de quitter la chambre une main sur la poignée’ de la porte j’ai fait un signe amical aux poissons multicolores enfermés dans l’aquarium.
Toujours en mouvement. Nageant silencieusement. Sans but.
Mais pourquoi dans le fond faudrait-il toujours chercher un but?
De Denvers nous avions filé dès le lendemain vers le Texas. Houston.. La ville près du désert.
De la fenêtre de l’hôtel je l’apercevais au loin. Charnel. Immobile. Mystérieux.
Avec ces dunes déployées
comme des ailes battant d’une mesure millénaire les promesses de l’horizon.
J’ai fermé les yeux
et j’ai pensé à des épaules dénudées
de femmes.
Ces femmes que nous avons cru aimer.
Ou était-ce nous-mêmes que nous cherchions
à aimer un peu plus à travers elles ?
Le matin la fille est sortie la première de la chambre. Je devais dormir. Ou je faisais seulement semblant