voir l'art autrement – en relation avec les textes

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Peter Kràl – Longueur des après-midi



photographie: Martin Parr

Un claquement de porte de loin en loin
entrouvre dans l’hôtel une parenthèse de plus
derrière une chambre où le téléphone s’acharne à sonner
s’en taisent inoccupées deux autres
le frottement de deux pieds dans le couloir
s’approche du tâtonnement d’une main sur une poignée
le musclé fit descendre au fitness les jambes en short
la starlette dans le hall disparut derrière les disques noirs
de ses super-lunettes la main soignée continue d’éventer
d’une carte de crédit le précieux laidron canin
dans la distante mémoire familiale ils chaviraient
un par un comme des quilles insonores une Agnès
ou un Guillaume inconnus çà et là remplirent l’intervalle
entre deux François
des mains de virtuose pas plus qu´un œil d’expert
ne protégeaient contre la piqûre d’un dard de démence
du fond du couloir part en inspection un curé
ou un chef de clinique avec sa suite
de l’ascenseur débarque à l’étage un trône vide


Pourquoi je dors dans le couloir – (RC )


 

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Je dors à même le sol,
dans le couloir de l’hôtel.

L’air a été meurtri de couches diffuses
de tabac froid.

J’imagine qu’il y a
derrière les portes de chambres,
des lumières falotes,
et une photo défraîchie
d’une baie, quelque part,
en méditerranée.

C’est étonnant comme les choses immobiles
traversent les années.
Si le bâtiment s’écroule,
et qu’on voie comme si une tronçonneuse
était passée au travers

il y aura de chambre en chambre,
ce papier peint identique
à rayures verticales,
ces photos de la baie,
et la trace en clair,         sur le mur

des armoires hautaines,
ayant déposé leur ombre,
puis qui ont basculé
avec les étages
avec une pluie de gravats.

Je dors à même le sol,
dans le couloir de l’hôtel.

Je n’ai pas voulu entrer
dans la chambre
que j’ai réservée ,
où l’on ne dort
que d’un sommeil anonyme.

Mais j’entends tous les bruits.
Mes voisins qui ronflent,
l’armoire noire qui baille
attendant le bon moment
pour libérer les serpents.

Ils ne vivent que la nuit
et répandent leur venin
obséquieux dans les rêves
de citadins de passage
qui traversent les voyageurs .

La ville coasse encore
sous l’effet de la brume
et des lampes à iode :
une atmosphère de fête
qui plaît aux rongeurs.

Ils grouillent de partout
pénètrent dans les moindres interstices
et prennent le pouvoir:
leurs reflets dans leurs yeux,
sont comme de petites lucioles

Ils sortent même des lambris,
renversent les brosses à dents
et dévorent les tapis.

Vous devez maintenant savoir
pourquoi je dors dans le couloir.


RC – janv 2019


Cette dame blanche – ( RC )


photo :  Elisabeth Kalinovski

 

 

C’est cette dame blanche,

qui ne se montre qu’en robe de soir,

au milieu des étoiles.

 

Certains disent que c’est comme une bulle,

échappée de l’étang ,

que les arbres n’ont pas pu retenir,

ni les oiseaux

 

et qui n’en finit pas de grossir,

légère et qui s’envole

toute ronde,

 

pour faire le tour du monde,

emportant son secret

dans sa face cachée .

 

Elle se méfie des hommes,

et de leur indiscrétion :

ils ont débarqué un jour sans prévenir,

ayant décidé de venir

à bord d’un vaisseau métallique,

dans une étendue désertique.

 

( un endroit impersonnel :

Y avait même pas un hôtel) !

Mais la dame étant fière :

 

elle n’a donné aux hommes que de la poussière,

car malgré sa bienveillance,

elle garde ses distances .

– L’espace est immense,

et tout le temps elle danse :

et tourne sans bruit :

Elle se fait belle chaque nuit

pour se faire caresser par le soleil :

Sa lumière l’émerveille .

 

Depuis la nuit des temps,

elle rêve d’en faire son amant .

( Aujourd’hui la lune est rousse

 

regarde comme sa peau est douce ! )

Elle n’a rien d’un épouvantail,

à cause de sa petite taille :

 

mais elle grossit de jour en jour :

et compte bien jouer un bon tour

à la terre

 

qui la maintient prisonnière :

elle se réveillera en sursaut,

sans ses ruisseaux,

 

et la mangera petit à petit

avec grand appétit :

La terre sera son satellite

 

elle la prendra sous son orbite

elle deviendra planète à son tour

ne serait-ce que par amour

et concurrencer Vénus .

 

Elle a bien d’autres astuces,

car notre dame blanche

voudrait bien prendre sa revanche :

 

( avoir à ses pieds le système solaire ! )

  • ça, ce serait le monde à l’envers !

RC- nov 2016


Blockhaus en front de plage ( RC )


hotel Adghir          Alger-        Bordj El Kiffan,

Blockhaus en front de plage

Immeuble de béton sur sept étages

Posé comme un cube prétentieux

Frontière de quartiers miséreux…

 

L’ailleurs reste surtout un peut-être

La mer ne se voit, qu’avec un reflet de fenêtre

d’en face,   ….  carré dans la façade grise

Du grand hôtel, où le temps s’éternise

 

Je peux toujours compter les plaques de marbre

Ou chercher au loin les arbres

Une prison dorée reste une prison,

Et la vue ne s’échappe pas  sur l’horizon

 

RC   – 23 décembre 2012    –   Alger


Destination – Afrique -exotique (RC)


Image; Th Sankara   – ( ex président du Burkina-Faso,   – assassiné)

 

Un ptit tour en Afrique ?

Des pays en devenir

Le rêve ou l’avenir,

Je vais en touristique

 

Ne parlant que de moi

Du côté bien-heureux

De ces gens chaleureux

Je vous jure, de toute bonne foi

 

Ici,           point on ne gèle

C’est déjà     un avantage

Du fait de mon grand age

D’ailleurs je vais dans les hôtels


Les quatre étoiles me vont bien

Le tapis rouge est là

Sous mes gestes las

On ne manque de rien

 

A mon service on s’précipite

Et c’est si sympathique

Ces pays , de noms exotiques

Que les gens noirs habitent

 

Surchargés de peaux d’ombres

C’est un          beau camouflage

J’avoue,                 avec l’usage

J’apprécie                le sombre

 

Au coin du           restaurant

Y en a qui tendent      la main

———-A chacun son destin …

Partout y a       des mendiants

 

Toujours prêts à profiter

Des touristes de passage

Encombrés de bagages

Au soleil de l’été  !!

 

Ils ont pourtant dla chance

D’écouter dla musique

En mouvements diaboliques

Favorisant la danse !

 

Ici c’est l’beau temps

Et pas b’soin d’parapluie

La pluie, çà, c’est d’un ennui !

Qui fait fuir les gens…

 

—J’ai entendu aux infos

Que l’on parlait de guerre

De faim et de misère

Mais tout cela est faux

 

Ou , c’est un peu  plus au nord

Y a toujours des gens

Qui sont jamais contents

Et qui comptent les morts

 

De défilés en parades

Y a eu d’l’animation

Des soldats en mission

Qui montaient la garde

 

Au bout de l’avenue

Et ils jouaient les durs

Mais avaient de l’allure

Avec leur belle tenue

 

La casquette à visière

Des gradés arrogants

Avec leurs gants blancs

– ce qu’ils étaient  fiers ! –

 

Enfin ici, c’est cool

D’abord je m’en balance

Je suis là, en vacances

J’ai même  joué aux  boules

 

Avec le cuisinier

Il était très aimable

Sur la plage, sur le sable

Et sous les palmiers

 

Puis  sieste en transat

Le cocktail en main

Cà vaut pas le vin

A l’abri des nattes

 

Il fait très chaud ici

Mais sans faire de frime

Y a aussi la clim’

Qui fonctionne  aussi

 

J’aurais pu aller ailleurs

Mais quelle importance

Pour  être en vacances

—–Y a toujours meilleur

 

Le décor  original

Pour un court séjour

Vaut ce petit tour

Bamako,, et Dakar, au Sénégal

 

Vivant à l’occidental

Le quartier d’la plage

Est un gros village

Faut qu’j’envoie mes cartes postales.

 

 

pour souligner un certain contraste entre mon texte  « touristique », au second degré,

et certains ressentis poétiques  concernant le même pays,

ou l’actualité de certains pays d’Afrique: récemment la Côte d’Ivoire,  aujourd’hui le Mali..,  rendez-vous  sur cette page de la poésie-actuelle…  qui  a pour mot clef,justement,  Bamako…

 


Robert Piccamiglio – Midlands – 01


J’apprécie beaucoup les textes  de Robert Piccamiglio;  Poète, il est aussi l’auteur  de romans  et pièces  de théâtre…

Son grand  récit  « Midlands », fait écho  – hommage, à son père, mineur…

en voici un court extrait…   (  j’ai fait attention à respecter  les  retours de ligne).

peinture: Tentation de St Antoine - Jerome Bosch

 

———

Le matin quand je suis parti

Peggy dormait encore.

Ou faisait-elle seulement semblant ?

Mais quelle importance !

elle avait su se montrer si aimante

malgré la tristesse de ses yeux.

Avant de quitter la chambre une main sur la poignée’ de la porte j’ai fait un signe amical aux poissons multicolores enfermés dans l’aquarium.

Toujours en mouvement. Nageant silencieusement. Sans but.

Mais pourquoi dans le fond faudrait-il toujours chercher un but?

De Denvers nous avions filé dès le lendemain vers le Texas. Houston.. La ville près du désert.

De la fenêtre de l’hôtel je l’apercevais au loin. Charnel. Immobile. Mystérieux.

Avec ces dunes déployées

comme des ailes battant d’une mesure millénaire les promesses de l’horizon.

J’ai fermé les yeux

et j’ai pensé à des épaules dénudées

de femmes.

Ces femmes que nous avons cru aimer.

Ou était-ce nous-mêmes que nous cherchions

à aimer un peu plus à travers elles ?

Le matin la fille est sortie la première de la chambre. Je devais dormir. Ou je faisais seulement semblant