Miguel Angel Asturias – marimba chez les indiens

La marimba pond ses œufs dans les astres…
Oh la la, quel caquet
pour un œuf que tu ponds !
Eh, venez donc le pondre !
La marimba pond des œufs dans les astres…
Le soleil est son coq, il la coche, il la saigne.
La marimba pond des œufs dans les astres.
Oh la la, quel caquet
pour un œuf que tu ponds !
Eh, venez donc le pondre !
Dans les calebasses au trou noir de noix de coco
et aux membranes de tripes tendues il y a des
sanglots de mouches,
de poissons-mouches, d’oiseaux-mouches…
Et le charivari de la perruche verte
et le crépitement de l’oiseau jaune en flammes,
et le vol tournoyant du guêpier bleu de ciel,
et les quatre cents cris du moqueur d’Amérique.
Le moqueur a sifflé, le guêpier a volé
l’oiseau jaune a flambé, la perruche a crié.
Oh la la, quel caquet
pour un œuf que tu ponds !
Eh, venez donc le pondre !
Musique entre les dents et la peur endormie,
jetée par des hommes de pierre-foudre vêtus de blanc,
qui du haut du soleil tendent leur bras de feu
et leurs doigts armés de baguettes brûlées aux longs
cheveux de caoutchouc
qui frappent la face sonore du clavier à peine soutenue
par les fils de quatre couleurs
en bariolant les airs : vert, rouge, jaune, bleu….
Son-roulement de pluie des tissages célestes !
Son-roulement de pluie de la ruche du monde !
Son-roulement de pluie de la sueur des humains !
Son-roulement de pluie du pelage du tigre !
Son-roulement de pluie de la robe de plumes !
Son-roulement de pluie des robes de mais !
Rainer Maria Rilke – Élégies de Duino (extrait)

Et qui, si je criais, m’entendrait donc depuis les ordres
des anges ? Et quand bien même l’un d’entre eux soudain
me prendrait sur son cœur : son surcroît de présence
me ferait mourir. Car le Beau n’est rien d’autre que
ce début de l’horrible qu’à peine nous pouvons encore
supporter,
Et nous le trouvons beau parce qu’impassible il se refuse
à nous détruire ; tout ange est terrifiant.
Et donc je me retiens et ravale l’appel d’obscurs sanglots.
Ah, de qui pouvons-nous donc avoir besoin ?
Ni d’anges, ni d’humains,
et les bêtes ingénieuses voient déjà bien
que nous ne sommes pas si confiants que cela
sous nos toits dans l’univers expliqué.
Peut-être qu’il nous reste
quelque arbre sur la pente,
où nous pourrions chaque jour le revoir ;
il nous reste la route d’hier
et la fidélité mal élevée d’une habitude
qui s’est bien plu chez nous et n’est pas repartie.
Ô la nuit, et la nuit quand le vent emblavé d’univers
nous dévore le front —
traduction de Jean-Pierre Lefebvre
Leliana Stancu – berçeuse

Petrov-Vodkin, Kuzma détail de la peinture « l’alarme »
Mon enfant, mon ange,
C’est un rêve étrange,
Chaque soir quand je veille
Ton profond sommeil,
Quand le crépuscule
Emporte tous les jours
Vers d’autres soleils
Attendant l’éveil,
Signe que les Dieux
Avec leurs aveux
Embrassent d’autres mondes,
Et l’amour inonde
Tour à tour, les terres,
Même si celles d’hier,
Vivant en caresse,
Demain, ils les blessent…
Mon enfant, mon rêve,
Chaque jour qui s’achève,
Je murmure un doux
Chant, sur tes chères joues,
Comme une belle corolle
De merveille étole,
Tu m’entends, je sais,
Dans ton monde de fées,
Sans avoir l’orgueil
De donner conseils,
Que même dans ma vie
Je n’ai pas suivis,
Juste quelques légendes,
Ensuite je défends
Tes éternels rêves,
Mon enfant, ma sève…
Mon enfant déesse,
Reçois ma tendresse,
Un jour viendra
Quand on partira
Sur des terres de conte,
Sur des anodontes,
Dans des lointains,
Au-delà des humains,
Quand les beaux voyages
Finiront d’ancrage,
Mais je te promets
Ma bienfaisante fée,
Que tu ne perdras
A jamais mes bras,
Tu vivras toujours
L’infini amour…
–
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Ange empêché – ( RC )
peinture: Odilon Redon ( l’ange déchu )
L’ange s’est , d’un coup de prière
Déplacé du vitrail,
Accompagnant de rayons,
Les âmes sombres,
Là où la lumière renonce,
A aller plus loin….
Car la porte du ciel était close,
Sur ce qui suinte,
Davantage que les larmes,
– celle des cierges –
Vite figées comme ce qui transpire
Des confessionnaux.
L’ange assistant aux offices,
Aux cérémonies,et rites
N’émit pas d’opinion,
Sur ce qui est factice
Dans la religion,
Et sa pratique hypocrite,
La crainte des démons,
La morale et ses sermons,
Contrition et pénitence…
Malgré une infinie patience,
Finit par abdiquer,
Et, de guerre lasse,
–
Voulut reprendre sa place,
En laissant à d’autres,
La lourde tâche
De laver les péchés
– et autres tâches-
méritant l’absolution,
celles dont les prêtres s’acquittent,
avec l’habitude,
qui sied à leur profession.
Notre ange fut pourtant empêché,
De rejoindre dans l’air pur,
( peint d’un traditionnel azur ),
Les autres figurant
Un saint Sacrement,
porté dans les airs,
dessiné sur le verre…
Le vitrail étant fêlé,
Peut-être par un jour de tempête ,
Ou bien une figure ailée,
L’ayant heurté de la tête
On avait remplacé,
Le morceau cassé …
La fenêtre maintenant fermée,
Avec du verre armé,( anti-reflets )
Ne permet plus de voir,
La couleur de l’espoir,
Même à l’aide d’un chapelet.
Ne pouvant contempler le ciel,
L’ange , sur terre enfermé,
Est maintenu prisonnier,
Comme lorsque le gel
Empêche, de nuit comme de jour,
A la vie, de suivre son cours…
Ainsi suspendue
A la morte saison,
Qu’elle sangle et ficelle ;
Ayant comme Icare, perdu ses ailes,
Et avec elles, la raison,
Il fut, avec les hommes, confondu…
Peut-être est-il des nôtres :
– On ne sait rien de lui …
Peut-être hante-t-il
les lieux, la nuit,
avec une sébile
En appelant aux apôtres
et autres saints :
Ceux qui sont envoyés ici-bas
Dans le plus grand anonymat,
et que rien ne distingue des humains :
C’est sans doute chez eux qu’il faut chercher
( dans les âmes grises,
plutôt que les églises ).
On dit que l’ange y est caché,
Ou bien, derrière les esprits, pacifiés..
Préférables à ceux qu’on a crucifiés …
–
RC – juin 2015
photo ci-dessous : Lady Schnaps
Une force brute, contre l’esprit – (RC )

Livres détruits par l’armée russe: université de Grozny, Tchétchénie
Anna Niarakis – L’état triste des humains
–
L’état triste des humains
Des humains avec leurs sens perdu
avec des sentiments perdus
qui suffoquent sous des draps chair,
ci-dessous des solitudes empruntées
– recherchant
la béquille de l’ existence
Je te veux, m’ont dit tes yeux
Je te veux, m’a dit ton corps
Et je,
je recherche états d’étoiles
différentes de celles que mes antennes
capturent
identiques à celles que tes veines
dictent.
.
.
Songe en tourbillons ( RC )

Sculptures – Marina Abakanowicz – Chicago
–
Songe en tourbillons,
Comment extirper de sa gorge
La brûlure du chagrin,
Et parcourir on le sait,
Seul encore,
La traversée du désert,
Où rien n’est dit de demain..
Il est une bouche béante
Qui boit la conscience
Et qui nous questionne
Nous dit
Que la joie s’est éteinte
Que le chemin n’est plus là
Et qu’on s’est perdu
Au milieu de nulle part.
On ne reconnait plus
Dans les humains
Que des statues debout
Sans regard, ombres
Marchant, courbées
Vers leur destin.
Ils semblent savoir
Où portent leur pas
Peut-être suivent,
Ou cherchent , leur étoile.
Moi je n’en ai pas,
Et je reste , immobile
Dans le temps arrêté.
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RC – 18 janvier 2013
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Patti Smith – animaux sauvages

photo: Robert Mapplethorpe – crâne
Est-ce que les animaux crient comme les humains
quand leurs êtres aimés chancellent
pris au piège emportés par l’aval
de la rivière aux veines bleues
Est-ce que la femelle hurle
mimant le loup dans la douleur
est-ce que les lys trompettent le chiot
qu’on écorche dans l’écheveau de sa chair
Est-ce que les animaux crient comme les humains
comme t’ayant perdu
j’ai hurlé j’ai flanché
m’enroulant sur moi-même
Car c’est ainsi
que nous cognons le glacier
pieds nus mains vides
humains à peine
Négociant une sauvagerie
qui nous reste à apprendre
là où s’est arrêté le temps
là où il nous manque pour avancer
Patti Smith, Présages d’innocence, Christian Bourgois éditeur, 2007, pp. 96-97. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jacques Darras.
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photo patries71
Photo Patries71
Edith de Cornulier – Deltaplane
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le rêve d’Icare
-…
Deltaplane
à Siobhan H.
Ne plus jamais poser mes deux pieds sur la terre.
Ni herbe, ni béton, je veux mourir dans l’air.
Rêver, voler, nager dans le nuage bleu
Et les nuages blancs – enfin vous dire adieu.
Dans le champ de foin jaune à côté de la route,
Ma splendide auto rouge halète au soleil d’août.
Je me sens me confondre avec mon deltaplane :
J’ai des ailes et des larmes et je plane et je plane.
Ne plus jamais revoir l’humain artificiel.
Ne plus vous revenir, être un oiseau décent
Et au bout du voyage, expirer dans le ciel,
Une aile déchirée, le cœur-moteur en sang.
Pauvres tristes oiseaux qu’on a mis dans les cages !
Victimes de l’atroce et vil esprit humain !
Moi, j’ai pu m’échapper pour faire un long voyage ;
L’engin volant tiendra jusqu’au petit matin.
Alors le deltaplane épuisé tombera,
Alors je coulerai dans la tombe océane.
J’ai quitté les cités et les humains d’en bas,
J’ai des ailes et des rires et je plane et je plane.
Edith de CL, été 1999
–
que le soleil éclaire mes nuits – Rahma ZERAÏ
Toujours de Rahma ZERAÏ ( ouvrage -recueil, anthologique « Dans tous les sens » )
J’aimerais que le soleil éclaire mes nuits pour voir les couleurs de l’obscurité, et que la lune cesse d’être lunatique, que les fous raisonnent les sages, que le discours des animaux fasse taire les humains, que les racines voient le jour, que le silence résonne.
Je suis le silence qui parle
l’orage qui ne mouille pas
j’attends ceux qui ne reviennent jamais
mes racines sont hors de terre
je suis le pont entre deux rives
je suis la colère qui ne gronde pas
je suis l’hiver en plein été
je suis le volcan du fond de l’océan