ThomasPontillo – Ce qu’a dit la beauté – 01

Je veux dire, avec l’humilité d’un ciel qui se propose,
la lumière qui n’est que du présent qui pense,
l’avancée du rêve parmi les vagues discrètes d’un jour,
plus beau à mesure que l’air sur mes lèvres
délivre l’hiver qui hésite au loin dans le chant des brumes.
Dire, et avec ce qui tremble au plus profond de l’âme,
célébrer la voix mêlée de nuit claire,
intensifier le geste qui accueille un corps.
Oui, dire et célébrer – encore – le pays où les pas
sur la neige sont un testament pour la beauté.
Dire, et avec les mots, augmenter en nous
la vibration secrète de l’émoi.
Lueurs immobiles sur l’éternité des eaux,
que votre majesté soit mon identité,
que mon souffle vienne mourir dans les plis de vos soupirs.
Mais est-il vrai que déjà nous ayons goûté
le temps où l’on voit monter, de larmes en larmes,
l’espoir d’un monde retrouvé ?
Julia Kristeva – l’étranger qui est en nous
Etrangement, l’étranger nous habite:
il est la face cachée de notre identité,l’espace qui ruine notre demeure,le temps où s’abîment l’entente et la sympathie.De le reconnaître en nous,nous nous épargnons de le détester en lui-même.
Rêves d’Amérique – ( RC )
–
C’est une image que colporte le rêve :
C’est toujours mieux ailleurs,
Alors…
Tu as rêvé de l’Amérique,
Comme tant d’autres ,
parcourant les mythes,
et celui, bien entretenu,
de la géante de cuivre,
portant haut la flamme, et ceinte,
Comme pourraient l’être ceux qui s’en réclament,
D’une bannière aux multiples étoiles,
Etoiles blanches sur un bleu profond,
parfaitement alignées,
comme les tombes, dans les cimetières de la liberté,
des soldats ( américains, justement).
« America, America » d’Elia Kazan,
révèle le parcours de l’immigrant,
prêt à affronter tous les obstacles,
pour réaliser son rêve, qui coïncide aussi
à la perte de son identité,
parti pour un voyage sans retour.
Vivant de l’intérieur la sensation de déracinement
malgré son désir d’appartenance .
Les hommes qu’on croise,
n’ont plus le visage des conquérants.
Seul le commerce porte à le croire :
Ils ont les paupières lourdes ;
Ils ont englouti leur passé,
Et n’ignorent plus que ,
sur la bannière,
Les bandes rouges peuvent être aussi,
Un chemin de sang,
Comme l’a été celui de millions d’hommes,
Importés comme esclaves,
Il n’y a pas si longtemps.
Tu as rêvé d’Amérique,
Mais les étoiles ont pâli,
Et le ciel est sale.
La liberté tant vantée,
( surtout celle de faire de l’argent, )
Se mesure à leur poids de dollars
Où rivalisent ceux qui ont réussi.
C’est une partie de l’Amérique qui fanfaronne,
qui joue de sa sur-puissance,
et va guerroyer au Viet-Nam, ou ailleurs.
Mais il y a l’autre côté, qui étend ses bras de pieuvre
Le côté plus obscur, celui
des « raisins de la colère »,
Celui des hommes meurtris,
Dont on ne parle pas .
Eux connaissent l’Amérique de l’intérieur,
Et leur destin empêché les enfonce
dans la catégorie des « loosers » :
Leurs songes ne sont pas les mêmes… ;
Les étoiles se sont changées en pluie de larmes…
—
Ainsi , tu ne rêves plus d’Amérique ?
–
RC – juill 2015
Reflet du toi à moi ( RC )
–
Il y a bien encore, une ombre furtive ,
Puis cet homme, vu à contrejour.
Au quai voisin passait alors la rame de métro :
Il ne l’a pas prise, et reste debout
devant les sièges vides
aux couleurs acides.
–
– A sa tenue, je me suis dit
-
je pourrais être lui –
Et dans le même temps,
Il a hoché la tête,
Et s’est sans doute dit
-
qu’il pourrait être moi .
–
Nous aurions pu échanger quelques mots,
Chacun sur son quai,
Les rails au milieu,
et même intervertir
ce qui se voit :
Habits , chaussures, lunettes,
Mais aussi ce que nous portons en nous,
–
La part la plus secrète
notre identité,
ne se limitant pas aux papiers.
Il aurait pu être moi,
Peut-être l’a-t-il été,
quelques instants.
mais sur chacun des quais,
La rame s’est arrêtée,
en un lent chuintement,
nous sommes rentrés dans les wagons,
Dans un même mouvement,
sans nous quitter des yeux.
–
Avant que les rames ne s’ébranlent,
chacune,
dans une direction opposée,
Et cet autre moi-même,
– Peut-être était-ce,
seulement mon reflet ?
> Il y a des chances,
…qu’il se pose la même question.
–
RC- 23 août 2013
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Ulysse est de retour ( RC )
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Ulysse est de retour – c’est ce qu’il paraîtrait
Mais se souvient-on, encore de ses traits ?
Ou le reconnaître à quelque chose, peut-être sa bague ?
si son corps émerge un jour d’entre toutes ces vagues…
Or comme la chance tourne, aussi, les vents contraires
Permettent avec Neptune, un retour vers la terre
Contre les sorcières — des efforts insensés
Pour retrouver l’épouse, le pays ( au diable la Circé !)
Non loin d’une petite île, la mer Egée, porte son épave
La côte dentelée, chuchote un murmure, d’entre les agaves,
Les pins , les figuiers , jardin méditerranéen, de Picasso
Les fenêtres ouvertes, la terrasse blanche, et les plantes en pots.
Le voila debout, couvert d’algues marines,
Et sa cuirasse, au cuir d’auréoles salines
Entreprend, blessure oblige, une ascension lente
Glissant des cailloux, que fatigue sa pente…
En route pour sa demeure, il tient à la main
Une lance brisée, un filet d’oursins..
Le retour fera la une, il va falloir que l’on danse
————-Après de longues années d’absence.
Les animaux le reconnaissent d’abord, – têtes curieuses
Des récits du guerrier, pêche miraculeuse
Les centaures,, les nymphes et les chèvres
Chouettes et hiboux, taureaux – et même les lièvres
Ne se souviennent ni d’Hélène, ni de Troie
Mais du héros au regard lointain ( ou bien à l’étroit )
Car, bien au-delà de l’horizon des mers
Selon l’odyssée rapportée par Homère,
Il faut oublier le sang versé, et les larmes
Enterrer les compagnons perdus, et les armes.
Le repos du guerrier évoque les femmes-fleur
La paix retrouvée diffuse du bonheur, l’odeur,
Pour célébrer » la joie de vivre «
Avec Bacchus à s’en faire ivre…
Notre héros est de retour ! La célébrité !
Devant quand même décliner, son identité…
Pénélope, ses prétendants à l’amour
Ne comptaient plus ( après un tel détour)
Qu’ils puissent perdre leur pari
Et la dame, sa patience » en tapisserie »…
Qu’elle défaisait , après le jour , la nuit,
N’a pas dormi, pour mieux tricoter son ennui
L’araignée nocturne, amante pieuse, re-défait sa toile
Comme faisant des voeux, ou porter le voile,
Fait de ses semaines,une longue chaîne de patience
A refaire les gestes, les mêmes, en permanence
Mais guettant l’horizon, et sa moindre barque,
Attendant Ulysse – lui seul sait bander son arc…
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RC 16 juin 2012
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– ( et liens sur six oeuvres de P Picasso)
Laisser tomber la géométrie (RC)

femme de Vitruve de Nat Krate
A se poser des problèmes, il y aurait des solutions
Et faire de la logique humaine – ostentation
Il vaut mieux déposer compas et rapporteurs
Pour faire de la vie (de son avis ?) un bonheur
Certains voient dans les tracés, une forme d’idéal
Qui ne se formerait qu’en diagonales
D’autres rêvent de sirène , dragon ou cheval
Ou plus simplement la rencontre avec la femme fatale
Démonstrations , axiomes et théorèmes
N’ont pas cours , avec les « je t’aime »
Vitruve avec son homme, en cercle , cadenassé
Jonglait avec la logique, qu’il faut outrepasser
Cercle et carrés sont une chanson douce
Comme la pierre qui roule n’amasse pas mousse
Roule, roule donc, et suis donc ton destin
Quand tu déboules soudain, sur mon chemin !
On ne sait alors si s’éparpillent figures et losanges
Etoiles filantes, et matricules des anges
Car dans ma vie, sans géométrie, tu t’es invitée
Avec ou sans carte d’identité, avec toi, l’unique vérité.
RC 1er mai 2012
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Mythe mélanésien – l’arbre et la pirogue
Tout homme est tiraillé entre deux besoins, le besoin de la Pirogue,
c’est-à-dire du voyage, de l’arrachement à soi-même, et le besoin de l’Arbre,
c’est à dire de l’enracinement, de l’identité,
et les hommes errent constamment entre ces deux besoins en cédant tantôt à l’un, tantôt à l’autre ;
jusqu’au jour où ils comprennent que c’est avec l’Arbre qu’on fabrique la Pirogue.
Mythe mélanésien de l’île du Vanuatu
provenance: la Petite Librairie des Champs
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