Ile Eniger – Des jours et des nuits
photo: Sebastiao Salgado » genesis »
J’ai déchiré des pans entiers du ciel trop bleu, trop confiant, trop indécis.
J’ai gardé quelques livres, un vieux rêve, deux poignées de sable,
une ou deux pommes vertes, de l’eau entre les doigts,
de la musique sur un fil d’horizon ou de violon.
On n’entend plus mes pleurs d’animal ni mes pas qui raclent le sol.
De loin, on me fait quelques signes.
Dessous, la rivière grande, la rivière gronde.
Des veines d’eau gonflées charrient les passés.
Dessus, le plafond trimballe ses nuées bâtardes.
Des jours et des nuits se disputent l’espace.
Il y a sans doute un accord possible.
Autour, des choses à prendre ou à laisser.
Et le souffle porté, supporté, emporté.
Loin de la mesure des hommes.
J’ai vacillé et tenu bon.
Je me suis bricolé des ailes pour faire danser mes espadrilles.
J’ai tenté d’aimer et la lumière qui va avec.
Ile Eniger – La lampe de l’ange
peinture: – artiste non identifié
On tombe toujours de plus haut à l’intérieur. Mon père, ma mère, où êtes-vous qui m’avez faite et abandonnée sans même le savoir. Où êtes-vous si loin si près que la compréhension fissure et fond en larmes. C’est un temps périlleux de marche sans appuis, d’existence dépouillée de ce qu’elle n’a pas. La vie est une poignée d’olives sous le pressoir des jours. La mue du temps quitte sa peau au crépuscule, que suis-je dans cette grande conversion ? La lanterne brisée du monde s’agite en tous sens. Quelque chose tremble quand vivre joue avec des allumettes. Je cherche une certitude, une seule mais qui vaille. La fleur dans le jardin en friche. La lampe de l’ange sur la nuit qui se perd. Un silence d’ombre violette quand se déchirent les anciennes écritures et leurs promesses de papier. Le souffle d’un paysan penché sur sa terre. Une trace de confiance malgré les ossuaires. Quand un mouvement d’aile corne le ciel, j’aperçois la terre rousse, les vignes noires, la pelouse tatouée de pissenlits, des abeilles tournées vers le miel. Une étonnante pluie de lumière s’attarde au portant du soir, sa blondeur éparse dit quelque chose que je connais bien, mais que je traduis mal. Le soleil reviendra, il revient toujours.
provenance lafreniere blog
Ile Eniger – Poivre bleu
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Je traverse la béance du jour. La créance du vide. Les tempêtes s’agitent dans l’état d’être. Je suis l’animale inquiétude, la douceur de mémoire, le bonheur à l’instinct. Je traduis je t’aime par le mot inconnu. Il frissonne de la part manquante ou ajoutée. Je com-prends tout jour sans le connaître. Chaque lettre déclinée jusqu’à la voix des mains invente un poivre vif. Cet éternuement.
Bleu.
Toute pensée, tout geste marche en terre brûlante, lumière silencieuse, incontournable amour. Plus haut que les tiédeurs, les habitudes, loin des fioritures, du collectif, au-dessus des glaces, des feux, sans apparences ni contorsions je veux. Le simple rayonnant. Le tour de force de la bonté. Poivre bleu, le livre dira peu. J’écrirai encore.
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extrait de « poivre bleu »
La joie ( Ile Eniger) – Pluie d’été ( RC )
A partir du beau texte de Ile Eniger, ( le premier), j’ai écrit le second…
La joie
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Le pain brûlé des terres
La lumière en bras de ruisseaux
La perfusion du jour sur les heures de nuit
Les veines au cou de la montagne
Les vignes lourdes de vin vert
Le ciel marine à force de brasure
Les oursins de lavandes dans l’océan des champs
Les fenêtres ouvertes pour reprendre leur souffle
Et les rideaux fleuris
Les pas derrière la porte
La présence
La vie pleine forge
La centaine des blés pour un seul coquelicot
Le rouge du soleil en face
La joie
Légère comme une espadrille.
Copyright © Ile Eniger
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pluie d’été
Légère comme une espadrille
Le pas suspendu
Au dessus des brumes
Elle flirte avec les dunes
Et se saisit des montagnes
Pour en faire des chapeaux
Qu’elle repose,de biais
Dans l’océan des champs
Si bien peignés de blés
Et qu’elle va visiter
Lorsque le ciel caresse le sol
Encore chaud de l’hier,
Et d’une fin d’été
Aux parfums de lavande
Et de la terre mouillée.
RC – 11 septembre 2012
en rapport avec la photographie voir aussi cet article
Copyright © R Chabriere
Ile Eniger – C’est
C’est un chemin de moi à moi, j’ai cru longtemps qu’il fallait quelqu’un d’autre.
C’est un printemps derrière
Des saisons d’usinage et des mains de fabrique
Des ablais pour le pain
L’abée qui porte l’eau vers sa dernière crue
Des mots qui suent, sifflotent
Buissonniers et solides
C’est le centre des joies sur les trois-quarts du fil
L’errance d’un temps qui sait prendre le sien
Une histoire d’hier encore aujourd’hui
La seconde séduite
La montagne vieille recouverte de ciel
Les pas de jeune chèvre
La veilleuse d’étoiles
Un pays
La plus petite terre y chante
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