Ce corps n’a pas d’identité feinte, il n’a comme images que celles de légers creux laissés par l’empreinte des cailloux sur la plage qui parsèment les lieux.
Peut-être préfères tu pour confort les objets métalliques laissant leur marque de fer: les sommiers à ressorts sont particulièrement artistiques et devraient te plaire.
C’est dû à la position horizontale d’une sieste immobile pendant cette après-midi d’été où chaque sinuosité de métal laisse son creux fossile
– comme tu pouvais t’en douter -.
C’est à même la peau que c’est inscrit comme une signature sur la surface du dos qui provoque l’envie d’en évoquer l’écriture…
Car la chair est tendre et soumise aux lois physiques quel que soit notre âge : il fallait s’attendre à ce que cela soit la réplique d’un éphémère tatouage…
Un long chemin serpente entre les arbres, irrégulier, parsemé d’ornières et de flaques. semé de pierres , comme le fit le Petit Poucet, et depuis le temps, couvertes de mousse.
Loin est le pays auquel j’appartiens; il monte insensiblement depuis les Landes : je le sais en allant vers l’amont, suivant ruisseaux et cascades, sous l’arche du vent.
Je quitte les fougères pour des herbes plus maigres, des buissons de ronce, des asphodèles, et marche sous le regard immobile des champignons.
C’est comme dans un livre de Pierre Bergounioux, ajouter mon pas au précédent, mettre peut-être mes traces dans celles que je laissais , cheminant dans l’autre sens
un retour imprévu pour d’autres saisons _.
Des années se sont écoulées; je tiens ma vie en équilibre sur deux jambes qui remontent le courant, les pentes arides les rochers éboulés.
Je ne devrais pas penser au temps qui trépasse , aux murs lézardés de la maison rose, trop longtemps abandonnée, que j’irai retrouver, après cette trop longue pause.
Je suis resté immobile avec mon vieux manteau couvert de feuilles mortes au square du jardin de ville : je suis venu chaque jour d’hiver, j’attendais ta chanson: le froid fut sévère, mais n’eut pas raison de ma passion….
Ce ne fut qu’au printemps que le gel libérant les sèves, fit que toi, ma fontaine, retrouvas tes eaux… Ta sculpture au regard fier, tes jupes de pierre retrouvant leur souplesse alors j’ai quitté mon banc et laissé mon manteau, qui, de détresse, partait en lambeaux…
coeur galactique et nos nuages d’après-guerre nous prononçons blentôt matin et au galop ce qui résonne plus d’embarras (enfin) pour les cadeaux donnés reçus
au coeur le vaste pressenti plus loin que Terre corps avec Jambes tête coeur et mains ou corps planète années lumière aller-retour, nous fermons las yeux et nous dansons dans un vertige autour d’étoiles (Inexpliquées) est-ce qu’immobile reste possible
la vent rafales comme si traversant l’atmosphère Je tu il nous très trop légers et s’égratignent nos Images de plantations (quand même les arbres tombent meurent) l’étonnement du calme (revenu) et le retour galop de nos affolements
petites tables plateaux posés milieu d’un champ en attendant nos légèretés et tous les fruits Je ne dors pas sur mon matelas da virgules et de dimanches orpheline en équilibre de tabouret et une écharpe sur mes écailles
dans nos vaisseaux soleil clignote Je petite soeur d’un cheval déterre bobines et des capuches milliers cailloux autour d’une tasse de café grande fatigue nous assouplit quelqu’un tourne les épouvantes et nous filons, tapis volants tandis que sur les routes
gravitent méduses les accidents se continuent
camion tombé de mes épaules en souvenir les mots avancent plantés de clous à des allures de train de nuit quelqu’un tourne capitaine un ami vient Joyeux ni triste à la Jumelle Je vois des morts et la dérive des continents
vagues grandissent dans nos aquariums de baleines Je chante un peu et Je te suis, la rue est longue et l’air épais poignets sans montre nous marchons
Pour faire ton portrait, j’ai commencé par les membres. Je les ai assemblés, placés sous une couverture grise.
Je suis allé voler une fleur dans le jardin d’à-côté : une grosse marguerite dépouillée de ses frissons, que j’effleure, avant que je ne la plante dans la bouche d’une tête à part, que je n’ai pas encore peinte.
J’imagine alors des yeux fermés, mais qui me regardent à travers les paupières. Tu me fixeras sans relâche, perpétuellement immobile, accroché au mur dans un cadre noir, mais toujours avec l’ombre de la marguerite, qui, décidément persiste, dans ses pétales de velours.
Nous restons figés parfois
au milieu d’une rue,
d’un mot
ou d’un baiser,
les yeux immobiles
comme deux longs verres d’eau solitaire,
la vie immobile
et les mains inertes entre un geste et celui qui aurait suivi,
comme si elles n’étaient nulle part.
Nos souvenirs alors sont d’un autre
dont à peine nous nous souvenons.
installation architecturale Christophe Bénichou, région de Montpellier
Tu vois cette grande boîte, posée sur la montagne, obscure , close sur elle-même personne n’y rentre et personne n’a la clef. Tout est immobile autour et se dessèche.
Les rayons du soleil rebondissent sur elle et semblent s’amplifier. Les insectes ont fait silence, il n’y a aucun oiseau visible. Peut-être sont-ils grillés.
Je me tenais immobile
dans un minuscule pré ovale locus solus bordé de fleurs.
Les abeilles vibraient
tout près de mon corps,
comme si je n’existais pas,
enveloppé du parfum chaud de l’herbe et des fleurs
du bourdonnement qui les couvrait,
les découvrait puis les recouvrait.
Je me tenais
ostensiblement introuvable :
les yeux fermés
le dos collé au sol
les jambes croisant des trajectoires champêtres.
C’est le sommeil, peut-être, Qui a clos les paupières : Le regard ne voyait qu’en dedans, la prolongation du sourire, Et les lèvres épaisses , se sont closes, Dans leur secrètes pensées.
Qui peut dire que ces figures de pierres, Ne sont que des œuvres oubliées ? Lorsque les hommes ont délaissé les lieux, Et laissé les arbres les enlacer Jusqu’à les enfouir sous le fouillis végétal….
C’est leur sommeil, sans doute, Qui gravite autour du temps ; > Et celui-ci est immobile. ( La pierre , gardant la mémoire, du regard intérieur, Continue de nous contempler,
Avec son sourire ) , Comme si elle était habitée De l’âme de ceux qui les ont créées, Dépositaire d’un accord dont nous ne percevons que la surface : Les mains de la pensée,
photo perso : empreintes de dinosaures- Azoia – Portugal
En témoin immobile,
Personne ne crie,
Et dans l’attente,
Le mouvement de la terre
Se poursuit, jusqu’aux collines,
Sans tester la distance,
Qui m’en sépare,
Puisque je suis soudé à elle …
Cette terre , avec sa vie propre,
Qui glisse sur elle-même,
Avalant l’impact sourd
Des météorites,
Et des ères salutaires,
Courues d’espèces,
Dont on retrouve les fossiles,
Eux même englués dans la roche.
Et même si des indices,
Nous écrivent ce passé,
Dicté sous nos pieds,
Encore aujourd’hui,
S’étire l’argile,
Détrempée des fins d’hivers,
Comme aussi, sur les pentes,
Se détachent des blocs mutiques.
Laissés sur place,
Au seuil au sommeil ,
Des mers basculées.
> Elles ne disent que leurs lointains.
Et les vagues sont loin,
Justement,
Gelées dans des mémoires.
Les nôtres ne pouvant les contenir.
On se demande,
Quels furent ses habits,
A la terre, encore,
Où ce qui fut forêts denses,
Est maintenant soustrait,
Dans l’étendue ventée ,
D’horizons de pierres,
Et de montagnes effacées…
La photographie n’était que le reflet arbitraire d’un instant arraché à la fosse béante du temps, et ne livrerait pas d’autre secret que cette fixité étrange et ce témoignage troublant d’une vie abolie mais qui avait existé. Ce n’était qu’une trace, aussi bouleversante que les empreintes de mains retrouvées dans les grottes préhistoriques. Elle continuerait pourtant, avec déraison,
parce que cette vie retournée au néant continuait de l’émouvoir, à scruter la profondeur de ce regard, à suivre le mouvement de ces lèvres qui essaient avec peine d’esquisser un sourire, à interroger ce front trop grand sous les cheveux relevés, à examiner cette broche dorée qui rehausse le corsage sombre, à s’émerveiller devant le col de dentelle fine fabriqué par des mains délicates.
Sa mémoire avait conservé des milliers d’images plus récentes, en mouvement comme dans un film. Ces images-là, douloureuses, s’enfonçaient peu à peu dans les couches inférieures de la conscience, accompagnées d’une sorte de sentinelle chargée de les veiller, de les protéger contre l’oubli définitif, mais aussi et peut-être surtout d’empêcher la souffrance d’une remontée à l’air libre…
Une sorte de filtre magique ne laissait passer que les formes simplifiées ou mythiques du souvenir. Il n’était pas impossible de croire que ces formes pourraient revivre de la même façon que les vestiges d’une civilisation disparue, avec le recul et la passion des archéologues, la passion préservant l’émotion, le recul faisant barrage à la douleur. Il devenait possible également de croire que ces empreintes de vie laissées par une morte rétabliraient un passage avec elle, la « encore vivante ».
Et tous ces signes, il fallait désormais les déchiffrer, les décrypter, les interpréter comme des indices sur son propre destin, contenu dans la forme ronde de ce petit miroir de poche, cruellement figé et glacé côté pile, insaisissable comme l’eau courante, imprévisible, inquiétant, effrayant comme un torrent dévastateur, côté face.
Marie est au bout d’une ficelle, à dépenser idées congèles
C’est un jeu de maux, jeu de vilains qui joint le geste
Aux paroles des étoiles, à compter les pieds, de nez,
Mettant voile et vapeurs, rien n’est sûr, ni le pied marin
Ce qui souffle en rêves coincés, s’étale dans la ruelle
Les murs ont des oreilles, les forêts appellent
Des doigts de velours, et rondement
Les confidences de vieille dame indigneFondements de détours, aux regards hagards
Feuilletant le libre air ( par le plus grand des hasards)
Marre debout, roue dantesque, rien n’avance
Dans un passé, où l’orne hier, restant présent.
Idées congelées et mouvements suspects,
Voici un autre chapitre, qui se dépense
En gestes immobiles, alors qu’autour, tout remue
Madame, derrière son voile
Est assise et médite, sa fenêtre entr’ouverte
Juste un rayon de lumière filtre, d’entre nuages
Il apporte une bonne nouvelle,, — un ange passe
Et d’une flèche, illumine son visage
A cette venue, s’il est bien des mystères,
Il faut peu de choses, parfois
Pour faire parler de soi, sur la terre,
L’annonce aura mission de livrer un garçon!
Aujourd’hui.
L’envers de la pluie, ce serait :
retrousser ses manches, apprendre à dire au revoir.
Tout ce qui s’achève promet -de beaux jours à l’oubli.
L’envers n’est pas linéaire.
Il a sa propre révolution.
Au besoin, il hausse le ton/tour.
Au besoin, il rompt sa progression.
Fige le geste qui le porte, pousse la porte, contourne l’obstacle.
L’envers concentre la force de l’immobile -centrifuge être subtile.
Eclat de ciel en tous points lumineux.
Sa révolution ne conduit pas la guerre.
Elle la pressent, elle l’étourdit.
[dévie sa trajectoire, ne rate pas sa cible]
En orbite / elle voudrait.
D’un lieu phare, un hameau.
D’un repère, tout un troupeau.
D’une circulaire, un rythme / pas une formalité.
[certains mots mériteraient d’être déracinés]
-parfois, le sens multiple estropie la langue.
Marseille/Bruxelles/Paris février 2009 (extrait de « l’envers », essai poétique en cours d’écriture)
C’est d’un lieu retiré,
La falaise vertigineuse
Marqué d’incidents géologiques
D’indices des géants
Ayant perdu leurs sabots
Lors des sauts de sept lieues,
Les vases de pierre
Sortant des ombrages
J’ai inventé, dans l’obscurité les signes
Au creux d’un dédale d’aventure
S’ouvrant au pied des arbres
Une coquille, qu’habitaient les ours
Maintenant vide – ou bien, qui sait ?
Magnifié d’orgues stalactites
Qui se créent en secret
Au coeur même de la roche.
Le long des parois
Que nulle lumière n’atteint
Il faudrait , à tâtons
Ressentir de la pierre, le grain,
La pâte glissante de glaise
Jusqu’aux mains négatives,
Les tracés charbonneux des rennes
Et des boeufs couleurs d’ocre
Qui ruent toujours, immobiles
Et les verticales des failles
S’élargissant peut-être en couloirs
Où se perdait un torrent.
En chutes bruyantes qui cascadent
Ou gouttes-à-gouttes lentes,
Si lentes qu’elles silencent
Dépôts des siècles, en patience,
Loin d’un dehors,dont on oublie le nom.
peinture: main préhistorique – négative, grotte Cosquer – Bouches du Rhône
Il a neigé longtemps sur les tables de l’absence
où je grave ton nom avec un doigt de feu
en t’attendant
comme je suis seul à savoir t’attendre
immobile et désertique
jusqu’au milieu du siècle
s’il le faut
avec ce coeur de caillou noir
taillé pour ne jamais mourir
comme celui que j’ai trouvé un jour
dans le village où tu es née
Ce caillou taillé en amande
il y a si longtemps
qu’on ne peut même plus imaginer
qu’il y avait déjà des hommes
en ce-temps-là
dans le pays où tu es né
Je t’attendrai
avec ce coeur de pierre
et personne ne voudra me croire
quand j’annoncerai ton arrivée
au seul fait
que la neige de la table deviendra grise
et triste
comme la cendre des anciens jours
Fernand Dumont; « La région du coeur » poète surréaliste belge.
Ne garderai-je du jour que cette longue lassitude et la poussière des chemins au fond des yeux ?
Je m’assiérai n’importe où, je tenterai seulement de reprendre souffle, sans hâte et comme pour mieux me souvenir. L’espoir, quand on s’arrête de marcher, devient inutile, mais le vieux désir d’être encore ne disparaît pas avec lui.
Et je suis là, comme quelqu’un qui s’étonne que son corps le soutienne et le défende,
ce corps meurtri, ce corps appesanti, le mien pourtant, et que je méprisais.
Les grandes lois du soleil et de l’ombre nous échappent, nous mesurons l’espace
aux battements d’un coeur quand il est neuf, mais que la machine au-dedans hésite ou s’emballe, les repères se dissipent
et chaque pas devient une épine dans la chair.
N’importe, je suis là, je regarde mes mains, je n’oublie pas qu’elles ont touché la splendeur intacte du monde et qu’il y eut des moments d’allégresse à sentir la sève trembler sous les doigts.
Non, la mémoire ne se résume nullement à la somme des choses mortes entassées dans la tête.
Elle est tapie au creux d’une odeur, d’une feuille froissée par la pluie, d’un murmure.
Et que l’on fasse taire en soi le bruissement de la pensée; qu’on s’arrache à ce théâtre de mauvais rêves, le paysage se recompose, les formes s’animent, les couleurs recommencent à vibrer.
Rien ne bouge pour celui qui se détourne, tout s’éveille au-devant de celui qui reste à l’écoute et il ne craint plus.
On cherche à l’endroit d’une ancienne blessure, et c’est à peine si la peau tressaille.
Et c’est à présent l’immobile qui devient une fiction, et cette lassitude d’avoir tant vécu comme une invitation à poursuivre encore.
Claude Esteban, La mort à distance, Gallimard, 2007
image – photo de mise en scène de Bob Wilson – Zürich 2002
–
Au décor, le fond du cyclo
Les rideaux suspendus,
La scène , une présence en lumière
Les acteurs, éclairés côté cour
Portent leur ombre étirée, au jardin
Et de grand manteaux sombres
Les mouvements de la main
Et les gestes de l’âme
Qui rythment le destin
Celui des personnages
D’une tragédie classique
Aux visages immobiles,
Sous les projecteurs,
Celui des masques
Ne s’anime de vie
Que par les répliques
Déplacements, silences
A la succession des actes.
Lorsque la pièce s’achève,
Sous les acclamations
Et que les acteurs saluent
Ils ôtent leur masque d’artifice,
Aux spectateurs, qui découvrent
Que ceux-ci ne recouvraient que du vide…