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Nuit somnambule – ( RC )


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Je vois la nuit somnambule…
Elle progresse sans rien voir,
l’obscurité l’accompagne,
frôlant les arbres, puis déversant son encre.
La nuit noie tout, et se confond en portes secrètes,
ouvertes à travers un décor qui transforme
celui de l’espace diurne .

Les hommes ,     pour ne pas la voir,
utilisent d’artifices,
en disposant le long des routes
de petites lumières,
ou bien des enseignes publicitaires
qui clignotent, histoire de détourner
l’attention de la nuit.

Celle-ci enveloppe les immeubles,
comme les pierres du chemin ;
Les précipices de la montagne,
ont devancé l’appel du sombre.
Peut-être se heurte-t-elle à eux,
et ne retrouve pas elle-même son chemin.

Elle pourrait rester sur place,
ou tourner en rond,
toujours somnambule
si un jour le soleil ne venait pas :
on ne sait pas si elle l’attend avec impatience,
ou s’enfuit ,      effrayée,       à l’autre bout de la terre .


RC – nov 2017


Jean Vasca – les lointains


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En nous sont les lointains nos îles nos ailleurs
Patrouilleurs dans l’opaque à chercher l’entrouvert
Nous sillonnons sans fin les ténèbres intérieures
Pour déchiffrer l’énigme aux portes des mystères

En nous sont les lointains de brume et d’inconnu
Lorsque les horizons entonnent leur complainte
Tenter l’appareillage à voile que veux-tu
Vers une rive d’or encore jamais atteinte

En  nous sont les lointains nos traces nos sillages
Les naufrages du cœur les songes en carène
Cathédrales englouties et palais des mirages
Là-bas vers les abysses ou la nuit nous entraîne

En nous sont les lointains dessous les cicatrices
Les plaies qui se referment et qui suintent encore
Des souvenirs perdus dans tous les interstices
Des ombres d’amours mortes à l’envers du décor

En nous sont les lointains c’est là notre impatience
A vouloir l’au-delà de tous nos quotidiens
C’est l’écho d’un accord majeur qui nous fiance
A cette terre humaine ses troubles lendemains

Ces lointains qui rougeoient sous la cendre de l’âge
Braises encore des révoltes en nous comme un regain
Et sous le poids du temps lourd de tous ses outrages
La rage encore de vivre et son feu mal éteint

Jean Vasca


Les mailles écorchées de la réalité – ( RC )


photo-sixpersoenquetedauteur-jeanlouisfernandez-ca-3056975-jpg_2671550_660x281                          image: « Six personnages en quête d’auteur », mis en scène par Emmanuel Demarcy.  » – provenance  lepoint.fr

 

J’ai du mal à ordonner les choses,
ordonner dans le sens « ordre donné »,
plutôt que dans celui de ordre-désordre… :
J’ai dû prendre la formule à l’envers.

Je navigue sans doute à contre-sens,
et justement les choses sont comme
on n’a pas l’habitude de, ( l’inversion du mode d’emploi)
et du mélange du tout …

(            Qui de l’ordre du fantasme,
des mailles écorchées de la réalité,
des formules à l’alchimie incertaine,
où le fil qui les tient ensemble se dissout…         )

J’énonce des choses, où,
comme les légumes, se juxtaposent, ceux qui
crus , crissent sont la dent,
ceux qui , trop cuits ,      dont la matière s’échappe .

Et avec le tout, une architecture fantasque.
On se demande comment ça tient debout,
quelle est la part du rêve,
et où se glissent les carillons des fêtes,

La sonate des pages qui s’envolent,
le pavillon de l’impatience,
l’essence volatile des sentiments,
et l’encre qui se dépose,

  •   où je vais puiser…
    encore sous le coup du choc d’un regard,
    des noces de plume,
    et de l’obscur affrontement des mots.

RC- dec 2015


Ismail Kadaré – Monologue du Solitaire


Ismail Kadaré   est plus  connu pour ses romans ( le Grand Hiver, Avril Brisé….)… que pour son oeuvre poétique…

voila une se ses créations…

 

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Je m’élève et m’éloigne mais n’en éprouve aucune

jouissance.

Me voici seul et j’ai encore plus froid.

Je m’en doutais, mais ma fatale impatience

Me pressait vers ce ciel ingrat

Comme ramassés à la morgue, des bras de femmes sans vie

Me dispensent une joie tout aussi glacée.

Je me sens en hiver, même si nous sommes déjà en avril.

J’ai froid,

Oh, j’ai froid

 

 

photo : -- Sheila Metzner