René Char – nous n’appartenons à personne
Nous n’appartenons à personne sinon au point d’or de cette langue inconnue de nous, inaccessible à nous qui tient éveillés le courage et le silence.
René CHAR, Feuillets d’Hypnos – Fragment III
Les veilles, les poings serrés – ( RC )
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Tu tournes la tête, vers des espaces si éloignés, encore ,
Qu’on ne peut les sentir, les toucher.
Ce sont des veilles de pensées, comme on veillerait le défunt.
Tout s’est tu, et même les coups de fouet des éclairs,
Dans le ciel chaviré, n’atteignent plus ce théâtre.
… Les lumières se sont éteintes.
Un courant d’air sournois est arrivé .
Un éteignoir, où les chandelles n’ont plus pu respirer .
La parole est emportée.
– Elle ne peut plus t’atteindre .
Même l’espace des rêves semble inaccessible .
Pour que tu entendes, il faudrait que nous retournions,
jusqu’aux marges de l’enfance… desserrions les poings,
Pour que l’ombre, peu à peu, s’en échappe …
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RC – nov 2014
( texte créé à partir d’une lecture de Ile Eniger )
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Semé aux quatre vents – ( RC )
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Semé aux quatre vents,
descendre sur les toits,
dilapidée la joie,
perdu les esprits, renoncé à sa foi,
perdu pour toujours, et faire avec ce qu’il reste,
un chemin incertain,
une mémoire de l’oubli,
la tête dans un mouchoir,
suivre son étoile, de celle qui scintille,
à celle qui s’affole,
guidé vers l’inaccessible,
ou précipité dans les abysses,
je ne sais plus ce que je dois,
et dessiner le moi, – enfin celui qui m ‘habite,
ou me précède, et me dicte sa loi.
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RC – 4 juillet 2013
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Miquel Marti I Pol – Les mots nous accablent
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Miquel Marti I Pol, traduit par lignelila, voir son post, qui par ailleurs, sur son blog a plein de choses intéressantes
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Finalement, les mots nous accablent,
Nous courbent les épaules et nous soumettent
à la beauté incertaine des concepts.
Regarde, ce n’est pas difficile.
Tu peux reprendre l’après-midi
Mot après mot et y ajouter
Des formules qui t’éloignent des choses
Et te rendent, lentement, inaccessible.
Tu peux dire : « l’ombre bénigne
des arbres », « la quiétude solennelle des pierres », « la profonde
présence de la rivière » et, ainsi, te croire
libéré de la gêne
Des gens et du temps.
Et toi, pendant ce temps, où es-tu ?
Aucun de ces mots
Ne te contient et c’est en vain que tu t’efforces :
Le rythme n’a pas changé
Et les gens naissent, grandissent, aiment et meurent,
Les après-midi sont les choses
Et le battement du sang et les mots
Concrets : arbre, terre
Et, surtout, les gens qui les habitent.
À quoi bon sauver l’esprit
Si tu perds le corps dans d’inutiles mirages.
(Traduction du catalan du poème « Al capdavall els mots ens afeixuguen », Miquel Martí i Pol, He heretar l’esperança (1963-1967))
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furtif caressé par les roses (RC)
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Au bonjour furtif caressé par les roses
Courbant les flammes des chandelles
Peut-être diras-tu fantôme ou esprit
Celui-ci est le reflet d’une attente
Tant prolongée et désirée
Que les ailes de l’oiseau de nuit
Se heurtent aux vitres des fenêtres closes
Attiré par le courbe de ton profil
Dessiné de profil en contre-jour .
Cet hématome de désir, brisant le silence
S’éclatant sur le verre, à te savoir si proche
D’une épaisseur d’air, et pourtant inaccessible
Ce n’est pas un ciel de combat
Que la vie distante où chacun ressent
L’absence , et de la vie, le manque !
14 mai 2012
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l’année dernière à Marienbad (RC)
« l’année dernière à Marienbad » ( souvenir du film d’A Resnais )

image du film
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Quand je repasse le film sur l’écran
C’est le retour, pas pour longtemps
Des acteurs et parcours typiques
Reproduisant une danse à l’identique
De l’année dernière à Marienbad
Compassée, solennelle , mais un peu fade
Au jardin à la française aux allées symétriques
Qui n’a rien , des Alyscamps de l’Arles antique
L’homme aime une femme inaccessible
C’est en rêve , mais aussi cauchemar indicible
Et ne permet pas de bousculer un temps scellé
Comme revient l’oubli, sur la pellicule, gelé.
RC