Gaëlle Josse – l’offrande d’un chemin de sagesse

….s’il n’en reste qu’une des musiques aimées de celles qui tiennent tête aux vents contraires -car on sort même par gros temps n’est-ce pas ?- ce sera elle cette aria toute nue innocente et pensive celle des variations Goldberg trente mesures entre ciel et terre la main d’Ariel pour tresser nos jours dépareillés saturés de trépidance habités d’éclats de rien et pourtant uniques fastueux bellissimes trente mesures tout est dit clos et infini
Rabindranath Tagore – assoiffé d’infini

installation :Karina Smigla-Bobinski
Je suis inquiet, assoiffé d’infini.
Mon âme s’épuise en son désir d’atteindre aux sphères inconnues.
Ô Grand Au-delà! le pénétrant appel de ta flûte!
J’oublie, j’oublie toujours que je n’ai pas d’ailes pour voler,
que je suis indissolublement rivé à ma place ici-bas.
Anxieux, je ne puis trouver le sommeil. Je suis un étranger en un pays étrange.
Ton souffle m’arrive, murmurant un impossible espoir.
Ton langage est proche de celui de mon cœur.
Ô Grand Lointain, le pénétrant appel de ta flûte!
J’oublie, j’oublie toujours que j’ignore le chemin, que je n’ai pas de coursier ailé.
Je suis inattentif, vagabond en mon propre cœur.
Dans la brume ensoleillée des heures languides, quelle
immense vision de Toi se dessine sur le bleu du ciel!
Être suprêmement lointain, le pénétrant appel de ta flûte !
J’oublie, j’oublie toujours que dans la maison où je vis seul,
toutes les grilles sont fermées.
Anthony Phelps – fleur-soleil

Au plus vert de la vie
ma voix est sur ta voix
et ta pensée double la mienne
Tu es ma meilleure part
le matin de mes yeux
Ma plus pure émotion
Et ton sourire est dans mon cœur
un talisman contre la peur
Passe le temps sans toi plus lent si vide
Pleuvent à tout instant les confettis du souvenir
et l’écho de tes mimes se profile en silhouette
sur le blanc de l’absence
Mon nénuphar ma fleur-soleil
mon oiseau-mouche aux ailes vibrantes
ton infini est ma limite
car ta vie contredit la mort
et je bénis le jour où nos yeux s’allumèrent •
Nous n’avons pas affaire à une statue, dont la bouche reste muette – ( RC )

Quel fruit se sépare,
d’un trait
où la largeur de l’infini
a peu de chance
de rentrer ?
La bouche est entr’ouverte,
sur les falaises brillantes
de l’émail des dents.
La soif des mots
se repose un instant,
de la parole…
Il se peut qu’on s’égare
dans les phrases,
quand aucun voile
ne dissimule le visage.
Nous avons dépassé
les vertiges de la censure…
Est-ce l’ombre de la vérité
qui s’exprime
dans la colère ou le sourire ?
Nous n’avons pas affaire
à une statue
dont la bouche reste muette…
L’infini ne reconnaît pas les créatures de l’esprit – ( RC )

Tout glisse entre leurs mains ouvertes,
et peut-être les transperce,
Ils sont sans doute
des créatures de l’esprit,
qui ne connaissent pas le poids des choses,
et peuvent marcher sur l’eau
sans qu’elle ne s’en aperçoive…
J’en ai vu qui ont traversé les façades,
ignorant les habitants,
mais chargés de la couleur des murs.
Les plus audacieux se sont risqués
à escalader le ciel
sur une échelle
allant vers l’infini,
mais ils ont présumé de leur force,
car l’infini ne reconnaît pas
les créatures de l’esprit.
Ils ont chuté
comme Icare en son temps,
pour se dissoudre
comme un songe, au réveil,
dès qu’arrive le soleil…
Le jour où on a vendu le monde – ( RC )

Quand je me suis réveillé,
je me rappelle que j’avais chuté
d’un escalier aux marches se perdant dans l’infini.
Un homme est venu, à l’accent synthétique.
Il m’a dit qu’il ne pensait pas me revoir,
car j’étais mort depuis longtemps .
Il m’a dit être mon ami,
ce qui était possible dans le passé,
puisque toutes les années s’étaient effacées.
Beaucoup de choses se sont transformées,
et ont changé de mains.
Tout évolue à une vitesse folle.
L’homme qui se disait mon ami,
m’a dit qu’on avait fait beaucoup de profit.
Même Dieu n’en a plus le contrôle….
J’ai ri, en sachant que, revenant de la mort,
le temps avait perdu ses repères,
et qu’ainsi, je serai bientôt de retour sur terre.
L’homme a voulu me serrer la main ;
la sienne, je l’ai trouvée bien molle,
comme en matière plastique .
Il m’a indiqué qu’au niveau économique,
j’avais intérêt à me procurer des parts
dans une planète voisine, bourrée de pétrole.
Son regard était tourné en dedans,
comme s’il ne me voyait pas,
et pourtant ses paroles ont ruisselé sur mes épaules.
Je voulais rentrer chez moi,
reconnaître le monde qui m’avait abandonné
et laissé mourir seul.
Mais tout avait changé :
on avait commencé à vendre les plaines,
puis les mers, et tout ce qui était rentable .
Les habitants n’étaient pas au courant
sauf ceux qui lisaient les journaux financiers,
les autres, errant, sans but apparent;
ça faisait quelque temps que la planète était endettée,
et, de par sa position, très convoitée,
alors des hommes comme celui qui se disait mon ami
l’ont vendue par petit bouts :
ils ont dit qu’on n’avait pas le choix,
et que nulle part on ne serait plus chez soi,
les autres planètes étant par ailleurs hors de prix,
j’aurais dû rester au paradis,
– mais on l’avait vendu aussi…-
Quand je me suis retourné,
l’homme qui se disait mon ami était reparti,
en me laissant un papier .
Il se pourrait que ce qu’il m’a dit
coïncide avec ma longue chute d’un escalier,
dont les marches se perdaient dans l’infini…
Une reine recluse – ( RC )
C’est l’image d’une femme,
une reine recluse
derrière de hautes murailles,
Elle sait n’avoir pour horizon
derrière sa fenêtre
que des forêts et des collines
qui se prolongent à l’infini.
Parfois elle voit, comme un signe,
un oiseau s’approcher de l’ouverture,
pour s’éloigner aussitôt
comme un rêve
qu’on ne peut jamais saisir.
Ce peut être une abeille égarée,
– dit-elle – qui chante et puis s ‘envole.
Ce sont peut-être comme mes pensées:
une gloire d’or et de lumière
qui fait le miel de l’insecte ,
et le mien .
Hélas, je suis prisonnière
et ce que j’écris
est ce miel inutile
qui ne fait que prolonger
les journées qui s’enfuient:
ainsi, j’enferme la lumière dans la nuit.
note:
« La Gloire est une abeille/Elle Chante –/ Elle pique –/ Et, hélas, elle s’envole »
« Des pensées qui seront d’or et de lumière »
sont des extraits d’écrits d’Emily Dickinson.
Petit astre – ( RC )
dessin J Pierre Nadeau
Je joue à cache-cache avec la nuit,
je disparais quand elle arrive,
car elle étend des draps noirs,
pour que la terre se repose.
Moi, je continue de l’autre côté
sans jamais me lasser,
Vénus et les autres voudraient s’approcher,
et se dorer à mes rayons,
mais comme on le sait les planètes
attendent qu’on les invite,
et patientent sur leur orbite ,
à chacun leur tour .
Ça fait partie du protocole,
que chacun reste à sa place
car jamais je ne m’ennuie
ni ne me lasse
car mes voisins de galaxie,
m’envoient des messages codés.
Je ne sais jamais trop où ils sont
car l’espace se distend :
quelques années-lumière,
le temps que leur message arrive,
il faudrait que j’étudie leur trajectoire,
en tenant compte des trous noirs.
C’est beaucoup trop me demander,
Je me contente de rayonner,
et de plaire à ces dames:
je joue de toutes mes flammes,
tire des traits entre les étoiles
( c’est déjà pas mal ) !
Pas trop loin il y a la terre ;
– je ne fais pas mystère
de mes préférences – ,
alors je lui fais quelques avances,
bien qu’une lune soit sa voisine,
mais à part quelques collines
elle est plutôt déserte,
aussi c’est en pure perte
qu’elle étale des cratères,
qui franchement manquent de caractère:
( une sorte de boule de poussière
qui ne devrait pas beaucoup lui plaire ).
Par contre sur ma planète, je vois et des prairies,
des fleuves, des fleurs et des forêts,
dès que je suis levé, je fais des galipettes,
je dors quand j’en ai envie,
et tire une couverture
en ouates de nuages .
Mon voyage est silencieux,
il illumine tout ce qui se trouve
sur son passage ,
et je prends un certain plaisir
à lancer des rayons
vers ce qui semble être vide .
Rien ne se perd pourtant,
car j’en reçois d’autres
qui me parviennent .
Le temps n’a pas d’importance.,
il se recourbe, ainsi , à chaque fois
je renais à l’infini…
–
RC – avr 2019
Juste une hypothèse sur l’existence des choses – ( RC )
peinture: H Matisse
J’ai crû que c’était le matin.
J’ai regardé ma montre.
Il est plus de 9 heures .
La météo n’en a rien dit
( on ne l’aurait pas crue ).
Ou bien ce serait un saut dans le temps .
La nuit s’en engouffrée dans le jour
a profité d’une brèche :
J’ai ouvert la fenêtre.
L’éclipse du temps s’est étendue
pendant la nuit,
et se prolonge
jusqu’à l’immobilité des choses.
Je distingue à peine les murs d’en face.
Le béton, les cheminées, d’autres fenêtres.
Elles portent un voile de deuil.
Aucune lumière.
Les lotissements sont bien là, obscurs.
Les immeubles ne présentent que des surfaces,
plantés au sol comme des esquisses de décor.
A peine plus noirs que le fond d’encre.
Les rues où rien ne circule.
Tout a été happé par le silence.
A la façon d’un Malevitch
qui aurait peint du noir sur du noir.
C’est bien le matin,
d’après l’heure ,
mais peut-on l’appeler encore comme ça ?
Le jour s’est perdu quelque part,
happé par l’infini,
– que sais-je ?
A moins que j’aie seulement rêvé:
un rêve de lumière, caressant les choses,
la pensée d’un astre,
( juste une hypothèse sur
l’existence des choses ),
que rien ne viendrait confirmer .
–
RC – mai 2018
Rentré dans la nuit, en négatif – ( RC )
Je suis rentré dans la nuit
en négatif:
la lampe posée sur mon bureau
n’émet que du noir,
et absorbe un peu plus
à chaque instant
les parties saillantes;
les ombres, au contraire
vont vers une clarté trompeuse :
c’est ce qu’il reste
de la présence des choses .
Le jour s’est enfui,
absorbé par ce trou de lumière,
comme si c’était un puits
où j’allais tomber
dans l’infini
la tête la première .
–
RC – sept 2017
Susanne Dereve – Offrande
nécropole rupestre – Abbaye de St Roman – Gard
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un bon bois de chêne, lisse au toucher, robuste et clair,
gardez-moi des vaines offrandes,
ces urnes que les us épandent en sombres paraboles abandonnées au vent,
aux rumeurs infécondes et sourdes du levant
et qu’un bras malhabile se devrait de répandre au-delà du silence
comme on boit le calice âcre de la souffrance
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un carré de terre,
de ce terreau qu’égrainera la pelle d’un ton clair
il faut du temps il faut des fleurs pour oublier
il faut ce marbre uni où poser des œillets
l’herme aux lueurs du soir est plus doux au malheur que ces brumes d’errance le vent a-t-il jamais séché les larmes de douleur
De cendre ou de poussière lorsque le temps viendra
choisissez un bon bois de chêne lisse au toucher, robuste et clair
et dans ce vieux pays de Rance enterrez-moi près de mon père.
–
suivi de ma « réponse »
Quel que soit le carré de terre,
que des pelles viendront blesser
la pierre ou le marbre,
l’ombre des cyprès,
les noeuds de leurs racines,
auprès de toi,
Quel que soit le vent,
qui répandra les cendres,
comme autant de paroles vaines,
et aussi les fleurs
qui meurent, de même,
dans leur vase,
Il y aura un temps pour oublier,
lorsque les mousses
auront reconquis la pierre gravée,
les pluies effacé les lettres :
– même la douleur
ne peut prétendre à l’éternité .
Que l’on enterre une princesse
avec ses bijoux,
et toutes ses parures,
ne la fait pas voyager plus vite
sur le bateau
de l’au-delà…
Ce qu’il en reste
après quelques siècles :
> quelques offrandes,
et des os blanchis
ne nous rendent pas sa parole
et le ton de sa voix.
A se dissoudre complètement
dans l’infini,
c’est encore modestie :
– On pourra dire « elle a été » -,
mais le temps du souvenir,
se porte seulement dans le coeur des vivants .
–
RC
:
Emily Bronte – Dis-moi , souriante enfant
Dis-moi, dis, souriante enfant,
Qu’est-ce, pour toi, que le passé?
« Un soir d’automne, doux et clément,
Où le vent soupire, endeuillé. »
Qu’est-ce, pour toi, que le présent?
« Un rameau vert chargé de fleurs
Où l’oiselet bande ses forces
Pour s’envoler dans les hauteurs. »
Et l’avenir, enfant bénie?
« La mer sous un soleil sans voiles,
La mer puissante, éblouissante
Qui, là-bas, rejoint l’infini. »
Juillet 1836
Louky Bersianik – laisse moi t’approcher
photo Fashion is Dead Magazine
laisse-moi t’approcher
laisse-moi te toucher toute et te fragmenter par petites touches
laisse-moi ma plurielle de fond en comble te dévaster
trouver réunies au secret ma soif et mon ruisseau ma verdure
et ma faim lécher jusqu’au cœur notre vaste complot
laisse mon corps immobile entrer chez lui par les seuils incalculables
de ton corps inamovible laisse s’accomplir à l’infini vertigineux
du temps vertical cette opération-extase
Un escalier vers l’infini ( RC )
Installation : David McCracken
-
Je ne sais combien de marches il faut
pour gravir l’infini.
On dira qu’il y a le temps,
puisqu’on nous a promis
l’accès au paradis :
Il y a une contrepartie :
On ne peut y accéder qu’après
avoir laissé son corps
au magasin des antiquités ,
ceci dit on est beaucoup plus léger
et on ne compte plus ses efforts
pour emprunter l’escalier
qui a necessité d’abord
je ne sais combien
de menuisiers.
Au début on est très nombreux
à vouloir accéder à l’infini
que certains appellent
le Royaume des cieux
mais certains s’impatientent
ils trouvent la progression trop lente
– ( étant pris de doute
sur la destination de la route ,
et pourquoi cette pente ).
Bien entendu pour accéder au ciel
il faut penser à l’essentiel,
non pas au monotone :
et comme pas mal abandonnent
– ont-ils perdu la foi ?
– pourtant ils ne portent pas de croix !
Toujours est-il que , sur les inscrits
les candidats se raréfient,
c’est ce qui explique,
en toute logique
que l’escalier se rétrécit .
La progression est plus facile,
quand la population est divisée par mille,
– où sont passés les autres encore
– ça je l’ignore
car ils ne visent pas le haut.
-
Comme dans les jeux vidéo
ils sont bloqués au niveau inférieur
et pour leur plus grand malheur
ne disposent pas de vie de rechange,
de quelque astuce ou ficelle
( ni de l’aide des anges
qui ne prêtent pas leurs ailes ).
Et puis — est-ce une vision d’optique,
correspondant aux mathématiques :
les côtés de l’escalier
sont difficiles à mesurer :
la vie éternelle
ne tient pas compte des parallèles :
ne vous inquiétez pas pour autant:
comme je l’ai dit : vous avez tout votre temps
déjà vous avez dépassé les nuages
vous êtes sur le bon chemin
à cheval sur votre destin
n’oubliez pas vos prières,
ne croyez pas aux chimères
ne regardez pas en bas
– Attention au vertige !
Progressez comme ça :
c’est déjà un prodige
d’avoir quitté la terre
Comment, vous ne voyez toujours rien ?
Ah , mais tous les paroissiens
qui entreprennent ce voyage
clés en mains
ne peuvent tirer avantage
de rencontrer les saints
enfin pas tout de suite :
la visite, certes, ….est gratuite,
mais de ce belvédère
il est difficile de voir St Pierre :
Ce n’est pas un défaut de vision,
mais cela doit beaucoup aux conditions
atmosphériques : même avec un guide
c’est encore Dieu qui décide,
et ses desseins son impénétrables…
Comment ça, c’est discutable ?
Si vous avez une réclamation à faire
après votre grimpette
adressez-vous au secrétaire
qui examinera votre requête…
–
RC – janv 2017
Esther Tellermann – Avant
peinture: Alvar Sunol
Avant
nos paupières cerclées
nos narines
peintes
Etions-nous flétris
ou reposés
Brûlions-nous les signes
nos façons de tendre
bracelets jambes
taches de l’infini
*
Nous mourrons
avec la glaise du corps
lu
Dans la fane
et la précision du nom .
Jacques Audiberti – Rien ne sera de ce qui fut
Prison Au clair soleil…
Un coup pour a. Deux coups pour b.
Le monde bouge. Il va tomber.
Trois coups pour c. Quatre pour d.
C’est le moment de regarder. Cinq coups pour é.
Six coups pour f. Il n’a plus d’âme. A-t-il un chef?
G, coups sept. Hache huit. 1 neuf.
Comment faire un monde plus neuf?
Dix coups pour j, plus un pour k.
L’existence nous convoqua.
Taciturne à force de cris,
la jupe grosse de conscrits,
elle nous apprend tour à tour
l’ombre claire, le sombre jour,
l’enfer béni, le ciel puni,
tout le fini de l’infini,
douze pour 1 et treize pour
ème, les griffons de l’amour,
n, o, p, q, quatre, cinq, six
et sept, le poison. Le tennis
mais, aussi, la peur de périr
qui nourrit l’honneur de souffrir.
R dix-huit. S dix-neuf.
Elle s’en va. Tu te sens veuf.
Vingt coups pour t, plus un pour u.
A mesure qu’elle décrut,
le souffle approcha notre main.
Aujourd’hui s’appelle demain.
Vingt-deux et trois pour les deux v.
Que voulons-nous? Nous élever.
Quatre et cinq pour l’x et l’i grec.
Mais le bourreau ne vienne avec.
Pour la lettre z un seul coup.
Le prisonnier se met debout.
Car le terme ouvre le début
Rien ne sera de ce qui fut.
Jacques AUDIBERTI « Des tonnes de semence » (N.R.F.)
Ce que dissimule le désert – ( RC )
photo: pochette de CD « Silencio » Gidon Kremer
Il y a une étendue plate,
– Elle se perd dans l’infini – .
> Elle appelle un désert,
un océan,
ou un simple terrain inhospitalier.
Et rester immobile tout ce temps,
debout,
on compte les heures en suspens –
ou plutôt on ne les compte plus ;
c’est une attente,
le regard dans le vague.
Le ciel est trop haut,
Il écrase de son poids
tout ce qui s’échappe de l’horizontale.
Mais tu espères sans t’en rendre compte,
au-delà de la solitude,
La rupture des écluses,
que les lèvres du temps s’entr’ouvent.
Et la crainte, en même temps,
Que les yeux ne sachent pas voir,
Ce que dissimule la surface unie
– Un guetteur du désert des tartares –
« Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? »
Et si le vide était une illusion,
et que continue dessous,
l’échappée des heures,
…Une simple dilution.
La vie est souterraine .
Elle fait un grand détour,
vers toi
pour contourner le froid.
T’en rends-tu compte ?
–
RC – juill 2015
Absorber l’idée même de la nuit – ( RC )
Les bois se taisent
quand les noces des vents s’apaisent,
et c’est la nuit
qui emporte tous les bruits …
( mais pas une nuit rêvée,
celle que l’on peut trouver,
quand une partie de la terre,
effacée de la sphère
plonge dans le sommeil,
en absence de soleil ).
Les criquets et les cloches des villages
cessent leurs commérages
à partir du moment où l’obscurité
étend son royaume indompté
dont la noirceur
occupe l’intérieur,
et celui des gouffres
à l’odeur de soufre,
et les grottes cathédrales,
dont le noir total
est un monde à part entière,
se tenant éloigné de la terre.
C’est comme si l’extérieur,
ses joies et ses peurs,
n’avaient jamais existé,
jamais vécu, jamais été,
> juste une existence
remplie par le silence ,
elle , pourtant si proche,
cachée derrière une paroi de roches,
jusqu’à en devenir une idée d’infini,
absorbant l’idée même de la nuit .
.
–
RC – janv 2016
Une ouverture sur l’infini – ( RC )
–
Prends ce morceau de ciel, emporte-le chez toi, installe-toi en contre-jour,
et revêts ta tenue d’ange.
Fixé dans un recoin, le temps s’immobilise. Il se déroule et s’ennuie.
Il faut mettre un terme à l’expérience
car même si le bleu est ta demeure, il faudra inscrire tes ailes dans l’espace,
et plonger dans l’abîme :
N’aie pas peur, regarde les oiseaux.
Ils ignorent le vertige . Tu les suivras.
Avec la courbe de l’air comme soutien, sans penser à le posséder :
Une ouverture sur l’infini.
–
RC – nov 2015
Denis Scheubel – sillons
– De quoi abreuve-t-on ces sillons
Qui ressemblent tant aux anneaux
D’un saturne noir. De tous
Les excès de l’exagération des défauts ?
Avec des montagnes d’hypnose que
Le diamant déchiffre
Tourne encore, c’est la direction
De l’infini.
–
extrait du recueil de D Scheubel : about rock, sex,and cities
Espaces brisés de la salle aux miroirs – ( RC )
–
Une salle aux miroirs se penche sur moi,
Des rayons de lumière y rebondissent,
Et sont autant de flèches,
Au trou noir de mon souffle,
Perçant la nuit, sans pourtant atteindre,
Au coeur de ta beauté.
Elle concentre l’azur,
Même quand ta voix s’éteint,
Une part d’infini, dans ta main,
Dans ton visage aussi,
Que je ne peux atteindre,
Condamner à errer, après t’avoir trop cherchée.
Je me noie dans un temps,
Et l’idée que j’en ai,
Même parmi les espaces brisés,
Des miroirs enchevêtrés,
Ne me conduisent pas, jusqu’à ta voix,
Aux silences enroués, ni à ton image…
Elle m’est renvoyée , brisée,
Et ne se superpose pas,
A celle du souvenir,
Noyé aussi dans la noirceur,
D’une distance, s’effondrant sur elle-même,
Comme celle d’une étoile déchue.
RC
———– ( c’est une variation sur le texte d’un auteur canadien.. que voici)
Il y a dans mes souliers
Des rues inondées
Où je me noie dans ta main
Il y a dans mes yeux
Ta voix qui s’éteint
Cette noirceur dans l’azur
Il n’y a rien d’autre au-delà de toi
Il y a dans la nuit
Des silences enroués
Pour t’avoir trop cherchée
Le temps s’échappe de moi
Déraciné de l’avenir
Pur au coeur de ta beauté
Que je donne à ma peine
Il y a dans mon coeur
Une plaie dans l’air
Un trou noir dans mon souffle
Où tout s’effondre sur moi
—
Sourd une lumière noire ( RC )

peinture: Adolph Gottlieb: Ascension 1958
–
D’un tout petit point,
Encore lointain,
Sourd une lumière noire,
–
Elle aspire,
Dans la démesure,
De l’immensité à parcourir,
–
Ce qu’il y a,
Qui remplit nos yeux,
Nous dilate.
–
Dans ce que nous voyons,
La vie se poursuit,
( Un monde où j’habite ).
–
Je ne pose pas de questions,
Les vagues succèdent aux vagues,
Et les jours entre eux.
–
Et le corps transpire les années,
… Comme en rides insensibles,
L’espace a rétréci – un peu…
–
Puis, sans qu’on y prête trop attention,
Ses murs se sont rapprochés,
Et teintés de couleurs lasses…
–
Comme une bouche d’ombre,
Le soleil noir est visible,
« Clairement » dirait-on, cynique,
–
Et s’il boit peu à peu les choses,
- Comme la gorge de la nuit.
S’il faut se tenir aux bords,
> Un seul faux pas,
–
Et nous voilà de l’autre côté,
Chutant dans l’infini…
–
RC – 16 septembre 2013
–
Indentifier les étoiles éteintes par des points ( RC )

– photos origine – futura sciences –
–
Si toutes les myriades d’ étoiles réunies
Ajoutaient leur lumière infinie
Notre voûte serait blanche,
On n’y verrait goutte, dans un ciel étanche
Mais l’infini a ses faiblesses
Et les lueurs pâlissent en détresse
Si toutes les lettres grecques répondent à des couleurs
La physique nous apprend avec douleur
Que l’absence de lumière les fond dans l’uniformité
Il en est ainsi des trous noirs dans l’immensité..
On n’identifie plus les étoiles éteintes que par des points
Car le noir n’est jamais loin.
–
RC – 16 janvier 2013
–
Robert Piccamiglio – Midlands – 06 – Plus tard ( 02 )
–
L’argile du cœur broyé par l’indifférence. La peur. La haine.
Aux pieds des frénésies du pouvoir toujours en marche.
Ce pouvoir je l’ai senti
sur les scènes du monde entier.
Je n’étais alors ni le troupeau
ni l’infime sillon. ni le berger anonyme.
J’étais comme cette terre riche de feu. Fusion éternelle. Longue course vers l’infini.
J’étais le ciel heurtant les saisons. L’amant.
La maîtresse habillée de gestes vifs. Insoumise.
J’étais ce fils
que je n’ai pas connu.
Ce Cavalier maintenant égaré.
J’étais cette tille que je n’ai pas eu. Cette Reine oubliée. Cette Fée d’éternité.
Le pouvoir je l’ai senti comme la rivière charriant le sang.
Puis le fleuve emportant les cadavres d’où venait le sang.
Je restais immobile.
Triomphant.
A l’image de ces volatiles
qui Jamais ne se posent.
Qu’importe la saison. .
L’odeur de l’herbe ou de la pluie.
Jamais ils ne suspendent leur vol.
Même les blés accueillant. Ou l’arbre tendant ses bras aux douceurs zénithales ne leur font refermer leurs ailes.
–
Midlands est publié aux éditions Jacques Bremond, qui utilisent très souvent du papier recyclé « artisanal »….
–
Lambert Savigneux – Trace du rêve
Trace du rêve
e muet
s’efface l’ourlet
articulation inusitée ces sons en disent long
qui entend le vent
qui entend l’inaudible sous les branches des voyages
ploie la masse se fait sentir
sont-ce consonnes cette alliance ce lien
nécessaire pesanteur arrime
les masses dans le mot écrase rythme l’air
sinusoïdale longe sans fin la bave de la chenille empilement cataracte des anneaux
l’homme immergé saisit des bribes et articule se remémore
forme dans la bouche l’aspect fulgurant du monde ce qu’il en sait
mouche termite abeille points de repère et traces voyance le journal du Rêve est la mémoire de l’infini que le geste termine reprend atermoiement du vivre
goutte sur le sable temps que la bouche expulse que cueille la main
José Gorostiza – mort sans fin – extr 01
–
O, quelle joie aveugle,
Quelle soif d’utiliser à fond
L’air que nous respirons,
La bouche, l’oeil, la main.
Quelle démangeaison vive
De dépenser tout de nous-mêmes
En un seul éclat de rire.
O, cette mort impudente, insultante,
Qui nous assassine de très loin,
Par delà le plaisir d’avoir envie à mourir
D’une tasse de thé…
D’une petite caresse.
***
… ce mourir entêté et incessant,
cette mort vivante,
qui te poignarde, ô mon Dieu,
dans ton travail rigoureux,
dans les roses, dans les pierres,
dans les étoiles indomptables,
et dans la chair qui se consume
comme un feu de joie allumé par une chanson,
un rêve,
une nuance de couleur qui attire l’oeil,
… et toi, toi-même,
tu es peut-être mort depuis une éternité, là-bas,
sans que nous le sachions,
nous qui sommes des résidus, des cendres, des fragments de toi ;
toi qui es encore présent,
comme une étoile cachée par sa propre lumière,
une lumière vide sans étoile
qui vient à nous,
camouflant
son désastre infini.

peinture: A Manessier: Passion
(Mort sans fin)
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Branko Čegec – Syntaxe de la peau, syntaxe du clair de lune
Branko Čegec ( auteur croate) – sintaksa koze, sintaksa mjesečine
Syntaxe de la peau, syntaxe du clair de lune
Le triomphe des chiffres descend de l’écran. Je recule, impuissant et muet. Comme si j’étais renouvelé dans la philosophie tardive de la langue et du vin j’accepte tout slalom pathétique même si la fille du cadran s’est endormie dans les bras des nuits blanches et des reproches de pêcheurs d’où s’écoule visqueuse l’histoire idyllique de la littérature. L’essai , c'est ensuite le cercle imperméable des périls: de nouvelles explications parviennent pour des mots usés, pour des images éculées et des cadres de films empruntés: le grondement des avions et la poussière des souterrains sont la rencontre marquée sur ta paume humide: belle, joyeuse, docile, tu t’es glissée encore une fois dans l’odeur de ma peau, la colle solaire et sensuelle d’où il n’y a pas de retour, où personne ne se ressemble, ni qu’on trouve dans des journaux, et la reddition des papillons égarés à la fenêtre qui disparaît dans les ténèbres profondes, trop profondes. Je te dis: entre dans mon miroir et reçois-moi dans la mémoire glaciale pour que je me réchauffe, pour que je m’endorme souriant comme si j’étais l’oubli, la mer calme et Polić Kamov à la loterie de Barcelone. Je suis salué par les bateaux et les femmes pianistes aux jambes longues et aux doigts laser comme dans toute entreprise d’innovation et de mort: et seul le rythme de ton toucher gronde en stéréo, suivi par l’éclat timide de la peau au clair de lune près de la digue, au printemps, quand les vents sont encore tout jeunes, et que la nuit ne cesse pas, l’écriture non plus, en écrivant l’ellipse du l minuscule jusqu’à l’infini. 1992 d'autres textes de cet auteur sont disponibles, en français sur ce site -