À quoi sert-il de voyager? Une jarre de lait calme, les cuisses de l’épouse, les jours comme des pommes tombées dans le verger, une belle lumière lisse, la paix de l’œuvre faite et la nuit à l’auberge, vieillir tout doucement près d’un pichet de vin quand la lune blanchit le large, tout en trinquant avec des marins revenus infirmes, d’on ne sait quelles batailles louches qu’on a du mal à épeler…
À quoi sert-il de s’en aller déjà vaincu, avant d’avoir ouvert la bouche, dans des pays d’où l’on ne reviendra que vieux plein de sirènes que l’on n’a pas écoutées de victoires manquées « le cœur lourd d’avoir résisté à sa soif? »
Il est l’heure maintenant de dormir
ne disparais pas trop vite où je ne peux plus marcher
ne vas pas trop vite où mes pas ne vont plus
ma vie elle n’est rien qu’un peu de ces chansons infirmes
de la cendre soulevée sur nos chemins intérieurs
j’ai dressé mon amour dans cette déchirure
j’ai exhumé le diamant de ces rêves offensés
je suis comme les autres hommes les autres éphémères
qui vont partout se cogner chercher de la lumière
j’habite la nuit je n’ai que la nuit
pour me raconter ce que c’est que de rester en vie
aveugle incertain ignorant
je ne fais qu’errer de lueur en lueur
et lorsque je l’atteins je brûle comme chacun
08.02.13