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Luis Mizon – je voudrais quitter ma ville et mon corps


Je voudrais quitter ma ville

et mon corps

pour aller vivre ailleurs

si le ciel était la lumière de l’instant

je partirais en quête du ciel

si le ciel habitait notre regard

je chercherais la transparence

pour voir le vol des oiseaux traverser tes yeux

et l’instant de lumière

se poser près de nous

jour après jour

j’imite je colle je reconstruis avec des mots

les morceaux dépareillés de l’instant

une maison éphémère entourée de cigales

de bidons et de vieux pneus


Instant – (Susanne Derève )


Edward Hopper – Automat 1927

Au lever d’un  jour  incertain,

la vitre me renvoie une  image figée 

que noient   les verts humides du  matin,       

la ligne bleue des toits sagement alignés,

un paysage urbain

On croirait entrevoir un tableau  de Hopper : 

silhouette oisive  accotée au  comptoir

d’un bar ou d’une chambre vide

un mannequin de cire aux prunelles livides

au  regard  orphelin  …

Ce n’est  que mon reflet traquant mes rêves

souterrains,

la table de cuisine  et le pain

une tasse jaunie  où tiédit le café :       

                le même néant  sans objet.

À  tasse vide  coupe pleine,

trinquons aux  instants  qu’on égrène

… comme des pans  d’éternité


A cet instant précis – ( RC )


Daniel Ridge Falls Frozen

Un peu de blanc, et du noir dedans,
et des lignes qui s’étirent :
des images , un instant
figées, et c’est une cascade
qui ne tombe plus,
saisie dans son élan par le gel .

Le regard saisit les formes,
où la lumière s’est posée :
il cherche dans les ombres ,
un peu de vie cachée ,
et déjà, arriver à deviner
la couleur des choses .

A cet instant précis.


RC – nov 2017


Samuel Beckett – sans ce monde sans visage ,sans questions


peinture Mischa  Rezka

peinture Mischa Rezka

 

 

 

que ferais-je sans ce monde
sans visage sans questions
où être ne dure qu’un instant
où chaque instant
verse dans le vide
dans l’oubli d’avoir été

Samuel Beckett


Jean-Pierre Duprey – Saveur d’homme


peinture  Sidney Goodman autoPortrait  au bras replié  1985

peinture    Sidney Goodman      autoPortrait au bras replié 1985

Donnez-moi  de  quoi  changer  les  pierres,
De  quoi  me  faire  des  yeux
Avec  autre  chose  que  ma  chair
Et  des  os  avec  la  couleur  de  l’air  ;
Et  changez  l’air  dont  j’étouffe
En  un  soupir  qui  le  respire
Et  me  porte  ma  valise
De  porte  en  porte  ;
Qu’à  ce  soupir  je  pense  :  sourire
Derrière  une  autre  porte.
Détestable  saveur  d’homme.
En  vérité,  une  main  ne  tremble
Que  pour  vieillir  sa  mémoire  ;
L’autre  ne  vieillit  que  d’avoir
Trop  bougé  de  vie  depuis  le  temps
Où  le  monde  l’a  basculée
Dans  l’histoire  du  temps  et  du  moment,
Qui,  sans  jamais  se  ressembler,
Se  retrouve  à  chaque  instant
Dans  le  sac  noirci  de  son  éternité


G M Chenot – Au toucher ou à l’ouïe


photo perso:             marché de Guelwongo, Burkina Faso,  village  frontière avec le Ghana

 

 

 

AU TOUCHER OU A L’OUÏE

 

 

L’Afrique en bandoulière

Et les yeux émerveillés

Par de tant de couleurs

Ou de nuances de noir

 

La lumière en héritage

Comme la douceur d’un fardeau

Qui s’évapore en souriant

Dans l’ombre des frondaisons

 

Et cette voix de femme ensorceleuse

Dont on fait des miracles

Des baisers ou des caresses

Dans la saveur de l’instant

 

 

écrit provenant du riche  blog poétique  de GMC

 


Taire le silence ( RC )


photo:               Barbara Morgan

Si j’apprends  à  taire le silence
En jetant quelques cailloux dans l’eau
Alors, la surface  remue, et se souvient
En cercles  concentriques, des éclaboussures
Et des gestes  ténus,
Qui repoussent  quelques  secondes la léthargie,
En laissant ,          une place à la vie.
Mon geste n’est plus là, mais seulement sa trace
Comme lorsque je passe un doigt distrait
Sur la couche  de poussière recouvrant le buffet.

J’apprends à lire, les instants  fugitifs,
Le murmure  de l’histoire,  et l’invisible est crédible
Les brioches  dorées,  le zeste des parfums,
Le sillage  d’un regard, au détour  d’un reflet,
Le souffle  des choses, agitant les feuillets
Les chapitres  du bonheur, que révèle
Un pinceau de lumière à travers les nuées
Eloignées  des étoiles, et dénuées
De l’ombre   –   qui fait l’importance.

Si j’apprends  à taire  le silence,
C’est pour mieux  traduire
Une langue d’avant qui te ressemble
La prolongation d’une  grâce
Que n’offrent ni les mots
Ni la parole rhétorique,
Les doigts ouverts  de l’invisible
Quand ils te dessinent à mes yeux:
Une veine qui palpite à ton front,
Et la courbe  d’une hanche…

J’apprends à lire, les instants  fugitifs,
A  rassembler les  indices,
Peut-être à inventer,
A rajouter  des brillances
Et des couleurs  de voix,
Imiter  rivières  et cascades,
Et l’ombre des collines
Qui dessine des courbes
Sur le désir de l’instant
Que les lèvres promettent.

 

 

RC –   6 octobre 2012                ( évocation d’une  démarche  créative… je pensais  à la photographie )


Luce Guilbaud – l’instrument du temps et ma bouche


———-

toujours  extrait de  « la  chair à vif des roses »  (1978)

——-

Les hommes s’engloutissent dans leurs yeux refermés longs escaliers de l’ombre au fond gît la clarté.

Pour le dire je n’aurai d’autre instrument que le temps et ma bouche

aux paroles de pierres friables polies   roulées

usées par le temps gangue émaciée à cœur

la mort   le mot solide et lumineux le temps l’oeuvre au noir

creuset de l’or pirate de la boue au miracle

peinture: Hans Hofman Berkeley

Pour le dire du matin au volcan de la racine

à la torture du bâillon au silence

Pour le dire j’aurai l’amour immobile et ce temps qui est le tien

et qui concorde avec mon temps quelque part entre le scintillement

et l’étoile   qui file   l’instant.

Chemin de soif entre deux eaux

chemin de soir et de ciel plein mornes fossés

où les yeux d’ancolies arrachent aux départs

un peu de paix jusqu’à la tour où s’arriment les siècles

——–


Vesna Parun – L’accord final de l’hiver


L’accord final de l’hiver
11/06/09

Et voilà je sens

à chaque instant

comment s’éveille

la pensée de la pierre.

A midi elle respire

saturée de la germination des herbes,

aussi loin

du soleil

que mon obscurité…

 

 

—– voir  la suite  sur Poezibao..  ainsi que  des liens pour d’autres textes:

 

peinture J Bosch, Christ Child with Walking Frame 1480

Jean-Jacques Dorio: – instants



28 septembre 2006
INSTANTS

Le temps n’a qu’une réalité, celle de l’Instant.

Gaston BACHELARD

——–

Comme si parfois on cherchait à rendre

Une certaine exactitude de l’existence

Ceci est du pain suédois

De la pastèque cuite au chaudron

Ceci est un chat européen

C’est-à-dire de gouttière

Le bruit d’un réveil

Les paroles des proches

Mangeant le pain et la pastèque

Flattant le chat

Disant les choses du jour

Lançant l’argile dont chacun fait les statuettes de ses rêves

Comme si parfois on auscultait

Ces contours lents

D’un instant

Intact

Jean-Jacques Dorio