Marcher vers le blanc – ( RC )

Avant le blanc,
je ne savais rien du passage
qui se fraie dans le cœur
invisible du temps :
l’émergence de la couleur
ne s’apprend que
lorsqu’on en a oublié
le langage et la signification
des phrases apprises par cœur,
mais qui nous masquent
les bords du silence.
Ainsi rien ne nous indique
le chemin, car nous suivons
celui qu’on nous a appris,
à la place de l’inventer
avec patience
en sortant des voies
où les formes
luttent contre les ombres.
Mais la couleur ne se saisit pas.
Elle traverse juste le regard :
on ne la décrit pas,
car elle ne se livre
qu’avec discrétion,
et avec des variations infinies,
sans contours précis.
On sait juste que la lumière
lui donne naissance,
et que chacun la perçoit
en ajoutant la nuance
de sa vision .
Jusqu’à ce que les teintes
prennent leur indépendance,
se superposent
entament une danse
qui n’a d’autre fin
que l’assouvissement.
C’est alors
qu’on peut marcher vers le blanc.
Ne pas fermer, et conserver à l’abri de la poussière – ( RC
–
–
Tourner le dos au miroir,
La défaite du corps,
Retourner dans soi-même,
Sur un chemin parcouru,
Eviter la nostalgie,
Ajouter deux cuillers de sel,
S’embarquer pour un voyage,
Pour inventer le futur,
Oser le pas dans le vide .
Il n’y a pas que le réel,
Qui nous soutient,
Encore faut-il y croire.
–
Ne pas fermer et conserver,
à l’abri de la poussière.
Nous sommes sans doute sortis de leur esprit – ( RC )
–
Une existence tourbillonne,
Et se tourne sur elle même,
En trajectoires,
Elles semblent diverger,
Mais restent parallèles,
Si habiter son propre corps,
Renvoit à plusieurs,
Et qu’il est difficile
De s’y retrouver,
De s’y réfléchir, même,
Comme penché sur un miroir,
Donnant un tout autre aspect,
Selon l’éclairage,
Le lieu,
Et le temps, habités.
Le défilé des images,
Penchées sur le passé,
Peut revenir sans cesse,
Si on le souhaite.
Il suffit de revenir
Quelques séquences en arrière,
Ou montrer le film à l’envers.
Les trajectoires parallèles,
Sont-elles les mêmes,
A travers des personnes semblables
Habitées par leur rôle ?
Chacun s’habille de la peau
De l’être qu’il incarne,
Conduit son propre fil,
Et arrive à se confondre,
Au coeur même de sa vie,
Avec le jeu, qui le poursuit.
Courts-circuits des apparences,
Echanges des existences,
Comédie et faux-semblants
A l’aspect changeant, caméléon,
Selon les habits,
Que l’acteur aura revêtus,
Le récit est mené,
Et s’interprète,
Tortueux, et modifié,
Avec la passion,
Elle-même mise en scène…
Superposant la fiction,
Et le drame,
Auquel on aura survécu…
Comme la vie traversière,
Parcourue de réminiscences,
Avec le part des choses,
Où se superposent,
Le jeu du comédien,
Grandiloquent,
Et celui de l’histoire personnelle,
Que l’on perçoit, translucide,
Du corps, et des années ,
Reconduites,
Où – le présent est aussi le passé.
Les cartes se rebattent,
Et apparaissent dans un ordre différent,
Mais ce sont les mêmes.
Si les frontières s’abolissent,
Entre le vécu et l’imaginaire,
Quand l’aujourd’hui,
Se dilue dans les transparences,
De ce qui fut…
Si ce qui a été n’est pas le pur produit,
De ce qu’on a rêvé,
Partageant encore, divers rôles.
Inventés par d’autres.
Les auteurs inventant constamment,
De nouvelles créatures,
Pour les besoins du récit.
Nous sommes sans doute,
Sortis de leur esprit
– encore que
Nous n’en soyons pas si sûrs,
Et on se croise soi-même
Aux détours de leur mémoire…
Et de la nôtre
–
RC – 10 décembre 2013
.
( en pensant à la pièce de Pirandello » six personnages en quête d’auteur «
… et au film de David Lynch » Inland Empire »
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Que faire des idées qui encombrent ? ( RC )

peinture : Paul Klee – maisons rouges et amaryllis – Tunis 1914
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Que faire des idées qui encombrent ?
En venir en tableau blanc…
où tout est à inventer.
à construire le réel au souffle de la couleur,
ce qui n’est pas tout à fait la réalité,
puisque je l’ai inventée…
L’innomable a suivi :
On peut saisir et toucher de la main
ce qui n’existait pas , un instant avant
des calligraphies jetées sur le papier
à la douceur des peaux de marbre,
creusées dans le bloc brut de carrière…
Que faire des images qui encombrent ?
Avec le tableau vierge ?
c’est ré-inventer le langage d’origine
et le chercher là – où personne ne l’a entendu –
La réalité inventée
celle des tableaux de Klee
celle d’un intérieur enfoui quelque part
qui soudain se donne à voir
———– sans jouer au miroir…
Tout est fiction peut-être
et, qui ouvre la fenêtre
met au jour l’esprit de l’enfance,
s’aventure sans méfiance .
.. Si c’est musique , – des accords inouïs…
Pour les artistes , aucun mot ne traduit
l’invisible devenu visible, et si oui,
résumer que le peintre a jouï,
rejetant dans les étoiles
et la culture et les idées bancales.
C’est une fiction, peut-être,
en nous portant, pourtant, elle nous fait renaître..
Et s’il est question d’écrire,
je laisse les mots advenir
avancer, reculer, avancer,
—– et enfin nous bousculer..
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RC – St Louis – 25 février 2013 —
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