Edouard J Maunick – dérive des îles
… j’ai vécu avant moi
dans des îles sans nom
quelque part sur la mer
avant qu’elles se sabordent
en pleine terre
de toi j’ai suivi leur dérive
en chantant des soleils
sonores et bleus d’iris
mémoire mon beau jardin
ma désobéissance
Aude Courtiel – des jours des semaines entre un sourire et l’esquive

J’ai guetté les plis sur ta peau.
Des jours des semaines entre un sourire et l’esquive.
Des centimètres de nuages à boire.
Et la peur d’échouer.
Parce que rien ne remplace l’absent.
Que tout pourrait s’arrêter au silence.
Que tu pourrais contourner le vent.
Fermer les fenêtres.
Tapisser l’être.
Pourquoi ne pas enfiler la tombe.
La mort n’est pas le silence.
Tu pourrais aussi passer par les trous dans la porte.
Remettre à plat les plis.
Nommer l’espace.
Du dehors du dedans.
Tamiser le temps.
Avant, maintenant.
J’ai plongé un papier entre tes doutes.
Qui sait si tu l’enveloppes comme un rêve.
Femme à la mer
Combien de temps elle flotte ?
Combien de peaux ?
Des couches
Des plus ou moins vraies
Des plus ou moins fausses
Des promesses
Des effluves
De fauve
Des chiens des chiennes et du velours
À un poil près pointait le bruit du vent
Silence
Encore du temps
À la surface de la lune
Pour soutenir le foutre
Pour dilater la blessure
Prendre le large
À l’horizon qui sait, le chant des sirènes
Combien de temps flotte avant les sirènes ?
Femme marine à deux queues
Envie d’être en soi
En vie d’un toi
Bruit de peaux entre les flammes
Pas de larmes consumées
De cris à l’aveugle
Mais le murmure d’un ruisseau qui fume
Jusque dans la bouche Jusque dans l’iris
Chance
Incandescence
Le désir dilatait le rêve
Est-il encore chaud ?
Bruit de peaux entre les flammes
Pas de larmes consumées
De cris à l’aveugle
Hais le murmure d’un ruisseau qui fume
Jusque dans la bouche
Jusque dans l’Iris
Chance
Incandescence
Le désir dilatait le rêve
Est-il encore chaud ?
Bruit de peaux entre les flammes
Pas de larmes consumées
De cris à l’aveugle
Mais le murmure d’un ruisseau qui fume
Jusque dans la bouche Jusque dans l’iris
Chance
Incandescence
Le désir dilatait le rêve
Est-il encore chaud ?
Renée Vivien – Chanson

Le soir verse les demi-teintes
Et favorise les hymens
Des véroniques, des jacinthes,
Des iris et des cyclamens.
Charmant mes gravités meurtries
De tes baisers légers et froids,
Tu mêles à mes rêveries
L’effleurement blanc de tes doigts.
____________(Études et préludes, 1901)
Lucio Mariani – Echec et mat
11 septembre 2001
Je suis né à Rockaway, non loin de Brooklyn, sur un morceau de terre qui ressemble à un grand doigt pointé vers l’Atlantique.
Je ne me souviens pas qu’une femme ait entouré d’amour mon enfance et mes premiers émerveillements.
Mais c’était beau de grandir derrière une haie, avec l’océan dans les yeux chaque jour, aussi beau que de débusquer dans le visage italien de mon père un orgueil mal dissimulé, le jour où je revins à la maison avec mon premier salaire de comptable.
Il voulut faire une partie d’échecs, et le temps de fumer deux cigarettes, lui coup de la tour, un coup de la reine,
Il se laissa battre sans appel. Il en tira la conclusion qu’ il me fallait toujours prendre garde aux tours, « Dangereuses », avait dit mon vieux d’un air grave et moi, souriant,
Je me souvenais de son propos en ce mardi 11 septembre, tandis que je me hâtais de rejoindre mon bureau à Manhattan.
Et je peux reconnaître le bien-fondé de son conseil maintenant que je suis poussière dispersée par un éclair obscène, poudre abandonnée parmi d’autres poudres, matière décomposée sous un trottoir détruit, près d’une feuille où mon père ne pourra jamais me trouver, ne serait-ce que pour tenir cette main avec laquelle je jouais aux échecs.
J’étais de Rockaway Et je n’ai connu ni l’amour ni le réconfort des femmes : qu’une femme vienne, maintenant, et qu’elle demande aux iris blancs de fleurir au milieu de mon nom disparu, effacé.
Gartempe – Susanne Derève

Photo RC
Printemps, me disais-tu,
des lits de fleurs jetés sur l’eau
comme les voiles blancs d’une aube
adolescente
Je répondais école buissonnière, iris,
– pas ceux de Van Gogh –
les iris jaunes des rives basses de la Gartempe
jardins épanouis, fleurs de fruitiers,
ramées légères sous le vent frais
Que disais-tu sinon que le printemps était là
ses fleurs dressées aux angles des fenêtres,
égayant le pavé des cours, cernant le vide
à l’aplomb des vieux murs, églantiers,
valérianes, coquelicots d’un jour
Printemps voyais-tu ce que je ne voyais pas
Jetais-tu sous mes pas comme un semis d’étoiles
Etaient-ce simplement les cailloux du chemin
Ou sous les lunes d’eau un reflet cristallin
l’éclat du ciel entre les pierres
pans de ciel mêlés entremêlés de murs brisés
fendus d’étroites meurtrières
Tu me disais printemps
et mon rêve brassait le temps
comme les pales du moulin
C’était le battement régulier de la roue
l’orbe de l’eau le lit d’argent de la rivière
et ses berges un écrin déclinant la palette
des verts me disais-tu
comme on les peint
Sabine Vadeleux – Etre le miroir de l’autre
Säb –
photo: Bruce Davidson. Chicago – 1963
–
Regarde encore et encore
Est-ce ton reflet sous cette lune ?
Ma main se lève lentement, doucement
Chaque mouvement reproduit à l’identique
Comme Une.
Ce que j’aimerais c’est connaître ton intérieur
Ton être vrai et véridique
Miroir de mon âme, je lâche les armes
Comme une hérétique.
Les grains de sable s’envolent emportés
Par le vent…
Les temps s’échappe toujours
Tu sais… difficile d’arrêter à temps
Rien ne peut enrayer sa course
Effrénée soufflée à la craie de nos incertitudes
Et de nos désirs secrets.
Pourtant une plongée dans ton iris
Me réveille
En sursaut, tel un serpent surpris par l’eau
Nagé par mont et par vaux … être le miroir
De l’autre…
Une essence une intensité intimement nouée,
Une confusion des sens dans un souffle inné.
Une intension où les corps et feux se dilue peu à peu
Et se répand poète.
Les grains continuent et glissent toujours
Escalades d’émotions qui ne s’attardent
Et surgissent.
Mais quelle hypocrisie de l’histoire
Que ces espèces de lignes qui nous tissent
Le visage.
Regarde encore et encore dis-moi tout… parle-moi de cette statue
Est-ce toi ? est-ce moi ?
Est-ce mon émoi ?
Que d’être le miroir de l’autre
Ou les deux confondus.
—

dessin: MC Escher
et beaucoup d’autres textes d’auteurs, visibles sur les Carnets de Poésie de GuessWho
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Joe Ferami – Mêlée.
A mêler le vent dans l’écheveau des songes
à ouvrir le bleu dans le rouge
entre le violet tremblant des douceurs abruptes
et s’aveugler de la toile que peint le soleil
sur l’horizon
comme gonfle et pousse une voile
au fond des iris entrouverts.
Vouloir. Et dans le secret. Peine perdue.
Mâcher, manger le je, le moi, le tu, le vous et vomir. N’oublie pas le oui et le non, et le malgré. Les bourgeons, les feuilles, le soleil doux. L’herbe. Plus loin. Le rafle de l’innocence. Louange. Beauté même. Et le caillot où le cœur s’adoube.
Et franchir cette mer. Comme une île vitrifiée à vivre cette vie.
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JOE FERAMI