— Alberto Giacometti, Écrits, Éditions Hermann, 2007
Un long chemin serpente entre les arbres,
irrégulier, parsemé d’ornières et de flaques.
semé de pierres ,
comme le fit le Petit Poucet,
et depuis le temps,
couvertes de mousse.
Loin est le pays auquel j’appartiens;
il monte insensiblement
depuis les Landes :
je le sais en allant vers l’amont,
suivant ruisseaux et cascades,
sous l’arche du vent.
Je quitte les fougères
pour des herbes plus maigres,
des buissons de ronce,
des asphodèles,
et marche sous le regard immobile
des champignons.
C’est comme dans un livre de Pierre Bergounioux,
ajouter mon pas au précédent,
mettre peut-être mes traces
dans celles que je laissais ,
cheminant dans l’autre sens
Des années se sont écoulées;
je tiens ma vie en équilibre
sur deux jambes
qui remontent le courant,
les pentes arides
les rochers éboulés.
Je ne devrais pas penser
au temps qui trépasse ,
aux murs lézardés de la maison rose,
trop longtemps abandonnée,
que j’irai retrouver,
après cette trop longue pause.
note: il est fait référence ici à deux ouvrages de Pierre Bergounioux;
» Ce pas et le suivant« , et « la Maison Rose«
Table de travail Au petit matin, avant que les coqs ne se perdent dans le ciel, j’écris sur tes jambes et restent au sol mes plumes et mes livres. Voici ma table de travail : ici j’écris de mes doigts contes et poèmes sur les feuilles de ton corps. Dans une maison lointaine sont restés tous mes livres et mes papiers, les éditions de Catulle et d’Horace et le théâtre complet de Shakespeare. Loin de mes cahiers, seul me reste le papier de ta peau, en ce si petit matin où les murs sont aveugles.
Mesa de trabajo En las horas más pequeñas, antes que los gallos se pierdan en el cielo, escribo entre tus piernas, donde quedaron mis plumas y libros en el suelo. Es mi mesa de trabajo, aqui escribo con mis dedos los cuentos y poemas en las hojas de tu cuerpo. En una casa lejana han quedado todos mis libros y papeles, las ediciones de Catulo y Horacio y el teatro entero de Shakespeare. Lejos de mi cuadernos, solo me queda el papel de tus pieles, en estas horas mas pequeñas, cuando son ciegas las paredes.
Le Royaume perdu
Editions CONFERENCE
sculpture : Jean-Pierre Baldini
Une ombre bleue à chaque jambe
La sienne et celle d’une dame
Deux ombres qui soupirent ensemble
Sur le drap sale du macadam
On dit que c’est un vieil amour
Un coup au coeur jamais guéri
Qui n’a laissé que son contour
Découpé dans un matin gris
V’là c’est pour ça qu’il a deux ombres
Qui déambulent derrière lui
Qu’il promène dans les décombres
De sa mémoire toutes les nuits
Deux ombres enlacées côte à côte
Cousues au bas de son manteau
Les mains mises l’une dans l’autre
Qui s’embrassent derrière son dos
Une ombre bleue à chaque jambe
La sienne et celle d’une dame
Deux ombres qui soupirent ensemble
Sur le drap sale du macadam
Le type d’en haut il a deux ombres
Et il les rentre au petit jour
Quand le premier rayon fait fondre
Les contours de nos vieilles amours
extrait de » la Patagonie «
Les nuages
Quitter le rivage de terre et de cailloux, s’avancer vers
les nuages. D’un pied tâter la matière, y entrer d’une
jambe, d’un corps, d’un coup. Plonger dans la mer,
s’en recouvrir, crèvent les gouttes contre la peau nue,
les jambes s’alourdissent, les cheveux, la bouche pleine
déchirer les nuages. Un ciel d’eau sur les épaules,
disparaître.
— Alberto Giacometti, Écrits, Éditions Hermann, 2007
photo et création Mickaëlle Delamé
–
Plutôt qu’insérer sa tête,
Dans une photographie,
et l’ovale découpé,
pour y placer son visage
il faut punaiser sur le mur
une feuille de papier kraft,
se dessiner en taille réelle,
toi debout, toi assis,
et parfois tourner la tête,
pour que les gens
puissent se regarder,
se mettre en couleurs,
s’échanger quelques paroles,
en bulles phylactères,
animer un bras, un torse,
puis les jambes ….
L’habit qu’on a choisi,
ne fait pas son moine ;
D’ailleurs il n’y
en a pas ( de moines)
chacun alors,
sort à sa manière
de son rôle, et du dessin,
devient lui-même,
sorti du regard de l’autre,
se côtoient,
les personnages
trouvant leur auteur,
décalés d’ombres chinoises,
et quelque chose de commun,
le sentiment d’appartenir,
sans doute
à une même espèce .
–
RC –
nov 2014
–
La vie est colorée
De jambes de femmes
Il disait
De noeuds à défaire
La vie est colorée
De jambes de femmes
Qui injectent à l’asphalte
Des rythmes affolants
Alors boire et danser
Il disait
Boire et danser
La vie est martelée
De jambes de femmes
De bas qui crissent
De bateaux qui grincent
De voix d’enfants
Qui pincent
Le coeur.
La vie est un bateau
Où tanguent les jambes de femmes
Qui grincent
Il disait
De boucles bouclées
Qui tintent à leurs oreilles
Quand elles martèlent l’asphalte
Pendant qu’on boit.
–
Denis Scheubl dans » Sex and Cities »
Qui jugera du chemin ? Ton corps respire, une haleine l’entoure, l’autre est ce passant venu des lointains, retournant aux lointains.
Tu dois consentir, fraction du monde, multiplication des années et des êtres.
Quelle luminosité as-tu un jour connue pour ombrer la rencontre ? Tu te retournes, les traces sont là, derrière, devant, elles te précèdent toujours. Tu sens le sceau de lassitude, tes jambes tremblent quand la peur pose son caillou dans le ventre – étalon or. Sur son autel, une main presse l’attente. La parole reflue quand, jeté en pâture, solitaire, le corps s’étiole, les lèvres se pincent, il n’y a plus de pulpe autour des mots.
Qui jugera du chemin ? Les voies de l’incarnation ont mille possibles, nous empruntons toujours l’unique, impossible.
–
Sylvie Fabre G., corps subtil – Editions L’Escampette, février 2009
–
( Un texte que je dédie particulièrement à Arthemisia )
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Avant que la mort vienne,
écrire encore
un poème soigné,
avec de l’herbe
toute nue, un morceau
de ciel bleu et
des fleurs et des oiseaux
pour que ça bouge
.
Que rien ne pleure, surtout
pas de pluie grise,
mais des femmes légères
et qui agitent
leurs jambes font rouler
leurs lèvres rouges
sur des mots ronds qui fondent
car tout va s’effacer
la vie se perdre
–
Guy Goffette
-,