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Jean-Pierre Duprey – le plus beau jardin


peinture:            Gustave Klimt – grand peuplier

Le plus beau jardin cache un mensonge.
Qu’est-ce donc mon dieu ces peupliers vagues,
des morts peut-être ?
Ils déchirent leurs feuilles et les collent sur la rivière.

(Jean-Pierre Duprey)

The most beautiful garden conceals a lie.
What are they, , my god, these vague poplars
Maybe some deads ?
They tear their leaves,  and sticks them upon the river.


Jean-Pierre Duprey – Une station de vie


photo perso: rochers  St Enimie  ermitage (Lozère)

photo perso: rochers St Enimie ermitage (Lozère)

 

 

 

 

 

J’ai dominé toute une station de vie
Ma première enfance est entrée dans la pierre
Mes premières larmes sont sorties avec les passereaux
J’ai vu un Dieu, j’ai vu les hommes
Et mes yeux ne se cherchent même plus
Hier je suis allé sur la montagne qu’habita la lune
Et je suis revenu le cœur plein de tristesse
Il ne me reste plus qu’un souvenir et une guitare brisée
Un saule pleureur se dépouille et m’habille de larmes
Qu’est-il de plus triste au monde que de partir sans chanter


Jean-Pierre Duprey – Saveur d’homme


peinture  Sidney Goodman autoPortrait  au bras replié  1985

peinture    Sidney Goodman      autoPortrait au bras replié 1985

Donnez-moi  de  quoi  changer  les  pierres,
De  quoi  me  faire  des  yeux
Avec  autre  chose  que  ma  chair
Et  des  os  avec  la  couleur  de  l’air  ;
Et  changez  l’air  dont  j’étouffe
En  un  soupir  qui  le  respire
Et  me  porte  ma  valise
De  porte  en  porte  ;
Qu’à  ce  soupir  je  pense  :  sourire
Derrière  une  autre  porte.
Détestable  saveur  d’homme.
En  vérité,  une  main  ne  tremble
Que  pour  vieillir  sa  mémoire  ;
L’autre  ne  vieillit  que  d’avoir
Trop  bougé  de  vie  depuis  le  temps
Où  le  monde  l’a  basculée
Dans  l’histoire  du  temps  et  du  moment,
Qui,  sans  jamais  se  ressembler,
Se  retrouve  à  chaque  instant
Dans  le  sac  noirci  de  son  éternité


Jean-Pierre Duprey – A la grimace


masque Buaku Kyogen, Japon

 

 

 

« Allez-vous-en, vous n’êtes pas joués ! Il fait si noir qu’on n’a jamais gravé les cartes. Allez-vous-en, on vous a joués. Le soleil n’a jamais fait partie des livraisons du jour et la terre n’est qu’une ride de vieillesse. Celui qui aime l’atome ne mange que du néant. Celui qui croit prendre un chemin ne prend que son corps par la fatigue.

J’avais pourtant trouvé de la viande dans les statues…et quelque chose de touchable qui s’insérait, ne quittait jamais la main, cette main, ma main.

Mais la main, l’ombre d’un geste, n’avait jamais quitté cette sépulture anticipée, ce grand dortoir des autres, peuplé, peuplé…

D’un grand fauteuil qui n’invite personne…

D’une clef oeuvrée qui n’explique rien,

Trouvée dans la main

D’un pensionnaire de la maison détruite, quelqu’un payé très cher pour rien.

Et dans un coin du sommeil des autres, lui, là-bas, sa peau se déplace. A quoi t’entraînes-tu ? Qui donc te rêve ? Il n’a rien vu, rien entendu ; son corps l’avait porté à la dernière dimension nocturne, jusqu’à l’issue du dernier hasard.

Le dernier hasard…Un grand brouillard en place. En avant, drapeau noir ! Les démons, on vous somme, plus d’hésitation ! L’habitude de la réalité exige une belle autorité.

Moi, je n’aurais jamais dû me prendre les pieds dans cette galaxie ! »

 

 


Jean-Pierre Duprey – Sommeil dont j’ai peur


peinture;             Winslow Homer    :               la vigie      1896

Un jour je dormirai du sommeil dont j’ai peur
Pour ne plus m’éveiller
Je descendrai au fond de ces temps oubliés
Où les sirènes pleurent.

Et les très longs voyages repliés dans ma tête
Seront chiffons de rêve
L’archange qui nous garde et sans nous ne s’élève
Sera l’ange de la fête

Puisse durer longtemps le phare du vaisseau
Qui nous porte sur terre
L’abri que se construisent les marins sous les flots
Me semble bien précaire

Allégés de leur poids ils sont bulles de verre
Portés par les anges
Un rêve qui les cogne claque comme une orange
Entre deux bras de mer.

Jean-Pierre Duprey


Jean Pierre Duprey – M’a-t-on coupé le fil de la mémoire ?


peinture: Gruppe, port de Gloucester

 

 

 

M’a-t-on coupé le fil de la mémoire
Que je n’entende plus le ventre du passé ?
Il m’étrangle en mon cri dépassé dans le noir
Jusqu’à la flamme unique où le fil a brûlé

L’avenir a cassé dans ma tête le vent
Le passé a repris les cloches de ses soirs
Le remords a rongé les sons de la mémoire
Et le bruit d’un baiser déchire les instants

Au sein des toits la flamme détord ses étoiles
La mort a pris l’allure d’un fauteuil de vieux
La rage du souvenir souffle toutes les voiles
Jusqu’au dernier murmure des yeux.