Robert Piccamiglio – Ensemble, Jésus et moi

extrait de « Chemin sans croix » ed Encres et lumières 2005
Le bestiaire – ( RC )
Tu ne les as jamais vus
mais tu t’en fais une idée
à ce qu’on t’a colporté :
Ils ont tendance, à leur insu
à se cristalliser
pour prendre consistance,
se construire une existence,
et se matérialiser.
Ce sont des récits épiques
avec des animaux hors norme
aux curieuses formes :
des bêtes fantastiques…
que l’on dessine
et dont aucun dictionnaire
ne comporte d’exemplaire ,
car tu l’imagines
aussi bien que je te vois :
un griffon sanguinaire ,
un aigle t’emportant dans ses serres,
des reptiles à trente doigts …
Ils sèment l’inquiétude
dans les récits bibliques ,
( sans précision anatomique
ni grande exactitude ) .
Cela remonte au plus profond des âges :
ce dragon a une mauvaise haleine :
compter neuf têtes à l’hydre de Lerne :
les légendes demeurent et voyagent .
Et si on parle d’animal,
on voit dans les fresques comme à travers le temps :
ainsi ces figures d’éléphants
de l’armée d’Hannibal .
Ils nous semblent bien bizarres,
eux qu’on trouve sculptés dans les chapiteaux ,
par rapport à ceux qu’on voit en photo :
l’imaginaire nourrissant l’art.
La comparaison n’est pas de mise :
Si on les reconnait pourtant
c’est bien que des éléments
rappelent leur présence grise…
Ce n’est pas un corps de libellule ,
et de grands yeux étonnés
côtoient une trompe ressemblant davantage à un nez
avec des oreilles minuscules .
Les hommes les représentant
ne l’ont fait que par ouï-dire
un vague récit pour les décrire ;
un souvenir persistant
de légendes terribles :
de ces récits rapportés,
il a suffi de les interpréter
et de les rendre plus visibles
( et donc plus concrets
dans leur apparence ):
de quoi nourrir les croyances,
les faisant passer pour des faits .
Toutes les variations étant permises ,
il n’est pas étonnant que l’imaginaire
abonde dans le bestiaire ,
et qu’on l’utilise
souvent dans la religion :
la bête, opposée à l’humain
( et à plus forte raison aux saints )
est objet de suspiscions
et de hantise
pour l’inconscient collectif ,
voila donc le motif
qui les place en dehors de l’église
souvent agressifs
et symboles de terreur ,
beaucoup plus rares à l’intérieur.
Des moutons, et autres inoffensifs
accompagnent les humains .
Ce sont des animaux domestiques
beaucoup plus pacifiques
qui occupent le terrain
Pas de vautours
ni oiseaux de proie
autour de la croix
ce serait plutôt basse-cour.
On voit bien , avec les rois mages
l’âne et le boeuf,
avec un petit Jésus ( tout neuf ),
réunis pour une belle image
comme une photo de groupe
par contre pas de loup , ni de renard :
ce n’est pas pas hasard
qu’ils ne sont pas dans la troupe !
Il fallait bien faire une sélection :
on ne pouvait pas rassembler tout le monde
à des kilomètres à la ronde :
ne sont venus à la réunion
que les animaux familiers
qui accompagnent
les paysans de nos campagnes
( pas les fourmiliers
ni les dromadaires
pourtant sympathiques ):
les exotiques
du bout de la terre
pouvant rester chez eux ,
car ceux des tropiques
ne correspondent pas à la symbolique
décidée par les dieux
et puis de toute façon
on a beau faire des prouesses,
on ne peut y mettre toutes les espèces :
—- il y en a à foison !
– on a choisi les plus communs
> les résultats de cette élection
mènent bien à une discrimination:
on en prend quelques uns
que chacun peut identifier :
entre les allégoriques
les fantastiques,
les carnassiers
et herbivores,
il y a abondance
et même concurrence :
une vision multicolore
A l’instar des papillons ,
on pourrait en dresser un catalogue ;
ce ne sont pas nos homologues
– il y en a des millions –
les bêtes des antipodes
ou des profondeurs
ont aussi leurs admirateurs
( comme les scarabées et gastéropodes ) .
–
RC – juin 2017
Scène en Cène – ( RC )
assemblage-installation sculpture: Marisol Escobar
–
Que l’on passe de vie à trépas
Il vaut mieux, pour ces saints,
Avoir le ventre plein,
– ( C’est un grand repas,
qui se prépare )
– Treize à la douzaine,
Pour une grande Cène,
Et tous ces fêtards
Avec ces préparatifs,
on voit au centre, le Christ,
Il ne semble pas triste
.. On va servir l’apéritif
On a changé de l’eau en vin,
Et multiplié les petits pains
Regardez dans les assiettes,
Il n’y a pas une miette.
–
Le vin reste bien pâle,
mais peut conduire à l’ivresse,
— pour l’instant, rien ne presse,
Et les verres sont sales.
Que ça s’appelle la Cène ,
n’est pas anecdotique,
Même dans le monde antique,
— pas besoin de remonter au pliocène…
Il y a douze convives,
On n’entend pas la discussion,
De ces gestes pleins de Passion,
Et de paroles vives.
Avé l »acceing méditerranéen
Le verbe haut et fort,
On ne sait plus qui a tort
On cause beaucoup avec les mains…
–
A l’époque, y avait pas la photographie,
Et tous ces invités,
ont été fixés pour l’Eternité,
Par Leonard de Vinci.
Que le peintre capte en l’instant
— C’est une cacophonie,
On en perd l’appétit,
Si tout le monde parle en même temps !
Il y avait donc – un autre témoin,
Caché dans un coin,
Griffonnant sur un papier
Assistant à ce repas, le dernier.
Une sorte de reporter,
Diffusant les nouvelles,
Auprès de l’Eternel,
Prié de rester jusqu’au dessert.
–
Pour l’instant , on en est à l’entrée,
Tout le monde s’agite,
En attendant la suite,
Jésus reste concentré.
Le motif de cette discussion
– On ne l’a jamais dit,
C’est le repas du vendredi,
Il y aura du poisson
( Comme c’est la tradition )
> On remarque Judas,
Qui ronchonne tout bas
– Il parle de trahison.
Lui préférerait un plat,
Bien consistant
Comme celui du restaurant
Pas loin du Golgotha.
–
C’est un signe du destin,
Un steack bien saignant,
Enfin, quelque chose à se mettre sous la dent
Accompagné d’un verre de vin,
Demande bien légitime,
Mais … ne faisant pas l’unanimité,
De cette petite société,
Paraissant soumise au même régime.
Il y avait bien St Pierre (celui avec les clefs)
Qui porte justement un nom de poisson
Il voulait celui-ci avec du citron
– ( il fut prié de la boucler).
» Et puis quoi encore ? Par le plus grand des hasards
C’est encore moi qui commande
Tous ces filets de limande …
Vous faut-il aussi du caviar ? «
—
La décision est prise
» -Pour ce repas de fête,
Si quelques uns s’entêtent,
Finies les gourmandises…«
Comme on n’est pas loin de Pâques,
Il a fallu trancher dans le vif,
– …En restant positif,
Jésus a sorti de son sac,
Tout un paquet d’hosties,
Qu’il distribue à la ronde,
» Ce sera pour tout le monde ! «
– Voila qui vous garantit.
– Au delà des outrages,
– De marcher plus droit,
– Malgré le chemin de croix …
– Mais …. vous s’rez privés d’fromage… !
–
» Finissez votre potage
Dit-il d’une voix sonore
….. Ceci est mon corps !! ,
Vous serez un peu anthropophages… «
—( faut toujours réfléchir à son avenir,
Mais quand même , … les gastronomes,
Se méfièrent de notre homme…
Et refusèrent d’obéir. )
C’était quand même un investissement,
Qui ne fit pas sourire,
Les marchands de poële à frire,
Alors évidemment
C’était à prévoir, ça sentait l’roussi,
Voilà pourquoi on a vendu l’Messie,
Pour des histoires de bonne chère
A une société étrangère…
D’armateurs , de bateaux pirates,
Spécialisée dans le transport d’épices
> Un tableau représente Dieu et son fils,
Trinquant avec Ponce Pilate…
L’histoire présente bien des versions
On peut toujours graver dans la pierre,
Des évènements d’hier…
N’ayant rien à voir entre eux (selon les opinions)
Chacun peut ainsi, tout autant
Partager un délire peu crédible,
Ou ajouter un chapitre à la Bible,
Les témoins d’alors s’étant effacés dans le temps.
–
RC – février 2014
( texte auquel on pourrait ajouter les trois strophes suivantes, pour poursuivre dans la même voie… )
( Ponce Pilate…)- celui-ci – s’en étant lavé les mains,
Avec l’avantage d’éviter l’opprobe,
Et celui de la profusion de microbes,
C’est donc beaucoup plus sain…
—-
Tenez, par exemple, la crucifixion…
On aurait mis quelqu’un d’autre à la place,
Pour satisfaire la populace…
Il n’est pas certain , que ce soit pure fiction…
Voilà, avec d’autres paroles, un dire contestataire
On comprendrait mieux ainsi, la résurrection
Après la descente de croix, créant stupéfaction,
Le crucifié, évidemment volontaire (ne pouvant que se taire)
—
voir aussi, au niveau image, les versions irrévérencieuses , de la Cène,
–
Statue de sel ( RC)
–
A trouver dans le biblique des analogies
Avec les aventures de la mythologie
Je vois de partout des anges, les ailes
Et au rivages d’océan, des ptits tas de sel
En pays lointains et ça – c’est pas de bol –
Que la mer soit morte, ( et que l’eau s’envole)
Une histoire à l’eau de rose
Et voilà le sel qui dépose
Sur l’eau qui devient si dure
Car saturée de saumure
C’est pas de nature à plaire
Aux poissons de la mer…
Et même – ça les énerve !!
De se retrouver en conserves
Même si c’est très pratique
car sans camions frigorifiques …
On parle aussi des miracles
Qui faisaient grand spectacle
Comme Jésus faisant des ricochets
Sur la plage, pleine de déchets
Ou encore – la légende, elle a bon dos –
Se permettre même, de marcher sur l’eau
Facilité en cela, par la teneur en sel
Que l’on pourrait – on l’a dit – ramasser à la pelle…
Mais revenons à nos propos légendaires
A ce qu’on peut, ou ne pas faire…
C’est comme Orphée qui met tout par terre
En regardant derrière, de retour des enfers
Même si c’était pas le paradis
Ya toujours et partout des interdits !
Orphée, désobéit… et va se faire blouser
A vouloir contempler de nouveau, son épousée
C’est comme l’histoire d’la femme deLoth, sans doute paniquée
– …….. les épisodes sont ici, assez compliqués-
En bref, c’est châtiment et punition des hommes
Lorsqu’on s’ décide à punir la ville de Sodome
Sodome et Gomorrhe
– c’était déjà l’horreur –
Fallait préparer les tombes..
Y avait pas des bombes
Qui tombaient du ciel
Mais s’activer partout – surtout avec la pelle
C’est comme Orphée et son retour d’enfer…
MissLoth ne d’vait s’occuper – que d’ses p’tites affaires
Mais elle est trop curieuse, et va fourrer son nez
Dans c’qui la r’garde pas … Elle va se retourner
La voilà d’un coup, changée en fossile,
En statue de sel , comme une imbécile
On la contemple encore, au bord de la flotte..
De cette œuvre d’art… – on reconnaît bien Loth !
On voit bien encore,- sculpture vénérable
Cette statue d’artiste, au milieu des châteaux de sable.
De toute façon, ça fait sensation… !!
…. On en a encore parlé… aux informations !!
–