Plume – (Susanne Derève) –

Gratte, gratte le papier plume bavarde tandis que je griffe la terre froide pour y enfouir la promesse de vie. Sève, qui cheminera vers le soleil tandis que tes mots candélabres s’abimeront dans l’encre noire du poème.
Joan Mitchell – traces de la nature en moi

peinture: Joan Mitchell -Buckwheat 1982. Lennon Weinberg inc
« Je peins des paysages remémorés que j’emporte avec moi, ainsi que les souvenirs des sentiments qu’ils m’ont inspirés, qui sont bien sûr transformés. Je préférerais laisser la nature où elle est. Elle est assez belle comme ça. Je ne veux pas l’améliorer. Je ne veux certainement pas la refléter. Je préférerais peindre les traces qu’elle laisse en moi ».

peinture: Joan Mitchell
Joan Mitchell est une des représentantes importantes de l’expressionisme abstrait américain… comme Cy Tombly, ses grandes surfaces abondent de gestes graphiques superposés, et de zones très colorées, souvent proche des peintures de Claude Monet ( en particulier celles visibles au Musée Marmottan, à Paris), l’article culturebox, sur le rapport de Monet avec l’abstraction, est explicité ici...
voila, extrait d’un catalogue en ligne édité par le musée des impressionistes de Giverny, une partie de l’analyse des polyptyques de Joan Mitchell
….
Joan Mitchell est l’un des plus grands peintres abstraits du XXe siècle.
Entre 1950 et 1958, elle travaille et expose à New York aux côtés des
autres peintres expressionnistes abstraits comme Willem De Kooning,
Robert Motherwell et Jackson Pollock. Elle s’installe à Paris en 1959. En
1967, à la mort de sa mère, elle achète une maison à Vétheuil, à quelques
kilomètres seulement de Giverny, deux villages clés dans le développement
de l’art de Claude Monet.
—
La peinture abstraite qu’elle met au point, immense, lumineuse,
dynamique, fait profondément référence à la nature (comme en témoigne
les séries de La Grande Vallée, Les Tournesols ou encore les Champs), nature
qui entourait de toute part son atelier de Vétheuil, avec ses larges points de
vue sur la Seine.
Bien que Joan Mitchell ait toujours refusé que l’on compare ses peintures
avec l’oeuvre tardif de Claude Monet à Giverny, les deux artistes ont en
commun plusieurs préoccupations artist iques : l’ancrage de leur pratique
dans une incessante observation de la nature, leur intérêt optique pour la
couleur et la lumière, sans oublier la mise au point d’une surface picturale
monumentale et sans point de fuite, à la fois frontale et transparente.
—
[…]
A travers ses polyptyques, tout se passe comme si Joan Mitchell ne voulait
pas choisir : vivre à Vétheuil, et parler de paysages la rattachent à la
tradition impressionniste, manier la peinture avec autant de virulence que
de virtuosité fait d’elle une artiste moderne, la disposer sur une série de
panneaux monumentaux et disjoints, à jamais liés, à jamais séparés, c’est
accentuer sa théâtralité phénoménologique.
Concluons en nous penchant sur les titres des oeuvres et l’autre dimension
temporelle qu’ils suggèrent. On pourrait presque dire que le titre est un
panneau supplémentaire qui, conceptuellement, encadre et perturbe la
lecture, déjà hétérogène de l’oeuvre. C’est le cas par exemple des titres qui
font référence à la nature (Bleuets, Tilleuls, Champs) et qui conduisent
immanquablement à un exercice difficile et lui-même mouvant de lien
entre le tableau et son référent9.
Mais parlons aussi d’autres titres comme La Ligne de rupture, Salut Sally,
Mooring (Amarre), Posted, Salut Tom, Also Returned, La Vie en rose, The
Goodbye Door, Edrita Fried, Chez ma soeur, Then, Last Time, Before, Again
ou parmi les dernières toiles Encore ou Ici.
Ces titres et leur allusion plus ou moins explicite à la notion d’adieu
arrivent dans son oeuvre à peu près au moment de l’apparition des
polyptyques. Certains font directement référence à des personnes chères
disparues.
D’autres, plus abstraits, semblent évoquer le temps dans une
dimension intime, sa dimension mémorielle : la remontée en soi d’une
image du souvenir, dans sa continuité douloureuse avec le présent, dans sa
discontinuité fondamentale. Leur caractère mélancolique n’a que très peu à
voir avec l’énergie, la couleur, la sensualité, la présence visuelle intense des
tableaux, si ce n’est la ligne très fine de séparation des panneaux. —

Joan Mitchell: la grande vallée
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