Sierra de Mulder – comme une fenêtre ouverte
One day you’ll learn
how to give and receive love
like an open window
and it will feel like summer
every day.

Un jour tu apprendras
comment donner et recevoir l’amour
comme une fenêtre ouverte
et cela sentira comme l’été
tous les jours.
Sierra DeMulder
Marceline Desbordes-Valmore – Le beau jour

J’eus en ma vie un si beau jour,
Qu’il éclaire encore mon âme.
Sur mes nuits il répand sa flamme ;
Il était tout brillant d’amour,
Ce jour plus beau qu’un autre jour ;
Partout, je lui donne un sourire,
Mêlé de joie et de langueur ;
C’est encor lui que je respire,
C’est l’air pur qui nourrit mon coeur.
Ah ! que je vis dans ses rayons,
Une image riante et claire ?
Qu’elle était faite pour me plaire !
Qu’elle apporta d’illusions,
Au milieu de ses doux rayons !
L’instinct, plus prompt que la pensée,
Me dit : « Le voilà ton vainqueur. »
Et la vive image empressée,
Passa de mes yeux à mon cœur.
Quand je l’emporte au fond des bois,
Hélas ! qu’elle m’y trouble encore :
Que je l’aime ! que je l’adore !
Comme elle fait trembler ma voix
Quand je l’emporte au fond des bois !
J’entends son nom, je vois ses charmes,
Dans l’eau qui roule avec lenteur ;
Et j’y laisse tomber les larmes,
Dont l’amour a baigné mon cœur.
Le creusement du jour – ( RC )

Pour le creusement du jour,
les objets quotidiens accompagnent le temps.
Les lignes strictes sont adoucies
par le bois qui vieillit,
se courbe et soupire.
L’odeur du neuf
ne fait plus partie du décor,
d’ailleurs elle s’évapore
au bout de quelques mois :
le velours le plus rêche
a son poids de douleur.
Même le dessin
des tiroirs de la commode
n’est plus à la mode :
la peinture a passé.
Elle perd de petits morceaux d’écailles;
la table est fatiguée
avec quelques entailles,
sur le côté.
Des cercles mal affirmés:
témoignent du vin renversé
qui s’est infiltré dans la matière :
le bois a bu le temps des repas,
celui des anniversaires
et des baisers salés.
Que les draps déteignent,
perdent leur tour de dentelle:
on dira qu’ils ont survécu,
à ce que l’on appelle
de l’histoire ancienne:
je les vois dans la vieille armoire
alignés en piles sages.
Quel nouvel occupant
les mettra au rebut ,
espérant que le temps
renoncera à son ouvrage ?
Jacques Borel – la trace

photo: Izis
À qui veux-tu parler ?
Les trottoirs sont déserts,
Un petit soleil mort
Ou le crachat d’hier
Se sèche sur le mur.
O veine de mica,
Tesson, mucus, paupière,
Trace d’une lueur
Absorbée par la pierre,
Ne t’éteins pas encore,
Reste d’un geste humain
Ou souvenir du jour,
Illumine ce peu
D’espace consolable
Où ma vie comme un poing
Serre ses derniers rêves.
extrait de » sur les murs du temps »
Michel Foissier – hombres dans l’ombre des révolutions

hombres dans l’ombre des révolutions
il construit une échelle de bois blanc
une volée de marches pour voler à nouveau
escalier qui porte à la porte des femmes
chambre où se découvre le pot aux roses de la mémoire
aveugle écossant des images de papier glacé
ses doigts révèlent des héroïsmes de soldats de plomb
il rêve de ce miroir obscur où se reflète une étoile
araignée d’argent dans la gourmandise de sa toile
chapeau de feutre visage de plomb
il est cousu dans un linceul de silence
et puis dans la douleur d’un petit lit de fer
chemise tachée de sang
avec lui nous tombons la face contre le mur
dans le pressentiment du petit jour
Pablo Neruda – Aujourd’hui –

Nous sommes aujourd’hui : hier, doucement, a chu
entre des doigts de jour et des yeux de sommeil,
demain arrivera de sa verte démarche,
et nul n’arrêtera le fleuve de l’aurore.
Et nul n’arrêtera le fleuve de tes mains,
pas plus que de tes yeux le sommeil, bien-aimée,
tu es le tremblement des heures qui s’écoulent
de la lumière abrupte au soleil de ténèbres,
et sur toi c’est le ciel qui referme ses ailes
et il t’emporte et il t’apporte dans mes bras
ponctuel, avec sa courtoisie mystérieuse.
C’est pour cela que je chante au jour, à la lune,
à la mer et au temps, à toutes les planètes,
à tes mots de clarté, comme à ta chair nocturne.
*
.
Es hoy : todo el ayer se fue cayendo
entre dedos de luz y ojos de sueño,
mañana llegará con pasos verdes :
nadie detiene el río de la aurora.
Nadie detiene el río de tus manos,
los ojos de tu sueño, bienamada,
eres temblor del tiempo que transcurre
entre luz vertical y sol sombrío,
y el cielo cierra sobre ti sus alas
llevándote y trayéndote a mis brazos
con puntual, misteriosa cortesía :
por eso canto al día y a la luna,
al mar, al tiempo, a todos los planetas,
a tu voz diurna y a tu piel nocturna.
*
La centaine d’amour
nrf
Poésie Gallimard
Sois partout où je ne suis pas – ( RC )

Sois partout,
où je ne suis pas :
j’aime l’embrasement
des anges dans le bleu,
quand la nuit s’éteint
et que le jour pointe…
Comme si, derrière tes yeux,
je devinais ces matins,
où la pluie tombe, continue.
Ce sont des fléchettes
qui se plantent dans le sol,
et hachent ce qu’il reste de blanc.
La neige se dissout
en pâte molle.
L’épaisseur blanche se rétrécit,
telle une peau de chagrin
et on voit à travers les herbes
qui réapparaissent, têtues .
Derrière tes yeux,
les saisons s’apprivoisent.
- J’ai beau essayer,
je ne verrai jamais
ce que tu vois, ni le jour,
ni la nuit qui se morcelle…
Un magicien ne pourrait
échanger nos regards,
et dans l’aube aucune empreinte
de morsure ne demeure:
l’air ne garde pas trace
de ce que tu as vu.
Un pont sur les rêves – ( RC )

C’est une voie étroite
qui s’élance
au milieu des flots.
Juste quelques récifs
battus par les embruns
la maintiennent .
Pour prolonger le jour,
sous le ciel étoilé,
il me faudra quelques signes,
ceux du zodiaque peut-être,
un horizon bleuté
pour me rapprocher des îles.
Je jetterai un pont,
quelques lignes sur les rêves,
transformerai le calvaire
en phare de lumière,
très loin d’ici
prêt à immobiliser les vagues.
Est-ce un morceau d’infini
ce ciel qui m’attend
décollé de la mer ?
emportant mon ombre portée
prête à se déchirer
sur les rochers.
Un havre de pierre se détache ,
vacille dans la tempête ,
mais avant qu’il ne sombre
il faut que je dessine
une rue sur l’océan
qui tiendra juste
en équilibre dans l’image
avant que je n’aborde
dans la réalité,
comme le château de sable
qu’efface,inlassablement,
la marée .
Ces champs devenus gris – ( RC )
Image – Geneviève Asse
Les champs qui bordent le jour
sont devenus gris
il est impossible d’en saisir le contour;
la joie nous a été ravie,
une menace , lentement, plane :
– les champs n’ont plus fleuri;
tu verras dans une autre vie
que la lumière s’éloigne …
–
(variation sur un texte de Jean-Claude Pirotte: Parce que le dessein des vies...)
Marchant dans le néant – ( RC )

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Avec l’apprivoisement du jour,
les étoiles s’enroulent
dans leur tissu lointain.
Tout est en suspension,
et je vois bien quelques figures,
qui clignotent encore :
la grande et petite ourse,
marchant dans le néant,
piétinant les anges,
avant qu’un bleu sans nuages,
envahisse le ciel,
et dilue le temps,
qui semble avoir
arrêté son mouvement,
sur la page
du manuscrit,
avec les dessins du zodiaque
étrangement liés avec les mois
de la terre,
pourtant , vu de l’espace,
une simple poussière…
–
RC- sept 2019
–
voir aussi la représentation du zodiaque tel que l’a dessiné Albert Dürer:
Nuno Judice – Ligne 1 (chaque poème a une ombre)

Félix Vallotton – Le ballon
Chaque poème a une ombre. Je tends les mains et je peux la toucher
comme l’on touche l’ombre d’un arbre qui s’enfuit de nous quand nous
cherchons à nous y abriter . Ainsi, le poème est un jeu de lumière :
et son ombre recule et avance en accord avec l’heure du jour.
Pourtant, à la fin du poème, l’ombre semble disparaître.
Le poème reste à la verticale ; et midi en sort , avec sa lumière entière ,
comme si le poème était une réalité transparente et que l’on pouvait voir
à travers lui la circonférence du monde .
Avec l’après-midi, les mots changent de couleur. Les phrases pâlissent
lorsque le soleil les laisse . La voix se couvre avec la nuit ; et le silence
s’en empare comme s’il volait le sens à ce que nous voulons dire .
C’est pour cela que le matin, il convient de laisser entrer la lumière entre
les pages. Le noir de l’impression pourra briller à l’excès ; et le blanc du
papier refléter le ciel . Ce qui est écrit , imprégné de ce feu , se fixera dans
notre mémoire .
Ainsi, il restera .
Cada poema tem uma sombra. Estendo as màos e posso tocâ-la, como se
toca a sombra de uma ârvore que foge de nos quando procuramos o seu
abri go.
Assim, o poema é umjogo de luz : e a sua sombra recua e avança de acordo
com a hora do dia.
No Jim do poema, porém, a sombra como que desaparece. O poema fica a prumo ;
e o meio-dia salta de dentro dele, com a sua luz inteira, como se o poema fosse
uma realidade transparente e se pudesse olhar, através dele, a circunferência
do mundo.
Com a tarde, as palavras mudam de cor. As frases empalidecem, quando o sol as
deixa. A voz vela-se com a noite ; e o silêncio apo-dera-se delà, como se roubasse o
sentido ao que queremos dizer.
Por isso, de manhâ, convém deixar entrar a luz para dentro das paginas. O negro
da impressâo poderà brilhar em excesso ; e o branco do papel reflectir o céu. O que
esta escrito, embebido desse fogo, fixar-se-a na no s sa memôria.
Assim, permanecerâ.
Lignes d’eau Linhas de àgua
Fata Morgana
Bernat Manciet – Sonet – Le matin croît en toute chose
aquarelle W M Turner
Le matin croît en toute chose
toute chose déclenche un matin
Toi : un matin aux cris de neige
des mouettes pures sur Ambès
je te reconnus à ton rire
piaffé de ciel et de sel
je te reconnais car c’est notre rire
depuis les talons jusqu’au front net
lorsque blanchirent les rives
jusque dans mes paumes ouvertes
je sus que c’était ton jour
jour de mille paupières
blanches tu m’as trouvé à tâtons
tous lendemains ne sont que ce matin
Pas d’épaisseur, de celle des pierres – ( RC )
image – montage perso
Je te verrai,
Image présente,
A travers les murs,
Tournant mon regard
Vers où je te sais.
Il n’y a pas d’épaisseur,
De celles des pierres,
A jouer la distance
Avaler les espaces,
Les collines et les villes,
Redessinant tes gestes,
Comme si la barque des songes,
Ouvrait aux portes du jour,
Ta silhouette indécise
Se découpant dans la brume.
–
RC – juin 2014
Jacques Lovichi – Piazzale Michelangelo
Piazzale Michelangelo
les ombres courent sur la ville
océan des cloches
soudain
Dire juste le tremblement
cette fêlure dans la vitre
la pluie de cendres sans oubli
Un autre jour meurt.
Jean-Michel Sananès – As-tu reçu ma carte ?
photo-gravure: A Marquet
Vois-tu mes pieds ont de la mémoire
ils m’ont porté, tiré, trainé rue des Petits Champs.
Désespérés, ils ont retrouvé notre troquetet une odeur de nous agrippée à la pluie
mais tu n’étais pas là mon amour.
La Seine gisait nue sous une robe d’ardoise
où cafardaient les bonheurs perdus
partout la grisaille
empierrait les anges et les moineaux
jusqu’aux confins du jour.
Le monde sans toi semble si petit
que chacun de mes pas me rapproche de l’absence
Quand les mots sont infirmes
les non-dits restent muets.
As-tu reçu ma carte ?
As-tu pensé à regarder
les trois lignes d’encre blanche
que j’ai glissées dans l’enveloppe
Juste sous le dernier silence ?
N’y as-tu pas trouvé un je t’aime qui traînait par là ?
Qu’en as-tu fait ?
L’as-tu jeté, oublié, égaré, ignoré, perdu, reconnu ?
L’as-tu agité, secoué, pour voir qui dormait dessous ?
M’auras-tu aperçu ?
Oublié, reconnu, ignoré, perdu,
écrasé, noyé sous le silence ?
M’auras-tu laissé repartir dos courbé,
Cœur serré dans ces heures
Où le vent se voûte dans le naufrage des mauvais rêves ?
Vois-tu mes pieds m’ont trainé rue des Petits Champs
mais tu n’étais pas là mon amour.
le jour peine de plus en plus à trouver son chemin- ( RC )
Marcel Duchamp – Fresh widow 1920
C’est le soir, ou bien autre chose
qui obscurcit la pièce …
– peut-être des oiseaux
porteurs d’épines ,
qui veulent
me percer les yeux.
Pour l’instant, ils ne peuvent pas rentrer
car la fenêtre est fermée,
mais peut-être bientôt
ils arriveront à passer.
Je ne peux pas sortir
de peur de les rencontrer.
Alors je dois rester enfermé ici,
seul – et le jour
peine de plus en plus
à trouver son chemin .
–
RC – mai 207
Christian Hubin – Personne
Montant vers l’absence aspirée,
qu’est-ce qui retourne
— les cimes comme des impacts de chutes,
ellipses acérées à gravir.
Silhouettes en file que la lumière pointillé
— le vent, le soir.
Surgit un lieu qu’on n’a jamais vu, et
connaît.
Touchant la corde la plus grave,
le millième de seconde où la présence finit,
le son retranché hors
du son.
Ceux qui écoutent tombent d’âme en âme,
dans l’antérieur répercuté.
Sur l’herbe le pied nu des ombres,
les volutes de la petite éternité.
C’est ici qu’on venait prédire
— une autre voix, un autre temps.
Qui veut se recueillir se perd.
Sa face première est celle des fées,
de la lune blanche en plein jour.
Laetitia Lisa – Même loin de toi
photo François Laxalt
même loin de toi durant des lunes
je ne te quitte jamais
car pour moi tu danses sans fin
dans les bras de la nuit
ainsi tu me reçois
jour après jour
par un chant de joie
toi mon pêcheur d’étoiles
La course de l’ombre sur l’herbe – ( RC )
Avec la course du jour, sur l’herbe
l’ombre de l’arbre marche
à pas lents , sans l’écraser .
–
RC – juin 2017
Je ne sais rien du jour qui vient – ( RC )
Hier devait aussi être incertain pour nos pères .
Pour ne pas se perdre, comme le petit Poucet,
ils ont laissé des temples aux marches de pierre,
avant d’entrer dans la courbure de la terre.
Des forêts ont pris leur essor,
leur foisonnement s’est épris du vent,
leurs racines ont fouillé le temps,
jusque aux ossements de ceux qui ont vécu .
Mille vies ne changeraient rien :
ni aux soleils et à leurs éclipses,
ni à la rosée du matin,
déposée sur les herbes
Je ne sais rien du jour qui vient.
–
RC – avr 2017
La mer au-dessus des nuages – ( RC )
photographie : Dalibor Stach. Sans titre
–
Les temps ont bien changé,
la mer est au plus haut,
juste en-dessus des nuages.
La lumière peine
à se forcer un passage
dans un ressac aérien.
Je me suis allongé sur l’herbe:
un velours noir.
Il se déroule en un grand tapis,
jusque vers les montagnes.
J’ai assisté au grand vol des sirènes,
groupées comme pour une parade,
et leur chant appuyé sur le soir,
juste avant que les vagues
n’engloutissent le jour,
et moi avec…
–
RC juill 2016
Beatrice Douvre – présence d’un visage
Son chemin la terre jointe
Sa voix cette lampe droite
Ce qui tremble
Plus haut
Comme qui eut froid
De précéder le jour
Poids de celui qui parle
Et veut se perdre loin
Sa lumière file devant
On se souvient
D’une ombre digitale
C’est qu’une main portait
Nos lampes
Béatrice Douvre
Marcia Wieder – Chaque jour
do something that makes your heart sing. »
« Chaque jour faites quelque chose qui fasse chanter votre cœur »
Marcia Wieder
Ile Eniger – Poivre bleu
–
Je traverse la béance du jour. La créance du vide. Les tempêtes s’agitent dans l’état d’être. Je suis l’animale inquiétude, la douceur de mémoire, le bonheur à l’instinct. Je traduis je t’aime par le mot inconnu. Il frissonne de la part manquante ou ajoutée. Je com-prends tout jour sans le connaître. Chaque lettre déclinée jusqu’à la voix des mains invente un poivre vif. Cet éternuement.
Bleu.
Toute pensée, tout geste marche en terre brûlante, lumière silencieuse, incontournable amour. Plus haut que les tiédeurs, les habitudes, loin des fioritures, du collectif, au-dessus des glaces, des feux, sans apparences ni contorsions je veux. Le simple rayonnant. Le tour de force de la bonté. Poivre bleu, le livre dira peu. J’écrirai encore.
–
extrait de « poivre bleu »