Exercice préparatoire ( calligraphie paysagère ) – ( RC )

Pour commencer
je vais ouvrir la page
avec une belle journée,
je l’étale, comme un nuage :
– Cette feuille de papier
parlera peut-être
à ma place
quand j’aurai trempé
le pinceau dans l’encrier,
et laissé une trace
grise et noire -:
C’est l’exercice préparatoire
pour que les eaux
s’écoulent des collines,
s’envolent des oiseaux
d’encre de chine:
petite calligraphie modeste
pour peintre amateur :
un paysage en quelques gestes
en ajoutant de jeunes fleurs :
elles s’échappent des mains
comme de celles d’un semeur,
s’éparpillent sur le terrain
en touches de couleur:
J’irai me promener dans mon dessin
laisserai le papier s’envoler
son encre sécher
par le soleil du matin…
César Branas – Confession du jaloux
peinture : Ilia Rubini
Jaloux je suis
de la folle tendresse du vent
qui te caresse.
Jaloux je suis
du jour sur ton front endormi :
il ne te quitte pas.
Jaloux je suis
du chant qui ne retourne pas,
volage, vers ta gorge.
jaloux je suis
de la journée qui te serre et de la nuit
qui te délivre.
Jaloux je suis
de ton sommeil, insaisissable rival
qui te possède.
Jaloux je suis
de toi, de moi et de mon amour même
parce qu’il t’aime !
–
César BRANAS « Jardin Muré » (1952-1956) in revue « Europe », septembre 1968
Alessandra Frison – La pluie vide chaque soupçon de vie
*
La pluie vide chaque soupçon de vie
des draps tirés jusqu’à la limite
elle ne te fait pas voir
la charge des heures le matin
tôt tous sont réveillés
déjà à leur corde
et tu devrais t’efforcer jusqu’à ce point
jusqu’à assécher le sommeil
alangui et réfractaire terme de
qui existe l’indispensable
à temps tout juste pour s’évacuer de chez soi
c’est ce que je me dis,
après une journée qui mesure
les centimes de chaque dignité,
après la vague déchargée
mécanique déçue des feux rouges à la gare
parmi le moyen âge des rues, je suis
la plus incertaine fenêtre du monde.
***
Alessandra Frison
est une (très) jeune poétesse milanaise – née à Zevio -,
Elle a publié dans l’Almanacco dello Specchio (Mondadori) 2008; elle présente régulièrement son travail grâce aux pages http://alessandrafrison-blog.myblog.it/ , où l’on pourra trouver d’autres poèmes.
Inediti:
La pioggia svuota ogni sospetto di vita
dalle lenzuola tirate fino al limite
non ti fa vedere
il carico delle ore la mattina
presto tutti sono svegli
già alla loro corda
e ti dovresti impegnare fino a quel punto
fino ad asciugare il sonno
molle e refrattario termine di
chi esiste l’indispensabile
in tempo appena per sfollarsi di casa
così mi dico
dopo una giornata che squadra
i centesimi di ogni dignità,
dopo l’onda scarica
meccanica disillusa dei semafori alla stazione
tra il medioevo delle strade, sono
la più incerta finestra del mondo.
Marie Huot – Accepter quelque chose
–
Il faut accepter quelque chose.
Je ne sais quoi exactement.
Peut-être d’être là
de n’attendre rien de plus que d’être là à regarder le feu
à penser aux lichens de Sbarbarro.
Accepter de frémir d’un rien
et que cela remplisse une journée tout entière.
Je sais que cela peut être vrai.
Je le sens dans mon corps.
Accepter qu’il en soit toujours ainsi.
Etre une femme qui avance
avec la pensée des lichens au cœur de son jour.
–
E.E. Cummings – tandis qu’une étoile peut croître
tandis qu’une étoile peut croître,
s’arrête tout le proche tout le lointain respire un ultime rêve de cloches;
sur fond de dernières lueurs en parfait profil
se dessinent toutes stupéfiantes les paisibles collines
(non où non ici mais aucun n’est bleu le plus tous deux)
et l’histoire est incommensurablement plus riche
de la mort d’une seule douce journée:
comme des secrets non imaginés
comprennent dorément immense
toute la lune surflottant.
E.E. Cummings