Absente aux dahlias – ( RC )

Ô, mon absente,
je vais jeter un pont
entre ces temps
où les jours s’enfuient,
car je t’appelle,
et tu es toujours là:
le cœur ne bat pas
qu’à moitié,
et tu vois,
j’ai redonné de la vigueur
aux couleurs des dahlias,
qui fleurissaient notre jardin…
Ils renaissent à chaque fois
que le cycle de la vie s’embrase,
car tu habites toujours
quelque part, auprès de moi… !
Un peu de soleil à l’intérieur – ( RC )

Le soleil a disparu
à force de tourner sur lui-même.
On ne le voit plus.
Le peintre s’est tu.
Juste une poudre de lumière
atteint encore la terre :
une brume de misère
qui la hante.
Beaucoup de plantes
ne savent plus ce qu’il faut faire.
Elles se crispent dans le sol
et se souviennent des jours
où la terre tournait encore autour.
Pourtant des tournesols ont fleuri,
comme des marguerites jaunes,
en tout petit,
qui, dans leur douleur
ne montreraient plus leur coeur.
Entre les doigts de la brise,
elles dialoguent
et refusent de flétrir :
la nouvelle s’est répandue
de la mort de Van Gogh
c’est qu’elles ont encore
assez de soleil et d’or ,
pour qu’à l’intérieur ,
son souvenir
soit leur propre lueur.
des jours trop longs – ( RC )
Il n’y a que des jours trop longs .
Il faut que je m’habitue aux choses ordinaires
celles qui provoquent en duel
des pommes de terre
au fond de mon assiette,
pendant que des oiseaux chantent
à tue-tête, leur refrain.
Les poissons me regardent,
d’un air effaré,
cachés derrière les images
brillantes des magazines.
S’ils le pouvaient, ils me diraient
de surveiller la cuisson
pour que la confiture de brûle pas.
Mais, comme chacun sait,
les poissons restent muets,
surtout quand ils sont plats,
aussi plats qu’une photographie peut l’être.
Le téléphone sonne toujours par erreur:
il n’y a jamais personne au bout,
ou c’est simplement que personne
( en personne appelle )
mais n’a pas encore trouvé de voix
qui lui convienne.
Il y a des tas de journaux dans un coin
qui me disent les évènements trépassés,
car ce sont des nouvelles qui datent
d’au moins trois ans .
Je cherche à l’intérieur des messages cachés,
car quand on m’écrit, même en caractères d’imprimerie,
c’est qu’on s’adresse à moi.
Je n’ai trouvé rien de spécial
qui me sortirait de ces jours ordinaires.
Je comptais trouver des sourires,
mais à part ceux des dames des publicités,
aucun ne m’est parvenu .
Alors les jours s’alignent,
quelque part dans l’existence,
sur une seule ligne
si mince, qu’on ne la voit pas,
et je fais de l’équilibre dessus.
De bonnes idées me viennent,
tiens, je pourrais en faire un poème,
mais je n’ai pas fait assez attention
à ce que me disaient les poissons :
la confiture a brûlé
pendant que j’écrivais.
C’est donc à mettre au rang des choses ordinaires,
à moins que vous pensiez le contraire .
Tiens quelqu’un m’appelle,
mais il n’y a toujours personne
au bout du fil.
De toute façon j’ai l’habitude
des évènements quotidiens
qui n’en sont pas,
les journaux sont là pour le prouver
les poissons ne me contredisent jamais.
Comme le téléphone, toujours muets.
Alexandre Rolla – Ici
photo: Richard Ross from « waiting the end of the world »
Ici à Trêlles, les choses s’allongent indéfiniment ,
il semble
que rien ne soit fini,
le rétrécissement y est inconnu
la matière vous étire malgré vous
de chaque côté de l’être
les jours et les nuits
passent des chemins
et encore d’autres
et d’autres encore .
Une palpitation ( Pont entre deux jours ) – ( RC )
C’est ainsi que reposent les jours,
à la façon de grains de sable .
Accumulés dans le mouvement continu du temps,
laissant parfois leur trace,
et éventuellement se feuilletant
pour qui s’en donne la peine.
On sait bien que les jours sont rythmés par la nuit.
et la conscience par l’oubli :
Il faut quitter ses activités
et aller s’enfoncer dans le sommeil.
C’est ainsi que l’existence s’égoutte
et remplit son sablier.
Le tapis des heures continue à se dérouler, lentement .
On franchit cependant les frontières
entre le réel et le rêvé.
Parfois celles-ci sont poreuses.
Mais le sommeil porte parallèlement
notre propre crépuscule.
L’obscurité sans astres est dans notre tête .
Il s’y promène des chimères et des restes diurnes,
parfois comiquement déformés.
L’enfance se délivre des habits d’adulte,
On navigue dans des terres inconnues,
dans des brouillards parfumés .
Les désirs y ont libre cours :
ce n’est pas une absence
( on voit bien que la respiration s’accélère,
que l’on se crispe ou se détend ).
Les psys de tout ordre voudraient bien, faute de porte,
rentrer dedans par effraction
Mais comment lire
ce qui n’a qu’une existence éphémère,
pas de logique,
un langage propre à chacun,
et se dissout dans le matin…
au point qu’on n’a ni certitude ni mémoire .
Et d’ailleurs, même si
la mémoire des rêves nous fait défaut,
il ne faut chercher de la forcer, la transgresser,
ce n’est pas si important:
C’est juste un rite de passage,
un pont entre le jour et son suivant :
une palpitation .
–
RC – mai 2017
Ile Eniger – Des jours et des nuits
photo: Sebastiao Salgado » genesis »
J’ai déchiré des pans entiers du ciel trop bleu, trop confiant, trop indécis.
J’ai gardé quelques livres, un vieux rêve, deux poignées de sable,
une ou deux pommes vertes, de l’eau entre les doigts,
de la musique sur un fil d’horizon ou de violon.
On n’entend plus mes pleurs d’animal ni mes pas qui raclent le sol.
De loin, on me fait quelques signes.
Dessous, la rivière grande, la rivière gronde.
Des veines d’eau gonflées charrient les passés.
Dessus, le plafond trimballe ses nuées bâtardes.
Des jours et des nuits se disputent l’espace.
Il y a sans doute un accord possible.
Autour, des choses à prendre ou à laisser.
Et le souffle porté, supporté, emporté.
Loin de la mesure des hommes.
J’ai vacillé et tenu bon.
Je me suis bricolé des ailes pour faire danser mes espadrilles.
J’ai tenté d’aimer et la lumière qui va avec.
Simone de Beauvoir – sur les pages imprimées
photo : Weegee- – Corner of Trafalgar Square and the Strand, Londres 1960
Sur les pages imprimées,
je ne retrouve pas la trace des jours
où je les écrivis :
ni la couleur des matins et des soirs
ni les frémissements de la peur,
de l’attente, rien.
Pourtant, tandis que je les arrachais laborieusement au néant,
le temps se brisa, le sol bougea et je changeai. »
- extrait de « La force de l’âge. »
James Joyce – Les jours ( Ulysse )
« Toute vie est composée de beaucoup de jours, jour après jour. Nous marchons à travers nous, rencontrons des voleurs, des fantômes, des géants, des vieillards, des jeunes hommes, des épouses, des veuves, des beaux-frères. Mais toujours nous nous rencontrons nous-mêmes . »
–
“Every life is many days, day after day. We walk through ourselves, meeting robbers, ghosts, giants, old men, young men, wives, widows, brothers-in-love. But always meeting ourselves.”
— James Joyce, Ulysses (1922)
Le poing crispé sur les cartes – ( RC )
–
Tu tiens dans tes mains
Les cartes des jours,
Et disposes des atouts,
Des as et des figures.
Je ne sais encore aujourd’hui,
Ce qui compose ton jeu.
Nous n’avons pas voyagé ensemble
Assez longtemps pour que je devine,
Quelles étaient ces cartes.
Serrées dans tes mains closes.
On y lisait peut-être mon destin.
Tu t’es endormie des années,
Et, mon bateau abordant d’autres rivages,
Tu t’es réveillée sans ton image,
Oubliée quelque part,
Par inadvertance.
C’est alors que , desserrant ton poing,
Toujours crispé sur les cartes,
Tu t’es aperçue
Qu’elles étaient blanches,
Et qu’elles ne parlaient plus d’avenir.
–
RC – sept 2014

peinture: Lukas Van Leyden
Sourd une lumière noire ( RC )

peinture: Adolph Gottlieb: Ascension 1958
–
D’un tout petit point,
Encore lointain,
Sourd une lumière noire,
–
Elle aspire,
Dans la démesure,
De l’immensité à parcourir,
–
Ce qu’il y a,
Qui remplit nos yeux,
Nous dilate.
–
Dans ce que nous voyons,
La vie se poursuit,
( Un monde où j’habite ).
–
Je ne pose pas de questions,
Les vagues succèdent aux vagues,
Et les jours entre eux.
–
Et le corps transpire les années,
… Comme en rides insensibles,
L’espace a rétréci – un peu…
–
Puis, sans qu’on y prête trop attention,
Ses murs se sont rapprochés,
Et teintés de couleurs lasses…
–
Comme une bouche d’ombre,
Le soleil noir est visible,
« Clairement » dirait-on, cynique,
–
Et s’il boit peu à peu les choses,
- Comme la gorge de la nuit.
S’il faut se tenir aux bords,
> Un seul faux pas,
–
Et nous voilà de l’autre côté,
Chutant dans l’infini…
–
RC – 16 septembre 2013
–
Olivier Bourdelier – Les jours
L’ivre ( RC )
photo: Irving Penn
–
Décrire le vide, à l’échelle des secondes,
et puis des heures et des jours.
Ce qui finit par tout envahir, jusqu’au bout des doigts
Du parfum et de la douceur,
Il n’en reste qu’un souvenir,
Tu finis par être spectateur d’un autre toi,
Que tu ne connais, qu’à travers l’ivre,
Et t’enveloppe, en force corrosive.
Ta chanson sort alors par un cri,
Et des regards, sur toi, le mépris,
Même le tien, sous le balancier patient
De la pendule, qui ne rompt pas le silence
Et ton reflet – que vit le liquide
Absent
Au fond d’un verre , vide
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RC – 2 avril 2013
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photo Anders Petersen
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A noter que ce photographe ( Anders Petersen) est l’auteur de photographies, le plus souvent orientée s sur le monde des marginaux et de la solitude: voir ses photos sur Soho, et sur le café Lehmitz, dont je me suis procuré l’ouvrage.
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et je complète avec un très beau texte de TK.Kim : qu’elle a bien voulu me transmettre
–
Il y avait dans chacune de nos gorgées des promesses infinies et des souffles d’ambroisie. Et la nostalgie de passés amblyopes que nous avions envie de connaître.
Nous étions seuls.
Seuls face à nous mêmes, seuls éperdus au milieu de vagues chanteurs de rue, à siroter des cépages improbables au noms plus exotiques que réellement Russes.
La nouvelle était là, bien réelle, danseuse fragile, presque spamée dans la corbeille, avant que je me rende compte que…Non!
Il ne fallait surtout pas la jeter. Ce mail était important. Le conserver. Répondre…
Alors, on a vidé nos verres, et nos reflet nous ont semblé plus limpides.
Le vide encore?
Oui, partout, et tant mieux, le vide jusque sous les ongles.
Le laisser.
Il sera à nous alors.
Le vin était immonde et attaquait nos lèvres enfumées.
Mais peut nous importait : la formation de mots laissait sur nos rétines une image claire , bien plus focalisée que toute réalité face à face…
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Redon – les plaisirs , les jours , les ors de Redon ( RC ) – M Proust- Arthemisia
Sans les larmes, les yeux pleins, au regard immobile, le vertige des chevaux peints, passent en demain les belles ors de Redon,
dansent, ma neige, en cercles aériens, tourbillon vertical aux ailes enlacées,
la terre se soulève aux équidés embrassés , point de quotidien qui finit, l’aventure de l’Arc en ciel,
recommence à chaque mouvement des nuées, la terre a sa chaleur d’été, les ombres sont en fumées,
dissoutes dans un bleu inventé, le goût des heures demeure …. au temps immobile des plaisirs et des jours…
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les « plaisirs et des jours » fait bien sûr référence à Marcel Proust
dont voila l’extrait final de « les Tuileries » … un texte très « imagé », qui m’avait fortement marqué en tant que collégien…
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photo:
Bernard Legon Sculpture: Coysevox: allégorie de la renommée
Au bout de la Terrasse, un cavalier de pierre lancé sans changer de place dans un galop fou, les lèvres collées à une trompette joyeuse, incarne toute l’ardeur du Printemps.
Mais le ciel s’est assombri, il va pleuvoir. Les bassins, où nul azur ne brille plus, semblent des yeux vides de regards ou des vases pleins de larmes. L’absurde jet d’eau, fouetté par la brise, élève de plus en plus vite vers le ciel son hymne maintenant dérisoire. L’inutile douceur des lilas est d’une tristesse infinie. Et là-bas, la bride abattue, ses pieds de marbre excitant d’un mouvement immobile et furieux le galop vertigineux et fixé de son cheval, l’inconscient cavalier trompette sans fin sur le ciel noir.
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et Arthemisia, dans son post » Finir bien« … « me répondit »
peinture: – Odilon REDON Le Char d’Apollon Vers 1910
Ce cavalier là avait les yeux pleins. Ils repoussaient la pluie, appelaient le soleil, et même quand il s’éloigna, ils laissèrent sur la terre une couleur nouvelle, inconnue, hors de l’arc en ciel, qui donna du goût aux heures, et le courage d’aller vers soi.
Dans l’habitat du quotidien, ils offraient la force des lendemains. Des autrement.
Cela aurait pu être le début de l’histoire. Ce fut son dernier chapitre.
Il fallait bien finir.
Il fallait finir bien.
–
© Arthémisia – 05/2011
–
Le temps retrouvé (RC)

photo provenant de marc solari - (photos macro de nature,)
–
Point n’est besoin de mots,pour décrire
L’avril colportant ses échantillons…
Et se croisent au regard, maints papillons
Des giboulées caprices, sans les maudire
Au tic-tac du carillon sa mécanique glacée
L’été n’est pas encore là,il se laisse intimider
Réciter des poèmes, et s’en agacer
Il est , du silence, les fils à dévider
Les saisons hésitent et préparent en douce
Un souffle végétal reposé, qui repousse
Sous un ciel qui grimace et tousse,
Pierre qui roule n’amasse pas mousse
Du temps retrouvé de Proust, c’est toujours
En le lisant, » les plaisirs et les jours« .
—
There is no need of wordsn to describe
April peddling his samples …
Many butterflies crosses each over, in the look’s eye
Vagaries of showers, without cursing them
At the ticking of its mechanical iced chimes
Summer is not here yet, he has been intimidated
Recite poems, and be annoyed with
They are, from the silence, yarns to unwind
Seasons are reluctant , and prepare softly
A rested vegetal breath, that re-grows
Under a sky that grimaces, and coughs,
A rolling stone gathers no moss
Proust’s Time Refounded, it is always
Reading it , « the pleasures and the days ».
–
Roland Dauxois: vous ne supportez pas cette ombre dans vos jours
vous ne supportez pas cette ombre dans vos jours
Vous ne supportez pas l’ombre
vous ne supportez pas
cette ombre dans vos jours,
vous n’avez plus de jour en vous,
vos nuits se prolongent
étendent leurs territoires glacés,
votre tête est devenue fenêtre
mais les volets restent obstinéments clos
et peu à peu
tout votre être s’est mis à détester cette fenêtre
qui ne mérite plus son nom,
cette issue qui n’en est plus une.