Catherine Pozzi – Lotus

Sur le lac pâle inondé de lueurs,
Sur le lac triste où l’eau froide frissonne,
Bien loin des bords où le chant monotone
Des grillons noirs, égrène sa douceur,
Seul et divin, planant sur l’eau dormante,
Eblouissant, pur, et mystérieux,
Un lotus blanc, magique , radieux,
Etale au ciel brumeux sa splendeur languissante.
Tu t’ouvriras peut-être ainsi, une nuit sombre,
Ô Fleur de mon amour suprême et désolé !
Et tu endormiras mon coeur désespéré
Dans un rêve alangui de volupté et d’ombre.
Sous les étoiles liquides – ( RC )
- variation sur « Ondine » de Gaspard de la Nuit de Aloysius Bertrand

En ton palais fluide,
ta robe de moire
s’orne d’ocelles:
que forment , au fond du lac ,
les ombres frêles des poissons.
Le chemin qui mène à ta demeure
serpente au gré des courants :
c’est un sentier changeant ,
bien oublieux
d’une terre qui se meurt.
De mornes rayons de lune
caressent en nuances de bleu
le balcon de ta nuit étoilée :
éclats de rires diffus
des losanges de ta fenêtre.
Verras-tu mon visage
se penchant sur l’eau ,
à contre-jour
à travers ces vitraux
dont tu ignores les contours ?
Pleureras-tu des larmes de sel
– giboulées légères ;
toi, mortelle emmurée
dans ce temple maudit
au lointain de ton continent englouti ?
Yann Fulub Follet – Sortavala

Lawren S Harris, Algoma (Beaver Swamp), 1920
Ladoga
Au confluent de la tourbière et du fleuve
Voici grandie la lumière des toundras
L’automne a laissé quelques oiseaux blancs
Sur un lac aux reflets roux…
Les chemins pleins de trous d’eau gelée déjà
Dessinent des horizons secrets
Qui s’enfoncent, lourds, bas…
Il me souvient d’espaces clair-silence
Et de paroles, fines vapeurs grises, souffles
Que le temps pur et les nuages de magie
Rendent visible aux yeux…
Le petit bois hâtivement ramassé au soleil
Qui se couche, rouge et rond, un lac oblong,
Comme une bière, dans la tête des airs et encor
Les trous d’eaux sous les pieds froids.
Octobre 1876
Lettres de Carélie poèmes
éditions des orgevaux
Basculés derrière l’horizon- ( RC )
photo Phil F-
Sous nos yeux étonnés,
se déroule un grand film .
Panoramique,
il occupe tout l’espace ,
mais change à vive allure,
comme si les champs
poussaient les montagnes,
les montagnes, le lac,
le lac, la ville,
la ville, les forêts…
basculés derrière l’horizon .
Tout s’en va,
tout s’efface ,
derrière l’écran de la fenêtre .
> Sans certitude
sur le bon endroit,
celui où les choses s’attachent ,
où l’arbre demeure,
des siècles durant.
Le mouvement du train
zappe l’éternité
pour un temps éphémère,
un temps compressé ,
qui demeure curieusement
étranger
à la lente caresse du vent
dans l’ondulation des blés .
–
RC – juill 2017
Marie-Andrée Balbastre – l’oeil ovale ( haïku )
photo perso – puits « romain » vers Champerboux ( Lozère ) septembre 2016
infiniment profond
le ciel
dans l’oeil ovale du lac
Paul Farelier – La chambre est un lac de mémoire
photographe non identifié
la chambre est un lac de mémoire
là où était le lit on n’ose pas marcher
c’était l’an dernier
les meubles
on revoit mal les meubles
vendus
ressuscites ailleurs dans .l’amnésie
de chaleurs nouvelles
mais la tenture
sale
inégalement indiscrète
le vieux destin y accroche
ses mains
là
près de l’interrupteur
où le couloir amorce
la contamination de l’ombre
et il y a tant de vent dehors
que l’allée déchire les basques du jardin
et tant de cris d’enfants dans l’escalier
qu’il va se dévisser
Paul FARELIER
« Syllepses n° 6 »
in « Poésie 1 » n» 75
(Éd. Saint-Germain-des-Prés)
Au bord de l’image – ( RC )
peinture Tammy Zebruck-
Je suis resté là, au bord du miroir,
Prêt à y allonger le pas,
Pour, comme Alice,
Passer à travers,
Si, sur le lac,
La pellicule de glace casse,
Et qu’ainsi je me retrouve,
Happé par les nuages,
Et dans la flaque,
– L’onde replie ce qu’elle boit,
Dans l’autre sens …
Car on sait,
Que l’eau se fait un plaisir,
D’inverser le cours de la logique,
Enfin, celle que l’on croit posséder.
Et je suis resté là,
En équilibre,
Les pieds devant l’image,
Un monde qui n’existait
Plus que par son reflet,
Et son illusion,
Doutant même de son existence,
–
Juste sous la surface,
Des choses.
–
RC – avril 2014

Et avec bien entendu, sur ce thème, les célèbres « nymphéas » de C Monet
Murmures et clapotis ( RC )

photo » l’oeil du courlis »
–
Comme le lac et la pluie
le monde attend, et l’autour
est haché d’obliques,
Rebondissent sur la barque
et dessinent, des yeux,
En surface.
Qui s’ajoutent, se recouvrent,
et pleurent des paroles légères.
Murmures et clapotis…
Il y a dessous, des êtres vivants,
Des ombres, furtives
Rôdant sous les nénufars.
– Comment voient-ils,
ces cercles posés là,
comme phylactères,
qui se croisent,
et comment lisent-ils
les messages des nuées ?
Les ajoncs penchés sur la berge,
Ont perdu leur reflet,
La piste est de boue,
Les escargots s’enhardissent,
Et un gris dense
s’est étendu sur le ciel,
des mots libres flottent….
Autant de présages,
Déchiffrés par les grenouilles.
RC – 5 juillet 2013
–
Margherita Guidacci – visage intérieur
VISAGE INTERIEUR
Cela voulait dire
une fois délaissé l’art de dessiner la vie
ne pas poser de questions à celui
qui te couvre de dons, et blesser
l’offrande entre tes dents
” le dernier cercle de la pierre jetée dans le lac,
le cercle qui est de l’eau déjà, qui a oublié
ses frères et s’engloutira lui-même “
–
Attendre que se dilue le temps (RC)

Steve Messan drop, - voir some-landscapes.blogspot.com
Attendre , debout, dans la gare
Aux mouvements pressés des passagers
Venant tous d’un ailleurs,
Ou se cherchant une voie d’ailleurs
Et pensant que seul le décor changerait
Comme un tapis des villes et des champs
Et qu’une foule de personnes identiques
Serait reportée dans un ciel de Magritte
Attendre dans la salle vide
Sous le regard rond de la pendule
Et l’alignement régulier des chaises
Au faux air d’objets soumis
Attendre dans la salle pleine
Sous le regard pressé de la pendule
Et l’alignement défait des chaises
Soupirant sous le poids des personnes
Attendre au carrefour où les autos
se traînent ,et le bus qui ne vient pas
la poussière des champs sur l’asphalte
Et mon ombre pointant avec le soleil.
Attendre que se dilue le temps
Marqué par les heures sentinelles
En un reflet de pierres, en, suspension
En patience de lac endormi.

Art: sentinelles de sel Jean-Pierre Formica photo Eric Preau
Pantherspirit: – Vibrations Africaines au bord du Lac Rose
Vibrations Africaines au bord du Lac Rose
Afrique, terre de magie, de secrets, de couleurs
Dont les calices d’ odeurs enivrèrent mon cœur,
Tu ignores le blafard dans ton exubérance
Et tu ris du carcan de toutes nos convenances.
Te connaitre et t’aimer, c’est simplifier sa vie
Et ôter ses chaussures pour à toi être unie,
C’est dépouiller son âme de ses habits de ville
Et refermer la porte des attitudes serviles.
Tu réapprends l’essence de notre enfance passée
Pour transcender l’épure du mot humilité
Ou le sourire s’éclaire de perles spontanées
Ou la main ne prend plus mais s’élance pour donner.
Quand on goute à tes fruits notre corps se libère,
Devient l’enfant des sables pour écouter la mer
Ouvre ses lèvres au ciel pour savourer le vent.
Terre d’Afrique, tu effaces l’austérité du blanc.
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petit commentaire perso;
j’ai pu vivre la justesse de sa phrase » la main ne prend plus mais s’élance pour donner. »
Claude Simon – Citation de J Luis Borgès
- photographie: Matt Stuart
« Je crois qu’il y a une extraordinaire nouvelle de Borges où il raconte qu’un architecte
paysagiste dessine un parc avec des statues, des pavillons, des petits lacs, des allées. Quand
le parc est fini, il s’aperçoit qu’il fait son propre portrait. Je trouve que c’est une parabole
admirable. On ne fait jamais que son propre portrait »
Claude Simon
Tout un pdf autour de Claude Simon est disponible aux carnets d’Eucharis
Claude Simon, est l’écrivain phare des Editions de Minuit:
-La Bataille de Pharsale,
-Le Vent ( tentative de restitution d’un retable baroque)
-la Route des Flandres,
-l’Acacia
-Leçon de choses
-Les Georgiques
-Tryptique
-Histoire
-Les corps conducteurs
J’ai lu trois d’entre eux, et écouté la version audio de la « Route des Flandres »… impressionant.
Le lac et le blé (RC)
J’ai entendu récemment cette belle légende, à la radio, que j’essaie de transcrire aujourd’hui….
Il existe un pays où certaines personnes ne s’aventurent pas, car ces endroits un peu particuliers, peuplés de cailloux sont des lieux où son soupçonne qu’ils abritent des djinns, des petits génies malicieux, qui peuvent provoquer des surprises, le bonheur ou le malheur des hommes…
Un jour Ahmed, vit un endroit au détour d’un chemin, plat, mais encombré de pierres, qui lui semblait propice à la plantation d’un champ de blé… il commença à déplacer quelques unes, lorsqu’il entendit une voix sortir de derrière les roches..
– Que fais tu donc là, dans notre territoire?
– Je déplace des pierres, pour espérer faire de cet endroit merveilleusement placé, un champ de blé, et ainsi aider ma famille à sortir de la famine..
– C’est un beau projet, dit le djinn, qui apparut de derrière les pierres, nous allons t’aider…
Apparurent alors deux, trois dix, cent, mille djinns qui aidèrent Ahmed à déplacer toutes les pierres du champ, pour faire apparaître une belle surface cultivable, cernée de hauts murets…
Viens donc avec ta famille semer, et nous demanderons au ciel de t’envoyer l’eau nécessaire à une abondante récolte…
Ainsi fut ,fait, et au bout de quelques mois , une prairie verdoyante comportant de nombreux épis tendres était apparue au détour du chemin…
Mais les djinns goûtant les épis, les trouvèrent si bons et à leur gout , que des dizaines, des milliers de djinns vinrent chacun manger les beaux épis…
La famille venant pour la moisson, constatant le désastre, ne put retenir des flots de larmes devant ce spectacle, et c’est ainsi qu’aujourd’hui, dans l’espace qui avait été jadis porteur d’espoir, il y a à sa place un grand lac issu de toutes leurs larmes .
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Sur le net je n’ai pas trouvé trace du récit que j’ai retranscrit, par contre des contes berbères qui semblent, dans l’esprit, s’en approcher;..