Laetitia Lisa – aux lignes de fuite

photo Benjamin Hilts
d’abord
la lumière s’était parée de tout son or
pour le déposer sur le feuillage
l’herbe elle-même
semblait animée d’une autre vibration
passant de la lumière crue de novembre
à celle de la chaleur elle-même
puis le soleil a disparu
entièrement
derrière les montagnes
que le ciel avait teintées d’un bleu gris tendre
laissant juste au-dessus d’elles
une portion de rouge orangé flamboyant
en remontant plus haut dans le ciel
une barre de nuages
découpée dans le même bleu
faisait écho aux montagnes
suspendue entre rien et tout
on avançait dans le paysage
dont on ne percevait plus les reliefs
tout baigné qu’il était
dans des tonalités de gris de Payne
dans l’alignement des lignes de fuite
de grands arbres
dont je connais l’image
mais pas le nom
se détachaient du ciel
resté étrangement lumineux
leur tronc semblant interminable
comme grandi par la nuit
leurs branches nues
s’élançaient vers les premières étoiles
et leurs rameaux tissaient vers elles
tout un réseau de dentelles et de velours
d’un noir profond
ils semblaient être la porte vers un autre monde
au matin duquel
ils relèveraient leurs filets
Laetitia Lisa – Même loin de toi
photo François Laxalt
même loin de toi durant des lunes
je ne te quitte jamais
car pour moi tu danses sans fin
dans les bras de la nuit
ainsi tu me reçois
jour après jour
par un chant de joie
toi mon pêcheur d’étoiles
Laetitia Lisa – En habits d’oubli
peinture rupestre grotte de Chaturbhujnath Nala, Inde, environ 10,000 av JC
Je longe le champ de blés verts
hâtant le pas dans l’herbe haute
pour recevoir encore
un dernier baiser du soleil
avant qu’il ne se couche
en draps ocre et dorés
demain la pluie
demain le froid
pour l’heure la douceur du vent
le chant des grillons et les hirondelles en formation
avec elles je me baigne en le ciel
allongent les brasses lorsque les courants frais
effleurent mes bras nus
avec elles je reste immobile un instant
sous les caresses des courants tièdes
je plonge
dans le bleu des montagnes
jusqu’à ce que la nuit revienne parfaire l’esquisse
de ses gris colorés
je ne peux rien contre le froid et la grêle
tueurs des promesses si près d’éclore dans mon verger
je ne peux rien contre le feu du soleil
tueur des promesses si près de porter fruit dans le tien
sur le dos de quelques mots ailés revenus nous chercher
nous dansons en habits d’oubli
ourlés de nuit .
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Laetitia Lisa – Offrande
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Le sable me chuchotait
De marcher dans sa chaleur
J’ai ôté mes chaussures
Pour recevoir ses caresses
J’ai laissé glisser au sol
Mon manteau d’ombres
Et ma robe de feuillets
J’ai offert ma peau aux embruns
Et revêtu le vent
J’ai libéré mes cheveux
Evadés sur ma nuque
En cascades légères
En vagues irisées
Priant le soleil
De venir s’y coucher
A l’appel de l’heure bleue
J’ai déposé sur le sable
Ma peau d’arc-en-ciel
Mon sang de rosée
Puis chevauchant la nuit
J’ai étreint l’univers
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L L – septembre 2010