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Articles tagués “larmes

Marceline Desbordes-Valmore – Le beau jour


J’eus en ma vie un si beau jour,
Qu’il éclaire encore mon âme.
Sur mes nuits il répand sa flamme ;
Il était tout brillant d’amour,
Ce jour plus beau qu’un autre jour ;
Partout, je lui donne un sourire,
Mêlé de joie et de langueur ;
C’est encor lui que je respire,
C’est l’air pur qui nourrit mon coeur.

Ah ! que je vis dans ses rayons,
Une image riante et claire ?
Qu’elle était faite pour me plaire !
Qu’elle apporta d’illusions,
Au milieu de ses doux rayons !
L’instinct, plus prompt que la pensée,
Me dit : « Le voilà ton vainqueur. »
Et la vive image empressée,
Passa de mes yeux à mon cœur.

Quand je l’emporte au fond des bois,
Hélas ! qu’elle m’y trouble encore :
Que je l’aime ! que je l’adore !
Comme elle fait trembler ma voix
Quand je l’emporte au fond des bois !
J’entends son nom, je vois ses charmes,
Dans l’eau qui roule avec lenteur ;
Et j’y laisse tomber les larmes,
Dont l’amour a baigné mon cœur.


Anna Akhmatova – ils ont abandonné leur terre


peinture Josef Sima

Ils ont abandonné leur terre
Aux ennemis qui la déchirent,
Je ne suis pas de leur côté.
Leurs flatteries sont grossières,
Je ne les écoute pas.
Ils n’auront pas mes chansons.
Mais j’ai pitié toujours de l’exilé,
Du malade, du prisonnier.

Errant, ton chemin est obscur,
Amer, le pain de l’étranger.
Ici, dans la sombre fumée
De l’incendie, laissant périr
Ce qui restait de la jeunesse,
Nous n’avons esquivé aucun coup.
Plus tard, lors de la pesée,
Chaque instant sera justifié.
Nous en avons la certitude.

Il n’est personne dans ce monde,
Qui ait moins de larmes que nous,
Ni qui soit plus fier et plus simple .
Pourquoi te démener, maudit ?
Que regardes-tu, le souffle coupé?

Tu l’as compris : on a forgé
Pour nous deux une seule âme.
Oui, je te consolera
Comme personne n’ose le rêver.
Et si tu me blesses d’un mot féroce,
Tu auras mal toi-même.
En ces années fabuleuses


Erick Gaussens – René Chabrière – « romantiques 5 « 


Photo :  B. Monginoux /  www.photo-paysage.com (cc by-nc-nd)

 » à genoux devant ton icône »

Chemins de toutes les traces,
les miroirs de la ville
récitent l’alphabet aux carrefours
de la passion.
Cette ville ne rêvait de ses néons
que pour rire à gorge déployée :
de désir-nylon encombré de rose
sous le couvercle obscur de la nuit.
Bien sûr les étincelles se sont emparées des yeux,
mais plus éphémères que la musique et le sang
lui qui circule dans tes veines
sans que tu t’en aperçoives.
Le sourire de ton visage
a combattu les reflets factices
pour s’emparer de l’âme endormie :
c’est comme ça que tu m’as trouvé
à genoux, devant ton icône
dépossédé de mes larmes
avec mes souliers de pluie,
l’illusion des lambeaux nocturnes
d’une autre vie
quand la ville s’estompe
derrière ses draps de nuage…

RC

écho à Erick Gaussens

Devant la nuit qui dormait J’ai crié ton nom
Et rien ne s’est passé
Alors j’ai mis mes souliers
De nuages et de pluie
Et je me suis enfui

La ville s’oubliait
Dans un plaisir-néon
Dans un désir-nylon

Devant la nuit qui rêvait
Je me suis attendri
Et je l’ai recouverte du drap de ton rire

Alors ses nuages bleus
Se couvrirent d’étincelles
Et d’images tremblantes

La ville s’estompa
En brouillard factice
En fragile illusion

Devant la nuit qui criait
Je suis tombé à genoux
Les larmes à la main

Alors dans un sourire
Qui ressemblait au tien
La nuit s’est rendormie

(c) Erick Gaussens Hillwater


Michèle Finck – Le dit de la cathédrale de Strasbourg –


František Kupka – Madame Kupka parmi les verticales
Quatrième vitrail
Labyrinthe
Qui n’a pas regardé
L’autre pleurer
Ne le connaît pas.

Aimer un être
Pour la façon
Unique
Qu’il a de pleurer.

Le reconnaître
À l’odeur
De ses larmes

Toucher les traces
Que tes larmes laissent
Sur mon visage.
Cartographie étrange
Dont nul n’a la clé.

Dans le labyrinthe
De tes larmes
Avancer
À tâtons :
Éblouie.

Tes larmes
Nous élèvent
Au-dessus
De la poussière.

Tu pleures je ferme les yeux
Pour t’écouter pleurer
À nos pieds la cathédrale
De grès rose
Lentement tournoie.

L’essentiel est invisible
Aux sans-larmes.

Visage contre visage
Savons-nous encore
Qui de nous deux pleure ?

Mes larmes
Coulent
De tes yeux.

Connaissance par les larmes, Arfuyen, 2017,

voir également : la pierre et le sel (actualité et histoire de la poésie)

.


Manuel Bandeira – désenchantement


J’écris ces lignes comme quelqu’un qui pleure
de consternation… de désillusion…
Fermez mon livre si pour l’instant
vous n’avez aucune raison de remplir vos yeux de larmes.


Ma poésie est du sang. volupté brûlante…
Tristesse éparse… vains remords…
qui me font mal aux veines. Amère et chaude,
Elle tombe, goutte à goutte, du cœur.

Et de ces lignes d’angoisse sauvage ,
des lèvres s’écoule alors la vie,
Laissant un arrière-goût âcre en bouche.


-J’écris ces lignes comme quelqu’un qui se meurt.

Teresopolis, 1912

Desencanto

Eu faço versos como quem chora

De desalento… de desencanto…

Fecha o meu livro, se por agora

Não tens motivo nenhum de pranto.

Meu verso é sangue.

Volúpia ardente…

Tristeza esparsa… remorso vão…

Dói-me nas veias.

Amargo e quente,

Cai, gota a gota, do coração.

E nestes versos de angústia rouca

Assim dos lábios a vida corre,

Deixando um acre sabor na boca.

–Eu faço versos como quem morre.

Teresópolis, 1912


Jean-Pierre Siméon – L’avalanche des larmes (extrait)


Salvador Dali – Alice au Pays des Merveilles –

 

mais il y a le pas de ceux qu’on aime

dont on sent

exactement quel poids de souffrance pèse

dans le talon

il y a leur poitrine où nous allongeons

notre sommeil

qui se soulève comme les grandes feuilles

sous la brise

là où nous entendons l’oiseau

déchirer ses ailes

.

il y a notre amour qui est un rythme

entre la terre sa terreur et le ciel

car notre coeur est une branche

qui a soif

et qui cherche son fruit par le soleil

et par la pluie

cependant à mesure que la douceur du fruit

s’engendre

une mort transparente monte

dans la sève

.

l’amour serait le vide qu’une clarté

emplit

et l’emplissant terriblement

elle l’agrandit

qui ne sait que l’amour est vaste

et la solitude infinie ?

la poésie commence

où l’amour cogne au vide

là où tout manque se rue l’avalanche silencieuse

des larmes

.

elles ne sont pas ces larmes

larmes de paupière

et le poème n’est pas une élégie

d’eau et de sel

larmes pour elles sans doute

n’est qu’un nom de théâtre

elles sourdent en nous

d’une immortelle absence

comme ce rien pesant qu’exsudent les murs

dans la nuit

.

c’est en chérissant si fort

une main étrangère

et après la main la volonté qui la fait l’épousée

de l’âme

qu’on devient l’obligé malheureux

de la joie

une joie tourmentée chaque jour

à repousser sa mort

une joie au combat sous la ruée silencieuse

des larmes

 

Traité des sentiments contraires
CHEYNE Editeur 

Reconstitution du portrait – ( RC )


peinture S Dali – Galatée en formation 1954

Ainsi vient la nuit,
quand le jour s’effrite,
griffé par les arbres .
La collision avec les nuages
apporte la pluie,
qui s’infiltre dans ses fissures.


Maintenant des sillons
se dessinent sur les vitres,
petits ruisseaux éphémères,
qui s’affolent et changent de direction.


Personne ne sait
ce qui réveille
les larmes endormies,
quand le vent se lève,
et se heurte aux vitres,
furieux d’une trop longue attente.


Les branches se soulèvent,
s’agitent, lourdes de reproches,
et traversent la pièce obscurcie.
C’est ton visage qui apparaît,
strié par les éclairs,
avant de se briser
en petits éclats de verre,
répandus sur le parquet.


J’évite de marcher dessus,
contournant notre existence.
Demain l’étonnement de vivre
refera surface avec l’aube,
et je reconstituerai ton portrait
comme je le pourrai.


Ne m’en veux pas
s’il en manque des morceaux,
il se peut que j’égare
le souvenir des jours heureux.


franchir le seuil de la porte de la nuit – ( RC )


peinture H Matisse – fenêtre ouverte sur la nuit

Me verrai-je dans les bras d’une aube
ou le temps monotone
essuie mes larmes ?
Ocre saison des soupirs,
yeux noirs des souvenirs .
Je ne renierai pas
la défaite de mon cœur.
Je ne verrai blanchir le jour
qu’au lever du soleil,
et tes cheveux seront pareils
aux pays lointains

couverts de neige,
berceuse douce
des jours passés …
toi qui est partie,
a franchi le seuil
des limites de la nuit.
J’en porte aujourd’hui le deuil.


Charles Dobzynski – Un cheval juif –


René Chabrière – Le cheval jaune (dessin aquarellé) –
Un cheval juif 
ça n’existe pas 
pourtant j’en ai vu un.

Tête noire et crinière blanche 
qui ne s’était pas enfui 
d’une écurie de Chagall.

Cheval aveugle qui pleurait
paupières lourdes
de toutes les larmes du monde.

Hirsute échappé soudain du visible 
peut-être de la Bible 
ou d’une énigme du Zohar.

Il avait fléchi son allure
oublié son galop
et ne portait pour cavalier 
qu’un maigre halo de lune.

Il ressemblait au portrait 
d’un aïeul désolé 
incarcéré dans les fissures

de son image.

Tressaillement des naseaux 
et sous sa robe tremblante 
une douleur insatiable.

La douleur qui est l’azote 
des âmes tombées 
d’un trou de l’ozone.

Le cheval ne se cabrait pas 
face au destin déserté 
il flairait les lointains.

Il humait dans l’herbe rêveuse 
une rosée millénaire 
l’histoire volée en éclats.

Le cheval traverse la nuit 
sans la voir et puis il entre 
dans le jour à son insu

comme on entre dans un miroir.


Je l’enfourchais parfois 
sa tendresse me soulevait 
je le tenais par le mors.

Il me tenait par la mort. 


Je est un Juif, roman

nrf Poésie/ Gallimard


Ibn Zaydùn – fidélité


phpoto : l’homme à la rose ( 1967 )

photo Roland Michaud 1967 – l’homme à la rose- Afghanistan

Je t’ai évoqué à Az-Zahrâ avec ardeur,
Le ciel était bleu, et la terre
Toute de splendeur vêtue.
Au crépuscule le zéphyr était doux,
Et s’accordait à l’âme,
Comme si, par compassion,
Il s’apitoyait sur mon sort.
Le verger de rosée souriait
Comme s’il portait des perles

Un jour comme tant d’autres de nos jours de plaisirs écoulés,
Nous veillâmes comme des voleurs,
Quand le temps s’assoupit,
Nous jouissions de ce qui séduit l’œil dans les fleurs,
La rosée les inondait jusqu’à les faire frémir sur leurs tiges.
Si ses yeux savaient mon insomnie,
Ils pleureraient sur ce qui m’affecte,
Et les larmes auraient brillé et se seraient écoulées.
Fleurs qui étincelèrent au temps de l’éclosion,
Accordant au matin la radieuse clarté des yeux.
Dans la nuit s’exhalent les senteurs du nénuphar assoupi
Qui dessillent, de l’aube, les paupières.

Tout dans la nature éveille
Le souvenir de notre passion
Au point que le cœur en est oppressé.
Que Dieu fasse que votre souvenir ne s’absente
Ni ne s’envole sur les ailes palpitantes des passions.
Si la brise de l’aube voulait porter mon fardeau,
Quand elle répand son souffle
Elle aurait conduit à vous un jeune homme
Que les coups du malheur ont fait dépérir.
Si un jour exauçait le désir de nos retrouvailles,
Il serait de tous le plus généreux.

Ô femme précieuse, sublime,
Toute pétrie de lumière,
L’aimée de mon âme tu serais
Si je te cueillais comme les amants la rose.
La tendresse était l’aire d’intimité
Que, librement, nous avons longtemps parcourue.
Aujourd’hui je chante, de votre règne, le passé révolu.
Dans l’oubli vous avez enfoui mon souvenir,
Mais l’amour de vous ne m’a pas déserté.

extrait du recueil paru chez  » Orphée » ed la Différence.

c’est un auteur qui a vécu au 10 è siècle


La porte étroite – ( RC )


 

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Tu ne regarderas plus sur mon épaule :
trop de larmes ont dévalé les pentes :
mon existence a suivi une courbe lente,
trop d’eau a coulé sous le saule.

J’ai refermé sur moi la porte étroite :
il n’y a plus de place à la lumière ;
ni aux infimes grains de poussière :
je sens déjà l’usure du temps avec ses grosses pattes.

Ma respiration se voile en suspends,
léger sursis à ma lourde peine,
au souffle ténu d’une légère haleine,
avant que se glace mon sang.

RC – août 2020


Leon Felipe – Je ne suis pas venu chanter


 

Gravure  MC Escher  (  partielle):  goutte de rosée

 

Je ne suis pas  venu chanter,             vous pouvez remporter votre guitare.
Je ne suis pas non plus venu et je ne suis pas ici pour remplir mon dossier pour qu’on me canonise quand je mourrai.
Je suis venu regarder mon visage dans les larmes qui marchent vers la mer,
Le long du fleuve,
et le nuage…
et dans les larmes qui se cachent
dans le puits,
dans la nuit
et dans le sang…

Je suis venu regarder mon visage dans toutes les larmes du monde,
et puis aussi pour mettre une goutte de mercure, de pleurs, ne serait-ce qu’une goutte de mes pleurs
dans la grande lune que fait ce miroir sans limites où ceux qui viennent me regardent et se reconnaissent.
Je suis venu écouter encore une fois cette vieille sentence dans les ténèbres :
Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front
et la lumière à la douleur de tes yeux.
                  Tes yeux sont les sources des pleurs et de la lumière.


Jeanne Benameur – j’attends


( extrait de son recueil: « l’exil n’a pas  d’ombre » )

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Ils ont déchiré mon unique livre.
Je marche.

Ont-ils brûlé ma maison?
Qui se souviendra de moi?
Je tape dans mes mains.

Fort. Plus fort.

Je tape dans mes mains et je crie.
Je tape mon talon, fort, sur la terre.
Personne ne pourra m’enlever mon pas.

Et je tape. Et je tape.
La terre ne répond pas.

Ni le soleil ni les étoiles ne m’ont répondu.
Trois jours et trois nuits je suis restée.

J’ai attendu.

Il fallait bien me dire pourquoi.
Pourquoi.

Il n’y a pas eu de réponse dans le ciel.

Il n’y a pas de réponse dans la terre.
Alors je tape le pied, fort, de toute la force qui a fait couler mes larmes.

J’attends.
Dans le soleil.
Dans le vent.

J’attends.

Que vienne ce qui de rien retourne à rien et que je com­prenne.
J’ai quitté l’ombre des maisons.
Je vais. Loin.

Loin.              Pas de mot dans ma bouche.


Jean GENET – Poèmes retrouvés


 

Safet Zec, Les mains sur le visage

                     Safet Zec, Les mains sur le visage

 

 

 

Dans l’antre de mon œil nichent les araignées

Un pâtre se désole à ma porte et des cris

S’élèvent de la feuille angoissée où j’écris

Car mes mains sont enfin de mes larmes baignées.

 

 

 

Le condamné à mort  et autres poèmes 

nrf

Poésie/Gallimard


Jean-Michel Sananès – je courais


Image associée

 

Quand j’étais jeune
je ne savais où aller
je courais
après mon père
après ce chat qu’il me fallait apprivoiser
après cet alphabet qu’il me fallait dompter
je courais
après mon âge
et les grands qui partaient à vélo.

Seul, en attente d’être grand
à l’âge du duvet sur les joues
laissant mes mots au vestiaire
je courais après filles
dans l’infortune des timides
je courais les échecs et le spleen
je courais la rime
voulais être Rimbaud
sac au dos, je courais des rêves d’aventure
je courais après la vie
les amis, le travail, une raison de vivre.

Je courais, courais, dans l’odeur des casernes
courais après le temps
après les larmes, l’exil et le chagrin
dans les rayonnages du mot
à frontière de raison
de l’imparfait au futur je courais le verbe être
je courais après le temps
je courais je courais je courais
jusqu’à ce que s’ouvre ce chemin intérieur
où j’ai couru de mois en mois en mois
où j’ai couru de moi à moi

Je ne cours plus
j’ai trouvé de l’encre et du papier
des yeux d’enfants, des yeux de chats
si grands que j’y lis le monde
je ne cours plus
j’ai trouvé des êtres à aimer
plus grands, plus vastes que le champ des étoiles
et toutes les mappemondes du monde
je ne cours plus
je suis enfin arrivé chez moi
pour être, jusqu’à ne plus être.

Maintenant je sais
pour aller à soi
courir est inutile.

 


ThomasPontillo – Ce qu’a dit la beauté – 01


Pentti Sammallahti : Frog by Pentti Sammallahti
photo    Pentti Sammallahti

Je veux dire, avec l’humilité d’un ciel qui se propose,
la lumière qui n’est que du présent qui pense,
l’avancée du rêve parmi les vagues discrètes d’un jour,
plus beau à mesure que l’air sur mes lèvres
délivre l’hiver qui hésite au loin dans le chant des brumes.

Dire, et avec ce qui tremble au plus profond de l’âme,
célébrer la voix mêlée de nuit claire,
intensifier le geste qui accueille un corps.
Oui, dire et célébrer – encore – le pays où les pas
sur la neige sont un testament pour la beauté.
Dire, et avec les mots, augmenter en nous
la vibration secrète de l’émoi.

Lueurs immobiles sur l’éternité des eaux,
que votre majesté soit mon identité,
que mon souffle vienne mourir dans les plis de vos soupirs.
Mais est-il vrai que déjà nous ayons goûté
le temps où l’on voit monter, de larmes en larmes,
l’espoir d’un monde retrouvé ?


Un homme qui pleure – (Susanne Derève)


Philippe Pasqua Ss titre 2008

 

 

Un homme qui pleure   c’est   

comme un bateau abandonné

après l’orage

un enfant qu’on n’a pas bercé

C’est un soldat qui a rendu armes

et bagages

un drapeau blanc

planté au milieu d’un grand champ

dévasté

une mine qui n’a pas sauté

et qui attend  sous  terre 

le moment d’exploser  

 

                                                                       

Un homme qui pleure

est-ce un naufrage

ou bien est-ce mon cœur qu’il a pris en otage

que je lui ai laissé

comme on jette parfois les miettes

du passé

et qu’on le sait il ne sert plus à rien

de dire je t’aimais

s’il ne reste à offrir en partage               

que des regrets

 

 

 

 


Fleur recluse – ( RC )


Cim  Chanac      10.JPG

photo perso –   Chanac

 

 

C’est comme un coeur
qui garde sa couleur
encore quelque temps :
il parle doucement
de ses quelques printemps
vécus bien avant .
–         C’est une fleur à l’abri de l’air,
qui, par quelque mystère
        jamais ne fane,
mais ses teintes diaphanes
à defaut de mourir,
finissent toujours par pâlir .

Détachée de la terre ,
elle est prisonnière
d’une gangue en plastique,
un procédé bien pratique
pour que la fleur
donne l’illusion de fraîcheur .
–     C’est comme un coeur
qui cache sa douleur ,
et sa mémoire,
dans un bocal de laboratoire,
( une sorte de symbole
conservé dans le formol ) .

Une fleur de souvenir ,
l’évocation d’un soupir :
celui de la dépouille
devant laquelle on s’agenouille :
les larmes que l’on a versées,
au milieu des pots renversés .
        C’est comme s’il était interdit
à la fleur,       d’être flétrie :
elle,       immobilisée ,
figée, muséifiée,
( églantine sans épines,
au milieu de la résine ) .

A son tour de vieillir :
         elle va lentement dépérir :
le plastique fendille, craque
ou devient opaque :
         les vieux pétales
cachés derrière un voile
entament leur retrait :
d’un pâle reflet
où les couleurs se diffusent :
       la rose recluse
se ferait virtuelle :
–    elle en contredit l’éternel –


RC – nov 2017


Nathalie Lauro – Je flotterai


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Je flotterai avec
Mes rêves et mes passions,
Bien au dessus,
De toutes ces questions.
Je ne voudrais à aucun prix
Poser les pieds nus sur la terre
Et découvrir un beau matin,
Le sang, les larmes et la poussière.
Mais je voudrais à juste prix
Profiter d’un si grand mystère,
Alors ignorer de plein gré
Incertitudes et suspicions
Puis le cloître de leur prison,
Le noir, le gris, l’enfer, l’envers
Et le pouvoir de tes poisons.


Gabriela Mistral – complainte


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art: Isabelle Levenez

Tout a pris dans ma bouche
une saveur persistante de larmes;
le repas quotidien, le chant
et jusqu’à la prière.

Je n’ai pas d’autre métier
après celui-ci silencieux de t’aimer,
que cet office de larmes,
que tu m’ as laissé.

Mes yeux serrés
sur de brûlantes larmes!
bouche convulsive et tourmentée
où tout me devient prière !

J’ai une de ces hontes
de vivre de cette façon lâche!
Je ne vais pas à ta recherche
et je ne parviens pas non plus à t’oublier!

Un remords me saigne
de regarder un ciel
que ne voient pas tes yeux,
de toucher des roses
nourries de la chaux de tes os!

Chair de misère,
branche honteuse, morte de fatigue,
qui ne descend pas dormir à ton côté,
et qui se presse, tremblante,
conte le téton impur de la Vie!


Pierre Mannha – si je ne peux pas pleurer


Henri Matisse - Fruit and Coffeepot [c.1898] 4808268332.jpg

peinture:  H Matisse

 

If I cannot cry
let these words be my tears
pooling in your cup
the fervency of my longing

Si je ne peux pas pleurer
Laissez ces mots être mes larmes
Se regrouper dans votre tasse
La ferveur de mon désir

 


Sandra Lillo – Le ciel gris se colle aux fenêtres


water, nature, outdoor, drop, dew, liquid

 

Le ciel gris se colle aux fenêtres
comme un papillon de nuit

ou est-ce toi qui le vois comme un
insecte qui sait à peine voler

lourd des promesses qu’ il n’a pas tenues

et c’est pour ça la mer

la nuit nos larmes le traversent .

——

voir d‘autres  textes  de S Lillo 

et sa parution le ciel coule sous les branches


Béatrice Douvre – Gravitation


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croix de chemin en Gévaudan  ( Besseyre )

 

Sous le grand âge du printemps
L’eau sourd en gouttes de regret
Des bouquets sonores exultent
Poudroyant
Mais la demeure saigne
Et sa fissure
Nous avions construit ici notre logis
Sur un escarpement de pierres heureuses
La campagne est mouillée de sevrage
La voix nuptiale empruntée aux pierres
Heure boisée qu’excède l’amour
Tu innocentes ta trouvaille d’enfant
Tu gis sur le chemin trempé
Et de pluie tu défailles
Maintenant brillent d’obscures larmes
Tu acceptes la peur immaculée de vivre
L’aube étincelle dans l’herbe des vigueurs
Souffle mûr mêlé du sang des hommes
Tu marchais réinventant le pas du sol comme une soif
Dans le vent neuf Je te regarde tu courais
Geste habité du vœu de naître
Auprès des croix
Qui font parfois les pierres profondes
Moment cendré de l’étendue
Chancelant
Et notre pauvreté nous vient d’un même exil
Dans le temps
Grandir a dissipé le seul voyage
Entre l’arbre et le seuil
Entre nos mains
Désormais c’est l’herbe qui nous dure
Sa cécité très douce à nos pas retranchés


Albert Aygueparse – les plaies de l’âme


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photographe non identifié

 

 

Tu m’accompagnes partout dans ce monde mal fait
Ton poids est plus léger que la buée du premier jour
Je te respire par tous les pores de ma peau triste
Et ton sang reconnaît sans effort le dédale brûlant de mes veines
Dans cette saison de fer je ne me sens plus seul
Car tu me donnes la force d’être ce que je suis
Je mêle l’espoir et la peine, la joie et la souffrance
Je peins la peur et le courage des mêmes couleurs
Je donne à l’ortie et au blé la pluie et le soleil
Je mets la graine et l’épi dans la seule balance
J’accepte sans choisir les larmes et l’amour
J’abandonne le ciel pour cette terre amère
Mais je ferme les yeux pour retenir ton ombre
Immobile et debout dans mon sang ébloui.
Je ne parle qu’à toi de la vie,         de la mort.

 

ALBERT AYGUESPARSE                ( « Les plaies de l’âme » in Poèmes )


Henry Bauchau – le voyage


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Le voyage

Tu pars, tu vas quitter la durée de la neige
Pour un autre temps plus actif, on dit là-bas que l’Histoire s’accélère.
Pourra-t-elle produire une raison paisible, une femme née de la terre
Éclairée de pensée vivante par la voyance, la claire audience de son corps.
Tu es dans la saison de la simplicité, quand la vue baisse on ne voit que les plus simples lignes.
(…)
Tu pars, tu vas longer la pente des rivières, tu passes des villages grèges
Rien n’est beau que la vigne nue, sous le vert des phosphates,
rien n’est plus éclairé que le mur manuel.
Tu es dans le cimetière des vignerons, tu cherches entre les tombes une trace perdue
Le lac dans la brume, il est couleur de perle, au milieu du nuage on voit deux larmes, on voit
deux barques suspendues.
À l’ombre du muret, il reste un peu de neige et tu lis sur la pierre :
Ma grâce te suffit. C’est ce que j’avais oublié.


Xavier Grall – Solo


 

 

 

Chapelle  Méné  Bré   520.jpg

 

photo perso  . Le Méné-Bré   2011

 

Seigneur me voici c’est moi
Je viens de petite Bretagne
Mon havresac est lourd de rimes
De chagrins et de larmes
J’ai marché
Jusqu’à votre grand pays
Ce fut ma foi un long voyage
Trouvère
J’ai marché par les villes
Et les bourgades
François Villon
Dormait dans une auberge
A Montfaucon
Dans les Ardennes des corbeaux
Et des hêtres
Rimbaud interpellait les écluses
Les canaux et les fleuves
Verlaine pleurait comme une veuve
Dans un bistrot de Lorraine
Seigneur me voici c’est moi
De Bretagne suis
Ma maison est à Botzulan
Mes enfants mon épouse y résident
Mon chien mes deux cyprès
Y ont demeurance
M’accorderez-vous leur recouvrance ?
Seigneur mettez vos doigts
Dans mes poumons pourris
J’ai froid je suis exténué
O mon corps blanc tout ex-voté
J’ai marché
Les grands chemins chantaient dans les chapelles
Les saints dansaient dans les prairies
Parmi les chênes erraient les calvaires
O les pardons populaires
O ma patrie J’ai marché
J’ai marché sur des terres bleues
Et pèlerines
J’ai croisé les albatros
Et les grives
Mais je ne saurais dire
Jusques aux cieux
L’exaltation des oiseaux
Tant mes mots dérivent
Et tant je suis malheureux
Seigneur me voici c’est moi
Je viens à vous malade et nu
J’ai fermé tout livre
Et tout poème
Afin que ne surgisse
De mon esprit …./

 

( début du long poème  « Solo »…  ed Calligrammes )


Dominique Sampiero – je retrouve mes larmes


Josef Sima - 8 soleil_chaud_1960.jpg

peinture: Josef Sima

 

Je retrouve mes larmes comme mes propres enfants,  le plus fragile de moi-même
ne m’effraie plus, au contraire, je me laisse envahir, et la pluie, au-dedans comme
au-dehors, lave ce que je ne sais ni de moi ni du monde, et qui me brûlait le cœur.

Dominique Sampiero